Publié le: 11 août 2023

L’euro, une construction fautive

Devises – L’euro a 25 ans: du point de vue de l’UE, cela peut être considéré comme une belle histoire. Pour Hans Kaufmann, ancien conseiller national (UDC/ZH), ce n’est pas un jour de fête, mais un jour de deuil. Les sceptiques avaient raison: une monnaie unique pour un espace économique aussi diversifié ne peut pas fonctionner.

Avant même l’introduction de l’euro, les politiques et les médias ont muselé les critiques qui qualifiaient de mauvaise construction une monnaie commune dans un espace économique aussi différent que l’UE. On leur a assuré que seuls les pays qui remplissaient les critères de Maastricht seraient admis dans l’union de l’euro. Or, ce n’était pas le cas lors du lancement de l’euro, et encore moins lors des adhésions ultérieures.

Perte de pouvoir d’achat de 41 %

Les règles de stabilité fixées dans le traité de Maastricht ont été violées par presque tous les gouvernements, parfois durablement. Contrairement à ce qui avait été convenu, l’UE contracte aujourd’hui des dettes communes et a introduit ses propres impôts de toutes sortes. Pour les pays compétitifs du Nord, l’euro s’est avéré trop faible pendant des années, ce qui a encore renforcé leur compétitivité internationale. Pour les pays du Sud, improductifs et bureaucratiques, l’euro était en revanche trop fort, ce qui a provoqué l’hémorragie de nombreuses entreprises exportatrices, notamment de taille moyenne.

Il y a quelques semaines, à l’occasion du 25e anniversaire de l’euro, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, s’est félicitée d’avoir «livré la marchandise». L’inflation n’aurait été que de 2,01 % sur les 25 ans. C’est vrai, mais en Suisse, elle n’était que de 0,6 % par an. La différence semble minime, mais calculée sur 25 ans, cela signifie une perte de pouvoir d’achat de 41 % dans le cas de la zone euro, et de seulement 14 % en Suisse.

Un taux de chômage plus élevé

Le PIB par habitant a augmenté de 20 % en termes réels depuis 2000. Lagarde ne précise pas que cette croissance s’est faite au prix d’une augmentation massive de la dette publique. Mais en Suisse, le PIB réel par habitant a augmenté de 40 % sur la même période, soit deux fois plus. En 2000, la différence entre le PIB de la Suisse et celui de la zone euro était de 25 500 euros, contre environ 41 000 euros aujourd’hui. En pourcentage, le PIB par habitant en Suisse est aujourd’hui 129 % plus élevé que la moyenne de la zone euro, alors qu’il y a 25 ans, l’écart n’était «que» de 96 %.

Le taux de chômage dans la zone euro est passé de 10,2 à 6,5 %depuis fin 2018, mais il reste aujourd’hui trois fois plus élevé qu’en Suisse, où il a reculé de 3,4 à 1,9 %dans le même temps. Le taux de chômage des jeunes dans la zone euro (13,9 %) est également plusieurs fois supérieur à celui de la Suisse (1,7 %). La dette publique dans la zone euro est passée de 72,8 % du PIB avant l’introduction de l’euro à 91,6 % aujourd’hui (fin 2022), tandis que le taux d’endettement en Suisse est passé de 56 % du PIB à 42,2 %. Au niveau fédéral, 13 des 25 années ont été marquées par un excédent budgétaire, notamment grâce au frein à l’endettement décidé par le Parlement en 2001 et accepté par le peuple dans les urnes avec 85 % de voix favorables, en vigueur depuis 2003.

Perte de près de 40 % de la valeur

Du point de vue de l’UE, l’euro peut être considéré comme une success story, mais tout succès est relatif, comme le montre la comparaison avec la Suisse. Par rapport au franc, l’euro a en tout cas perdu 39,5 %de sa valeur depuis début 1999. À cela s’ajoute le fait que l’écart de prospérité au sein de l’UE s’est plutôt accru au fil des ans. Les pays du Sud sont clairement perdants. C’est sans doute pour cette raison que l’UE a mis en place, sous le couvert d’un plan de reconstruction (Next Generation EU), un gigantesque projet de redistribution par lequel les fonds européens sont transférés du Nord vers le Sud et de l’Ouest vers l’Est de l’UE. L’UE est donc également devenue une union de transfert que l’Allemagne a combattue pendant des années. La camisole de force qu’est l’euro remplit son objectif de centralisation des compétences et de fusion des budgets nationaux, et bien trop peu osent s’y opposer. Et chaque année, le poids de la dette s’alourdit, car les intérêts et les amortissements rongent les budgets européens et nationaux. Les trous financiers qui menacent incitent à leur tour l’élite de l’UE à chercher de nouvelles sources de revenus, ce qui signifie en clair encore plus d’impôts et de taxes.

Hans Kaufmannex-conseiller national (UDC/ZH)

«25 ans d’unité de l’euro», par Christine Lagarde, blog de la BCE

«Le 1er juin 1998, la Banque centrale européenne (BCE) a été créée en vue de préparer le lancement de l’euro, la plus vaste opération de transition monétaire jamais réalisée dans le monde. Avocate à cette époque, je me rappelle avec quelle effervescence nous mettions à jour les contrats fondés sur des taux de change qui allaient bientôt disparaître. La monnaie unique pouvait-elle réellement fonctionner? Aujourd’hui, alors que nous célébrons le 25e anniversaire de cette institution, nous savons que l’euro fonctionne et qu’il a rapproché les Européens.

Ces travaux sont essentiels pour la prospérité des citoyens européens.

Chargés par les gouvernements de l’Union européenne de préserver l’euro, nos équipes de Francfort ainsi que leurs collègues des vingt banques centrales nationales de l’union monétaire œuvrent sans relâche à l’accomplissement de notre mandat de maintien de la stabilité des prix. Ces travaux sont essentiels pour la prospérité des citoyens européens.

Au cours des vingt-cinq dernières années, nous avons accueilli neuf nouveaux pays dans la zone euro, qui est ainsi passée de onze à vingt membres. En outre, nous avons assumé de nouvelles responsabilités, notamment la supervision des banques européennes. L’euro est aujourd’hui la deuxième monnaie la plus importante dans le système monétaire international, après le dollar.»JAM/réd

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