Publié le: 1 septembre 2023

Recherche réceptionniste filoxeniste

hôtellerie – L’Amicale internationale des sous-directeurs et chefs de réception des grands hôtels (AICR) organise cet automne à Genève le concours suisse du meilleur réceptionniste. Un métier pour lequel la relève fait défaut. Interview avec Yannis Gerassimidis qui a co-organisé le premier concours en 1995 avec son ami Egidio Marcato.

L’esprit de l’accueil, la valeur phare du monde de l’hospitalité, sera encore à l’honneur dans la cité de Calvin. L’AICR, l’Amicale internationale des sous-directeurs et chefs de réception des grands hôtels, organise en effet cet automne à Genève le concours suisse du meilleur réceptionniste. Sous la houlette du Grec Dimitrios Trikaliotis, directeur des opérations de l’établissement Les Bains de Lavey SA.

Il nous a semblé important de parler de ce métier d’accueil dans un contexte de pénurie de main d’œuvre et dans une branche hôtelière qui doit aussi affronter un problème aigu de relève – tout en portant à bout de bras une certaine image de la Suisse. Et surtout, d’en parler avec un passionné.

Yannis Gerassimidis a mis sur pied le premier concours en 1995 avec son ami Egidio Marcato, ex-président de cette association. Aujourd’hui, l’amicale internationale compte dix-sept pays et l’un de ses buts est de faire rayonner l’image du métier de réceptionniste auprès du public et des plus jeunes générations. Les deux amis seront aussi à Gdansk pour les Euroskills (46e édition) – Egidio Marcato étant officiellement le Coach Hotel Reception engagé par SwissSkills – du 5 au 9 septembre prochain.

De Rhodes Ă  Lausanne

Yannis Gerassimidis est Grec, originaire de Naxos, il a fait ses études à Rhodes dans une célèbre école hôtelière. Nommé dans un grand hôtel grec, il a préféré tenter l’aventure et accepter un poste de réceptionniste à l’essai au Continental à Lausanne. Où il a fini par faire toute sa carrière, comme sous-chef de réception, chef de réception, chef de l’hébergement, directeur adjoint. Directeur général, il a pris sa retraite il y a peu et continue de s’activer dans la branche comme consultant pour la famille Manz, propriétaire de divers hôtels (dont le Continental) à Lausanne.

Mais la réception, il adore, c’est sa passion et il aime en parler. Le concours, pour commencer. Le «Swiss contest for the best receptionist 2023», car tout se dit en anglais dans ce monde-là, se déroulera du 12 au 15 octobre à l’Hôtel President Wilson à Genève.

«La première phase se jouera dans une salle d’examen et les candidats devront répondre aux questions qui leur seront posées par écrit, décrit notre interlocuteur. Le comité effectuera un premier tri parmi les candidats.»

Quelques personnes jouent avec conviction le rôle du client pénible qui accumule les difficultés. aux candidats de démontrer leur sang-froid!

Un mot au passage sur le jury qui comprend des directeurs de grands établissements, le réceptionniste gagnant de l’édition précédente, diverses personnalités actives dans la branche. «Le lendemain, cela se passe dans une salle décorée comme une réception d’hôtel. Quelques personnes jouent avec conviction le rôle du client pénible qui accumule les difficultés. Aux candidats de démontrer leur capacité à garder leur sang-froid et faire preuve de toutes les vertus et qualités propres au bon réceptionniste.»

Le bon et la brute

Revenons aux classiques. La différence entre le bon et le mauvais réceptionniste? «Le mauvais réceptionniste réceptionne et ne sait pas quoi faire si le téléphone sonne juste à l’instant où un groupe de clients débarque, explique Yannis Gerassimidis. Il ne répond pas aux appels et ne cherche pas à faire patienter les gens en leur expliquant ce qui se passe. Du coup, l’hôtel est déconnecté durant trente minutes. Le bon réceptionniste décroche le téléphone et explique qu’il va rappeler son interlocuteur, en même temps il sourit aux clients qui arrivent et glisse qu’il est à eux dans quelques instants. Voilà, ce n’est pas si compliqué, non?»

