Publié le: 6 octobre 2023

«Nous avons vraiment besoin de place»

développement durable – La plus grande compostière exploitée en Suisse se trouve dans le Seeland. Christian Haldimann l’a fondée il y a trente ans avec les communes et différents acteurs, dont les producteurs de légumes de la région.

Située sur la route entre Morat et Ins, l’installation de compostage Seeland SA est la plus grande compostière exploitée en Suisse. Elle a été créée il y a trente ans cette année en collaboration avec les communes et les producteurs de légumes de cette région. C’est Christian Haldimann qui la dirige. Il en est à sa sixième phase d’agrandissement et il aimerait bien que le développement puisse se poursuivre – car les montagnes de végétaux collectés et apportés augmentent de jour en jour. Or, drame tout helvétique, même dans les immenses étendues conquises sur ces anciennes régions de marécages, la place pour développer ce business manque continuellement. Parce que les barrières administratives ne tombent pas et que la bureaucratie, là encore, s’avère paralysante.

Selon ce professionnel du traitement des déchets, le manque chronique de terrains accordés par les autorités (fédérales en l’occurrence) va devenir un problème structurel. «Cette situation contrecarre brutalement les efforts voulus par la société pour une véritable transition énergétique et une société plus durable.»

C’est un chapitre sur lequel Christian Haldimann a roulé sa bosse: camions à hydrogène, camions électriques, centrale solaire sur ses toits gigantesques et production de biogaz, il fournit aussi pour tous les acteurs de la région des produits à base de compost qui ont le mérite d’avoir été produits sur place et qui ne sont pas importés de l’autre bout de la planète.

En attendant Godot et le feu vert pour sa centrale de biomasse

«Nous traitons 40 000 tonnes de déchets verts par année. Toute la matière première provient d’un rayon de trente minutes de transport, des cantons de Fribourg, Berne et Neuchâtel», lance-t-il. Son entreprise, la Haldimann SA est copropriétaire de la compostière et responsable de la gestion des affaires.

Fleurs, gazon, branches, déchets organiques, déchets de jardin, professionnels et industriels du légume – tout ce qui est dégradable est bon à prendre et tout le monde peut venir porter ses déchets. À cela s’ajoutent des collectes organisées une fois par mois durant les mois d’hiver et une fois par semaine durant les saisons où ça pousse. Les jours de ramassage varient selon les zones, c’est plus écolo d’utiliser un camion de ramassage qui emporte 10 tonnes. Les producteurs de légumes de la région, en plus de livrer des déchets verts, sont aussi demandeurs de terreaux spéciaux – une exigence parmi d’autres dans leur cahier des charges. «Nous produisons ces terreaux sur place et les livrons dans toute la région. Ce faisant, nous valorisons les déchets verts et les transformons en nouvelles matières premières de grande qualité, qu’ils proviennent du jardin, du ménage, de l’agriculture ou de l’artisanat. L’installation de compostage vend notamment du terreau de compost, du terreau universel et des copeaux de bois de forêt, en vrac ou conditionnés.»

Un gigantesque bioréacteur

Lorsque les matières premières arrivent sur place, elles sont identifiées, pesées et vidées. Après les contrôles, les véhicules sont lavés. Tout est surveillé par caméra afin d’assurer une traçabilité et pour que les chauffeurs puissent travailler de manière autonome. Cela permet de réduire les frais. Les chargeuses entrent dans la danse pour former des tas. Puis, deux fois par semaines, les broyeuses sont activées. «C’est l’expérience qui nous dicte comment les différentes matières sont mélangées en fonction du résultat que nous souhaitons obtenir.»

Un système de canalisation permet une bonne aération du tout. «La gestion des odeurs a fait l’objet de beaucoup d’attention lors des débuts de la compostière, mais le problème est actuellement réglé et les mauvaises odeurs n’empestent plus le voisinage.»

Le compost fonctionne comme un bioréacteur. Des milliards de milliards de bio organismes s’activent et font grimper la température ambiante jusqu’à 70-75°C. Le processus prend un mois complet. «Lorsque l’activité redescend, on retourne la matière, environ 800 m3, avec une gigantesque pelle. Le tas obtenu est déplacé de l’autre côté. Au bout de trois mois, on tamise le tout et une partie, d’un diamètre de 25 mm, est prêt pour l’étendage.» L’entreprise propose aux exploitants ses conseils pour l’épandage.

Plus de biogaz: c’est possible!

«C’est un sujet assez complexe: les bilans de fumure doivent être surveillés avec précision. Nous pouvons contrôler ce qui se fait sur le terrain et réaliser des analyses complémentaires, par exemple sur la présence de microplastiques et de métaux lourds.»

En poursuivant le traitement, mais encore une fois, cela prend de la place et du temps, nous aboutissons au bout d’une année à des produits de très haute qualité pour les jardiniers. Le processus continue, la température redescend à environ 50-60°C avec un diamètre plus fin, d’environ 10 mm. Ces produits peuvent être utilisés pour les fleurs, les gazons.

La méthanisation partielle est une autre valorisation des déchets végétaux. «Notre installation de biogaz existe depuis 2015, et le gaz est lui-même transformé en électricité et en chaleur dans une centrale de cogénération de 150 kW. Il faut un mois pour obtenir par fermentation du biogaz. Pour l’instant, nous utilisons environ 5000 à 6000 tonnes de matières organiques (sur les 44 000 tonnes disponibles) pour produire du biogaz. Mais si nous avions la place, nous pourrions affecter 30 000 tonnes de matières à la production du biogaz. Ensuite, ces matériaux peuvent être réintégrés dans la filière du compost normal.»

Noix de coco et Cie

Il y a aussi quelques spécialités maison qui rendent bien service: des produits à base de noix de coco comme de la tourbe, des ballots ou des briquettes. «L’exploitation de la tourbe noire et blanche détruit les tourbières et libère d’importantes quantités de C02 contenues dans cette tourbe depuis des siècles et sa croissance est fort lente, environ 1 mm par année», détaille Christian Haldimann. «Notre terre de coco est composée de fibres de noix de coco broyées, neutres en CO2. Comparée à la tourbe traditionnelle, cette tourbe de coco présente les mêmes caractéristiques en termes de rétention d’eau, d’aération de la terre, de compatibilité avec les plantes, de teneur en sel et de pH.»

Dans les matériaux recyclés, un autre substrat est tiré des tuiles en terre cuite. «Cette matière à la fois inerte et poreuse contribue à la rétention de l’eau et s’avère une solution idéale pour la végétalisation des toits plats – en la mélangeant à une bonne quantité de terreau.»

Un homme réputé patient

Bref, on l’aura compris, ce Moratois est de tous les combats. Par moment, il avoue un certain découragement et l’envie de déverser ses montagnes de compost là où il y a de l’espace disponible, comme sur la Place fédérale. Il ne se prive pas d’expliquer que le pouvoir de l’administration est devenu trop important et que les élections fédérales devraient être consacrées à l’élection de l’administration fédérale. Le reste du temps, il le passe surtout à mettre beaucoup d’énergie à perfectionner ce qu’il sait faire. Et à faire preuve d’une grande patience – depuis des années (lire pp. 2 et 11) en espérant (enfin) recevoir le feu vert pour construire cette grande centrale de biomasse à Galmiz permettant de produire en quantité diverses énergies renouvelables, solaire, biogaz, et hydrogène – pour plus de 20 000 habitants. Un vrai projet de société.

François Othenin-Girard

Lire aussi:

https://www.gewerbezeitung.ch/fr/nouvelles-archives/le-seeland-frapp%C3%A9-par-la-bureaucratie/

Les plus consultés