Publié le: 2 juin 2023

Sous-marins nettoyeurs de pipelines

REINHART HYDROCLEANING SA – La PME de Courroux (JU) poursuit sa progression. Ses outils nettoyent en finesse et avec efficacité des milliers de kilomètres de pipeline pétroliers et gaziers. Fondée au Tessin pour le nettoyage des canalisations il y a trois générations, elle s’engage avec ses RCT dans la lutte contre la funeste moule Quagga.

Nous sommes en pleine mer du Nord. Entre l’immense complexe pétrolier off-shore norvégien d’Ekofisk découvert en 1969 et la raffinerie de Newcastle au Royaume-Uni s’étend un long pipeline de 354 kilomètres. Il doit être nettoyé régulièrement. Comme partout ailleurs, les propriétaires ont le choix. Attendre et ne rien faire. Ou choisir le mode économique et envoyer dans les tubes des petites gommes en plastique qui ne produisent aucun effet. Ou encore – et surtout quand la situation devient désespérée – appeler l’entreprise jurassienne Reinhart Hydrocleaning à la rescousse.

Cette PME basée à Courroux (JU), membre de Swiss Label, a développé les outils qui font la différence. On les appelle des RCT (Reinhart Cleaning Technology). Sorte d’obus à tête arrondie, ils font penser à une grande torpille et arborent une série de brosses et de tiges en métal ou en matière plastique. Ce sont des robots sans moteur dont le déplacement dans les tubes s’effectue simplement par la poussée induite des liquides qui voyagent dans le pipeline. Leur travail sur les parois de la canalisation peut être géré au moyen de coupelles de propulsion.

«Nous sommes entre autres très actifs en Norvège, à partir de plateformes offshore. Les RCT que nous proposons comportent différents diamètres entre deux et 76 pouces, soit de 40 mm à deux mètres», explique Robert Reinhart, représentant de la troisième génération et bon narrateur. Lui et son frère Roland, son père Giacomo (77 ans) et son grand-père Albert Johann, aujourd’hui décédé, ont tour à tour dirigé cette PME dans laquelle s’activent aujourd’hui treize personnes, sans compter des agents ou des représentants à l’étranger. «C’est mon grand-père Albert, ingénieur hydraulique, qui avait lancé le premier projet. Il répondait à une demande émanant d’une commune tessinoise qui souhaitait nettoyer ses canalisations.» On est en avril 1952 et les souvenirs remontent.

DĂ©collage off-shore en 1996

Après le Tessin suit un pipeline industriel en Italie, un autre (gazier) en Allemagne, puis une aciérie (1962). Dans les années septante, les affaires se sont développées dans le charbonnage en Allemagne, où il fallait lutter contre divers dépôts très durs de barium et de carbonate de calcium.

En 1996, la PME fait ses premiers pas dans le secteur off-shore. «BP a fait appel à nous. Une opération de nettoyage en mer du Nord sur la plateforme Beatrice (Aberdeen) a été exécutée avec succès, ce qui nous a valu d’autres opérations de nettoyage d’oléoducs sur des plates-formes pétrolières en mer du Nord et dans les États arabes du Golfe, poursuit Robert Reinhart. Au fil des ans, le nettoyage des oléoducs est devenu une spécialité de RHC SA. Nous avons conclu des contrats pour assurer le nettoyage mensuel de ces installations. En plus d’utiliser le RCT, nous avons développé dans la foulée des outils d’inspection MFL (Magnetic Flux Leakage) et UT (Ultrasonic).»

Le marché est un marché d’avenir qui se développe, même si pour l’instant celui des produits pétroliers offre encore de grands potentiels. «Le nettoyage des gazoducs est un autre volet de notre activité, poursuit notre interlocuteur. L’une de nos spécialités consiste à faire passer les gazoducs de l’azote à l’oxygène, par exemple. Propulsée par l’eau, la conduite est nettoyée à blanc avec le RCT, puis séchée avec des pistons de mousse jusqu’à un point de rosée de -65°C. Ce processus de nettoyage permet d’éliminer tous les types de dépôts comme la graisse ou la rouille, ainsi que les dépôts laissés lors de la construction du pipeline, comme le bois, les gobelets, les pierres, les sacs de gel de silice, les fraises, les mousses. En plus, on arrive à polir les cordons de soudure ainsi que les pénétrations de soudure. Il a fallu concevoir un RCT spécial pour couper les soudures et les ramasser en même temps sans endommager la surface interne.»

De Courroux Ă  Kourou!

«Ensuite, il y aura l’hydrogène avec les enjeux de conversion des lignes qui permettront d’en transporter.» Le sujet est vaste et notre interlocuteur, intarissable. Ses outils peuvent aussi, dans l’industrie, nettoyer des conduites transportant du latex, de l’aluminium et… du fromage! La presse locale a relaté le périple de ces canalisations qui, de Courroux, ont été acheminées à Kourou en Guyane, où elles ont servi à la mise en service des conduites alimentant le site de lancement des fusées Ariane 6.

Si la Reinhart est célèbre dans le microcosme des compagnies pétrolières et gazières du monde entier, c’est essentiellement par le bouche à oreille. Et par le fait que ses solutions très adaptées à chaque contexte, type de produits transportés, type de conduites, type de matériaux… débouchent sur des solutions qui marchent. La production s’effectue de A à Z à Courroux, base arrière équipée pour l’usinage, le tournage, le fraisage. Sans oublier les réparations parfois nécessaires après intervention.

«Nous sommes équipés de cinq fraiseuses et de trois tours à commande numérique, 95 % des outils de nettoyage sont fabriqués en interne, ce qui est trois fois plus efficace que le type de production conventionnel.» Et à propos de maintenance – un système a été installé pour nettoyer les outils d’une longueur totale de cinq mètres et d’un poids de 2000 kg. «Une fois que les débris sont enlevés dans la salle de lavage et que l’outil est propre, il passe dans la salle de sablage. Ensuite, les pièces sablées sont repeintes. À cela s’ajoute une salle avec une découpe à eau (jusqu’à 3800 bars) ainsi qu’un atelier permettant de couper le cuir et le polyuréthane (pour les fameuses coupelles).»

Lutte contre la moule Quagga

L’activité à l’international dépend des contextes géopolitiques. «Les développements au Venezuela sont au point mort en raison des sanctions économiques. Dans la péninsule arabe, les clients ont les moyens et ne sont pas trop pressés. En Libye, où nous observons une phase de relance, les gens sont pressés de remettre les choses en état, mais il y a peu de moyens financiers.» Parmi les projets en cours, un RCT est prévu pour nettoyer une canalisation qui approvisionnera la commune de Bienne. «Nous avons mis sur pied un prototype de cette canalisation qui devra être nettoyée tous les quinze jours pour éviter le développement des larves de ce coquillage Quagga qui envahit tous les lacs de Suisse.»

«Nous sommes sur un marché de niche des plus complexes, ajoute Robert Reinhart. Beaucoup de choses se font sur appel. Ce qui est difficile, c’est que le premier réflexe des utilisateurs n’est pas de nous appeler. Souvent, c’est trop tard et les dégâts sont importants. Le client cherche une solution rapide et bon marché. Mais cela n’existe pas. Cela prend du temps est c’est cher. Pour nous, le fait que le client attende avant de nous contacter reste un grand mystère. Nous proposons des solutions adaptées à n’importe quel type de matériau et de canalisations et nous passons beaucoup de temps à expliquer. Mais cela reste difficile. Les gens attendent des nouveautés, mais notre outil est juste une adaptation dans chaque cas à un scénario particulier.»

François Othenin-Girard

www.rhc-sa.ch

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