Publié le: 19 janvier 2024

Des fonds, pour quels effets sur le réel?

climat – Lors de la Conférence de Dubaï 2023, les travaux se sont poursuivis en offrant plus de moyens aux pays en développement. Or des fonds existent déjà.

De quoi a-t-on parlé à Dubaï (30.11–13.12.2023)? D’un fonds pour pertes et dommages («loss and damage»), définis comme les effets réels et/ou potentiels du changement climatique dans les pays en développement. «Perte» désigne dans ce contexte l’impact négatif permanent du changement climatique. «Dommage» fait référence aux effets qui peuvent être inversés. Une distinction est aussi tracée entre les pertes et dommages évitables (par des mesures d’atténuation et d’adaptation) et ceux qui ne peuvent l’être.

Concept controversé

Les négociations reposent sur un constat sommaire: les pays industrialisés et en développement pourraient bénéficier tous ensemble du développement économique, même si cela se concrétiserait dans des proportions différentes. Les pays industrialisés sont responsables de la plus grande partie des «externalités négatives» (nuisances sans contreparties); ils n’ont cependant jamais eu à en payer le prix. Ce sont les pays en développement qui en subissent les conséquences. C’est pourquoi les nations industrialisées devraient transférer de l’argent aux pays en développement afin de compenser la différence due à ces externalités négatives.

Le sujet est controversé, car une approche cohérente semble difficile à atteindre. Tout d’abord, le débat se concentre uniquement sur les externalités négatives, partant du principe que tout bénéfice (issu du commerce, de la logistique, de la recherche, de l’éducation, de l’électrification, de l’innovation) est automatiquement rémunéré en raison du mécanisme lié aux prix.

C’est trop simple et surtout faux. Il existe certes un mécanisme de prix pour la plupart de ces activités, mais elles génèrent également des externalités positives en plus des avantages directs pour les personnes concernées.

Outre les avantages économiques découlant de l’intégration du Sri Lanka (pour ne prendre que cet exemple) dans la chaîne de production mondiale de la construction navale, le pays se porte généralement mieux grâce à ce commerce. Il dispose d’une base économique plus diversifiée et plus résistante. Les personnes qui travaillent dans ce secteur ont tendance à s’élever socialement et leurs enfants bénéficient d’une meilleure éducation et de meilleurs soins de santé. Ces avantages indirects sont un sous-produit des exportations du Sri Lanka dans l’industrie maritime et ne sont pas intégrés dans les prix des biens exportés.

Autre cas: la vente et la consommation de produits alimentaires reposent sur un mécanisme de prix. Mais l’effet global du commerce, qui a permis de réduire 80 % de la faim dans le monde, et ses avantages, par exemple en termes d’éducation, de longévité ou de développement humain, n’ont pas de prix direct. Il s’agit d’externalités positives liées à la vente et au transport de denrées alimentaires. Il faudrait donc plus souvent tenir compte des externalités positives.

La pertinence des mesures

Deuxièmement, les méthodes de modélisation et de mesure des pertes et des dommages sont controversées. Les méthodes proposées jusqu’à présent ont été rejetées par les pays en développement. L’une des raisons de ce rejet est liée au fait que ces méthodes incluent souvent dans leur calcul l’utilisation des terres, comme l’agriculture et la sylviculture – ce que les pays en développement considèrent comme un désavantage. Les pays en développement ont généralement un pourcentage d’utilisation des terres beaucoup plus élevé dans leur PIB que les pays industrialisés et ont une riche histoire de développement par l’utilisation des terres, par exemple par l’agriculture.

Un fonds qui est un doublon

Enfin, cette démarche n’est rien d’autre qu’un moyen pour les pays en développement d’obtenir des financements via le régime climatique mondial. Un moyen de plus en fait. Car ce qui est problématique, c’est que le régime climatique dispose déjà de son propre mécanisme de financement. Du coup, le nouveau fonds n’est qu’un doublon.

Henrique Schneider

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