Publié le: 6 octobre 2023

Logements: c’est Tintin au pays des Soviets!

Avec la révision de la LAT en 2013, la gauche pensait avoir trouvé l’œuf de Colomb. Densification, obligation de construire, taxe de plus-value. Toutes ces mesures devaient garantir de construire plus, à moindre coût environnemental, nous promettant le grand soir immobilier où le logement foisonnerait pour un coût toujours plus faible. Dans les cantons, des mesures encore plus fortes ont été adoptées, avec des droits de préemption à qui mieux-mieux et des mesures qui ont un fort goût de lutte des classes.

Les Verts ont encore récemment prôné le partage des appartements, rappelant les «Kommounalka», ces logements communautaires pittoresques que l’on trouve dans «Tintin au pays des Soviets» (1930) et que les Russes ne regrettent probablement pas tant que cela. Et puis, quand ces mesures ne fonctionnent pas, on s’en prend aux symptômes. Voilà que les socialistes demandent de modifier les règles du jeu pour imposer par la force légale une réduction des loyers, comme si le contrôle des prix avait une seule fois dans l’histoire amélioré l’approvisionnement d’un bien. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

La réplique adéquate, face à ces mesures étatistes inutiles et surtout nuisibles, est portée par les milieux de l’immobilier, tant honnis par une gauche porteuse de bonnes intentions, mais de mauvaises actions. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a relevé le 11 septembre 2023 une baisse du taux de logements vacants au 1er juin 2023 qui se monte à 1,15 % en Suisse. L’USPI Suisse que je préside propose une série de mesures qui lutteront efficacement contre la pénurie de logements et la cherté des loyers. La loi fédérale sur l’aménagement du territoire doit être revue et les procédures, allégées. La première révision de la LAT est un fiasco. Elle est trop rigide en prévoyant que les zones à bâtir sont définies de telle manière qu’elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes. La volonté de réduire la zone à bâtir n’a servi qu’à punir les propriétaires consciencieux et n’a pas permis de réaliser un seul logement supplémentaire. Par ailleurs, les besoins prévisibles doivent être définis par le marché, pas par des planificateurs étatistes, qu’ils soient fédéraux ou cantonaux, selon des scénarios démographiques dignes des plans quinquennaux. Si les cantons avaient davantage de marge de manœuvre pour déterminer leurs besoins prévisibles en matière de zones à bâtir, ils pourraient plus rapidement faire face à d’éventuelles pénuries de logements.

Les quotas de surface d’assolement (SDA) doivent être revus à la baisse. À titre d’exemple, le canton de Vaud doit conserver un quota très important de SDA, alors qu’il s’est passablement développé économiquement, au point que l’arc lémanique est le deuxième pôle économique du pays. À nouveau, en assouplissant ces quotas fixés par l’administration fédérale, les cantons auraient davantage de marge de manœuvre pour faire face à une éventuelle pénurie de logements. Les inventaires ISOS ne doivent plus être pris en compte de manière systématique. Ils freinent passablement de projets de construction et ont tendance à figer le bâti dans les villes, alors qu’une densification à l’intérieur du bâti est plébiscitée. Les plans directeurs cantonaux ne devraient plus avoir l’obligation de prendre en compte, ou dans une moindre mesure, ces inventaires ISOS. Plusieurs ordonnances techniques doivent être assouplies. Pour construire davantage, il faut moins de règles. C’est par exemple le cas de l’ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit qui empêche, au niveau cantonal, pour des immeubles mixtes, une modification d’affectation d’anciennes surfaces commerciales en logements.

Les règles procédurales doivent aussi être revues, pour durcir les conditions permettant de déposer des oppositions et de faire capoter des projets entiers au terme de procédures complètes pour des aspects de détail. En matière de police des constructions, les oppositions sont en effet trop facilement déposées à l’encontre des projets de construction, ce qui ralentit et renchérit passablement les constructions de logements. Un durcissement des conditions de dépôt de celles-ci favoriserait les constructions.

Par ailleurs, le droit de préemption ne crée aucun nouveau logement. Le canton de Genève qui connaît cette institution a l’un des taux de logements vacants les plus faibles de Suisse. Dans le canton de Vaud, qui connaît aussi cet outil, certaines communes l’utilisent à des fins purement financières, ce qui ne crée aucun nouveau logement. Aussi, cette mesure, qui porte une grave atteinte à la garantie de la propriété privée, rate sa cible et doit être écartée.

Si la population veut plus de logements à un prix abordable, elle doit suivre les solutions qui ont porté leurs fruits, c’est-à-dire celles qui ont déjà permis de réaliser des immeubles, et non celles qui promettent beaucoup, mais n’apportent rien.

*Président de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI), conseiller national (PLR/VS)

philippe.nantermod@parl.ch

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