Publié le: 19 janvier 2024

Drame programmé à la Porte des Larmes

houthis – Les récentes attaques des Houthis visent à paralyser le commerce mondial, contrairementau piratage ordinaire qui vit sur la base du renouvellement permanent des échanges internationaux.

La Porte des Larmes est large de 25 kilomètres. Cette distance étroite permet de passer du golfe d’Aden à la mer Rouge, puis au canal de Suez. C’est exactement la zone dans laquelle le commerce mondial pourrait être bloqué. Pour ceux qui sont familiers avec la langue arabe, «Bab al-Mandab» désigne la «Porte des Larmes». Les bateaux qui transitent d’Asie en Europe doivent passer par là. Ils naviguent au large de la Somalie, de Djibouti et de l’Érythrée. Or, ces régions sont en guerre civile et les navires, fréquemment attaqués par des pirates. Depuis peu, ils sont même devenus la cible de tirs provenant du groupe des Houthis basés au Yémen.

Pirates Ă  tribord? Oui, on a vu!

Quels sont les risques pour les exportateurs? Environ 12 % du commerce mondial de marchandises passe par ce détroit. L’alternative, le contournement de l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance, prolonge le voyage de plusieurs semaines. L’instabilité politique des pays de cette région a donné de l’oxygène à ces attaquants de la Porte des Larmes. Mais voici le paradoxe. Les vrais pirates ont un intérêt essentiel à préserver le commerce mondial. En effet, ils pillent et bloquent les voies maritimes afin de mettre la main sur des marchandises et du cash. Pour que leur business modèle fonctionne durablement, ils ont en permanence besoin de mettre la main sur de nouveaux bateaux.

Les pirates optimisent donc leurs activités. Ils mènent des opérations rentables. Mais ils font aussi en sorte que l’attaque entraîne pour la victime des coûts inférieurs aux revenus du trafic de marchandises. D’un point de vue économique, le piratage doit donc être considéré comme un coût supplémentaire de la logistique. Pénible certes, mais pas disruptif.

La réalité parle d’elle-même. Depuis 2008 environ, la piraterie est une réalité à la Porte des Larmes. Le commerce mondial des marchandises continue de fonctionner. Les navires passent et repassent – et passent à la caisse.

Grenades: modus différent

En revanche, les objectifs du groupe des Houthis au Yémen sont bien différents. Pour ces derniers, la violence n’est pas un moyen de faire de l’argent, comme pour les pirates ordinaires. La violence est leur objectif de base. Les récentes attaques contre les navires marchands visent à paralyser le commerce mondial de marchandises. Depuis octobre 2023, les Houthis intensifient leurs attaques contre Israël et contre les acteurs qu’ils associent à Israël, ainsi qu’aux États-Unis. Les navires marchands offrent un symbole fort.

Comme il s’agit selon eux d’une guerre contre «l’Occident», l’objectif avoué est sa destruction. Et ce faisant, les Houthis mettent en péril le commerce mondial de marchandises. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé des opérations militaires contre les Houthis. Celles-ci, aussi justifiées politiquement soient-elles, mettent également en péril le commerce. La guerre est toujours un problème. La grande question est, bien sûr, de savoir combien de temps cette situation de menace va durer et jusqu’où elle risque de s’aggraver. Pour l’instant, il est impossible de le dire. Néanmoins, les gestionnaires de la chaîne d’approvisionnement mondiale sont invités à vérifier la résilience de leurs chaînes de création de valeur et à développer des alternatives.

Bab al-Mandab ne doit pas devenir la porte des larmes de l’économie mondiale.Henrique Schneider

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