RH, la croix et la bannière

Ce qui est devenu plus compliqué en revanche, c’est de trouver des réceptionnistes motivés. Certes, la pénurie de main d’œuvre frappe toutes les métiers de l’accueil. Certes, de nombreux Français qui travaillaient dans les palaces et grands hôtels lémaniques, Genève, Lausanne, Montreux, ne sont pas revenus après la pandémie? Bien sûr, la différence de salaire entre la Suisse et la France reste intéressante, même si le salaire n’est pas non plus astronomique (environ 3500 à 4000 francs) pour une semaine de 42 heures. Souplesse, flexibilité obligent, car les collègues absents ou malades, les clients en retard et d’autres imprévus peuvent rallonger les temps de travail ou changer les plans de vacances – l’idée étant de fournir dès que possible des compensations.

La disparition des stages dans des hôtels pour les jeunes durant l’école obligatoire reste incompréhensible, note ce professionnel. La disparition de certaines écoles hôtelières aussi. Pourquoi la promotion de la relève ressemble-t-elle à un chemin de croix? Pourquoi les écoles hôtelières deviennent-elles des écoles de management fournissant des ressources au monde bancaire? Cela fait beaucoup de questions.

Comment décririez-vous l’âme du métier d’un bon réceptionniste?

Yannis Gerassimidis: C’est aimer trouver des solutions pour des clients qui ne sont pas toujours faciles. Ce qui passe par un effort de décentrement. Il faut oublier ses problèmes personnels, oublier ce qu’on a appris, pour que la situation ne nous touche pas personnellement. Et oubliant qui je suis, j’écoute ce que l’autre me dit et je peux ainsi trouver des solutions.

Je demande aux réceptionnistes d’éviter de poser la traditionnelle question – avez-vous passé un bon séjour? On demande aux clients s’ils ont quelques minutes à disposition en leur expliquant que nous avons besoin de leur aide. Leur serait-il possible de nous dire ce qui n’a pas fonctionné durant leur séjour. Ou ce qui n’a pas été à leur goût. C’est beaucoup plus constructif! Et là, les remarques commencent de sortir, il manque un crochet dans la salle de bain pour suspendre sa serviette, etc.

demandez plutôt aux clients ce qui n’a pas fonctionné et ce qui n’a pas été à leur goût. c’est beaucoup plus constructif!

Parfois ce n’est pas facile à entendre mais cela vaut la peine. Je ne pense pas qu’installer un robot à l’accueil soit une bonne solution. Les gens ont besoin plus que jamais, la transition numérique n’y change rien, d’avoir en face d’eux un être humain avec qui communiquer.

Vous évoquez souvent la filoxenia, la philosophie de l’accueil. Que recouvre ce terme à vos yeux?

Zeus avait plusieurs spécialités et en particulier, il était responsable de cette filoxenia. En grec, c’est un mot en deux parties, filo, ami de, et xenia, l’étranger. En résumé, il s’agit d’aimer faire en sorte que l’étranger se sente bien. Dans nos métiers, nous accueillons des gens de tous les pays, la diversité culturelle est maximale. La filoxenia rend cela possible. Et nous avons créé le concours des réceptionnistes pour cette raison – mettre en valeur le client pour qu’il se sente bien et chez lui. Le réceptionniste filoxeniste se demande en face de chaque personne: de quoi a-t-il besoin et que puis-je faire pour l’aider ?

Quel est l’état d’esprit du réceptionniste filoxeniste?

Le sourire. La personne qui écoute et se concentre sur ce qu’on lui dit. Qui ne cherche pas des excuses à tort et à travers. Qui adopte un style agréable, naturel. Qui rassure et trouve la solution qui convient.

Pourquoi participer Ă  un tel concours?

Nous avons de la peine à trouver des réceptionnistes, je ne vous le cache pas. Ce concours permet de mettre en valeur ce que nous avons de meilleur dans ce métier. Pour certains, il s’agit d’une vocation. Quand je dirigeais le Continental, j’ai remarqué que la fille d’un client qui logeait régulièrement dans notre hôtel voulait absolument rester dans le hall face à la réception. Elle m’a expliqué qu’elle voulait depuis toujours devenir réceptionniste. Elle avait alors 14 ans. Et elle a choisi de réaliser ce rêve. Finalement, elle a gagné le concours suisse, et même le concours international. Elle s’appelle Vanessa Bourquard.

François Othenin-Girard

www.aicrinternational.org/switzerland-section/

Les plus consultés