Publié le: 1 septembre 2023

L’Empire du Milieu, devenu l’ombre de lui-même

chine – Selon Michel Conti, économiste, la situation est si grave qu’il faut remonter aux époques

médiévales des grandes famines et épidémies pour constater des pertes de population de cette ampleur.

La Chine est devenue l’une des nations au monde où il est le plus cher d’élever et d’entretenir une famille. L’effondrement de la consommation et du niveau de vie en général font des ravages parmi les jeunes couples chinois qui, dès lors, n’ont plus guère de motivation de fonder une famille. La fertilité chinoise décline donc de manière précipitée envers et contre la politique pronataliste adoptée en 2021 par le Gouvernement qui encourage chacune des familles de son pays à y avoir trois enfants. Rien n’y fait, car comme la fertilité (ou le désir d’enfant) est une des rares composantes que les autorités chinoises ne parviennent pas à contrôler, l’effondrement démographique y est appelé à durer dans le temps, et pourrait même s’accélérer.

La population chinoise devrait régresser de manière spectaculaire à 800 millions d’individus d’ici la fin du siècle, par rapport à 1 milliard 400 millions aujourd’hui, si l’on en croit les Nations unies. Les prévisions les moins favorables des statisticiens, selon lesquelles la population cesserait de se renouveler en 2029, furent démenties par une réalité encore plus sinistre car ce point de bascule marqué par une égalité des naissances et des décès survint dès l’an dernier en 2022.

La situation est si grave qu’il faut remonter aux époques médiévales des grandes famines et épidémies pour y constater des pertes de population de cette ampleur.

Attendre une génération

Alors, les analystes, les experts et les politiques ont-ils joué à se faire peur en surestimant la puissance économique chinoise, comme leurs prédécesseurs l’avaient fait pour la Russie de Sputnik des années 1960, et le Japon et sa maîtrise électronique des années 1990? Il semble acquis que la Chine devra attendre au moins une génération pour se hisser au niveau américain tant elle multiplie ses interférences politiques avec ses fleurons industriels et technologiques.

Le Parti communiste et la sécurité nationale caracolent en effet bien devant toutes les autres préoccupations des dirigeants chinois. En vertu de cette échelle des priorités, la croissance économique est priée de s’écarter si tel est le prix à payer pour préserver, voire pour renforcer le contrôle politique, pour maintenir le statu quo social, pour accélérer son influence envers l’étranger.

Innovation chinoise décapitée

L’offensive de charme de ces mois derniers exhortant et encourageant les hommes d’affaires et entreprises occidentales ne séduit guère dans un contexte où, en réalité, les arrestations d’étrangers et les intrusions dans les sociétés établies dans le pays gèlent littéralement l’investissement extérieur, et découragent fortement même les simples visites dans le pays.

En imposant la mainmise absolue du Parti sur l’éducation, sur la technologie, sur l’industrie du divertissement, etc., Xi aura réussi à décapiter l’innovation chinoise. Et à s’aliéner des pays comme l’Australie, comme la Corée du Sud ou comme l’Italie, échaudés, voire dégoûtés par sa main de fer et autres mesures coercitives. Comme, pour le Parti, le pouvoir compte nettement plus que l’économie, il est donc aisé de comprendre que les ennuis actuels (économiques) et à venir (démographiques) de la Chine sont d’ordre politique, voire idéologique.

Comment investir?

Aucun des plans visant à stimuler son économie n’aboutiront en présence de cette déconnection désormais évidente entre les officiels et le secteur privé. Comment investir, comment innover et comment réussir alors que ce régime se distingue entre autres par l’une des tares traditionnelles des régimes autoritaires, à savoir l’imprévisibilité?

Michel Santi,

Gestion Suisse, Genève

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