Publié le: 1 septembre 2023

le nez dans le dico

La différence entre éclairer et illuminer

Tout comme vous, je l’attendais, elle est enfin arrivée: cette vague de fraîcheur salvatrice venue percer puis évacuer le dôme de chaleur étouffante de cette fin de mois d’août 2023. Avec elle cependant, des journées plus sombres durant lesquelles nous ressentons un cruel manque de lumière.

Le ventilateur et la machine à glaçons tout juste mis de côté, je me demande déjà comment éclairer davantage les pièces de mon appartement, comment donner de l’éclat à mes journées à la tonalité soudainement morne. Ce qui n’est pas chose aisée puisque même mon chat ne manque pas d’éteindre ma lampe de bureau tactile. Et moi qui croyais que l’on jouait dans la même équipe… Ô rage et déception! (vous saisissez le calembour?)

Pas question de me laisser abattre par la grisaille, j’en ai vu d’autres! J’allume mon haut-parleur connecté pour écouter Otis Redding me susurrer des mots doux. Et me voilà accourant vers le tiroir où je range mes bougies colorées, parfumées et résolument réconfortantes. Illumineront-elles ou éclaireront-elles ces quelques jours grisâtres en attendant le retour d’un temps plus estival? Quelle est la différence entre éclairer et illuminer? Plongeons notre nez dans le dico pour éclairer notre lanterne!

Ces deux verbes sont d’origine latine. Éclairer provient du latin populaire exclarare (datant approximativement de 1200), composé du préfixe ex- et de la forme latine clarare. Illuminer est un emprunt de 1200 environ au latin classique (c’est-à-dire de l’Antiquité) illuminare, qui signifiait «éclairer, illuminer» ou «orner», ou au figuré «mettre en lumière, rendre illustre». Illuminare qui lui-même a pris le sens particulier de «rendre la vue», «éclairer, instruire» en latin chrétien (le latin parlé dans les cercles chrétiens entre le 1er et le 8e siècle ap. J.-C.).

Du point de vue historique, éclairer possède le sens concret de «répandre la lumière sur qqn ou qqc», et le sens figuré de «rendre clair, compréhensible». Illuminer a d’abord signifié «rendre la vue», puis vers 1350 «éclairer qqn par la lumière de la vérité» (dans un contexte religieux) et «éclairer d’une vive lumière». Dès la fin du 17e siècle, il prend son sens que j’appellerai «de Noël»: «orner de lumières (un monument, une rue, etc.)».

Mais illuminer ne s’emploie pas uniquement en période de Noël: ce verbe signifie aussi de nos jours «éclairer d’une vive lumière», ou encore «mettre un reflet, un éclat lumineux sur» – pensée particulière aux lectrices du Journal des arts et métiers qui illuminent leurs paupières de fards irisés. Éclairer, dans son emploi transitif (avec complément), signifie «répandre la lumière sur qqc ou qqn», que cette lumière soit vive ou non. Dans son sens intransitif (sans complément, à savoir «éclairer tout court»), le verbe prend le sens de «mettre qqn en état de comprendre, de discerner le vrai du faux» (v. informer), ou «rendre clair, intelligible» (v. expliquer).

Revenons à mes bougies: je peux désormais affirmer qu’elles éclairent mon salon, celui où j’écris en jetant un regard par la fenêtre de temps à autre. Elles illuminent ma table de travail – puisqu’elles l’ornent d’une vive lumière – et éclairent ma journée – puisqu’elles y répandent une lumière singulière. Vous penserez peut-être que j’enjolive la situation, que je m’emporte, et que dehors, dedans, partout, c’est gris. Mais il va falloir être patient, et quoi de mieux que d’apprécier les petits bonheurs de la vie pour nous y aider? Car voyez-vous, le retour du soleil dans le ciel suisse, ce n’est pas pour tout de suite.

Laura Di Lullo

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