Publié le: 19 janvier 2024

Entretenir des contacts avec toutes les parties

suisse & ue – Les changements géostratégiques marquent fortement l’actualité mondiale. De quelles forces l’Union européenne dispose-t-elle? Et comment la Suisse devra-t-elle se positionner face aux nouvelles réalités?

La journée du vendredi à Klosters était placée sous le signe des relations entre la Suisse et l’UE. En début de journée, Stephan Rietiker, médecin, entrepreneur et président de Pro Suisse, a mis en lumière les relations bilatérales Suisse-UE dans le contexte des nouveaux développements mondiaux. «D’entrepreneur à entrepreneur, a-t-il souligné, j’observe que de nouveaux rapports de force s’expriment: les groupes d’États, réseaux et alliances ligués contre la domination américaine gagnent de plus en plus de terrain.»

Les pays occidentaux se voient sans cesse remis en question. L’UE en crise perd de plus en plus de poids, tant sur le plan économique que politique. Les prochaines années seront marquées dans l’UE par des crises massives dans les domaines de l’énergie, de la migration, de l’économie et de la politique de sécurité. «Au vu de ces évolutions incertaines et volatiles, la Suisse devrait se diversifier davantage sur le plan économique et politique», a relevé Stephan Rietiker. «Face à l’UE, il faut aussi rechercher la coopération et le libre-échange avec d’autres partenaires, citons les BRICS. Des domaines stratégiques comme l’énergie, les denrées alimentaires, les matières premières, les nouvelles technologies et l’innovation doivent être au centre de nouveaux partenariats.» Le conférencier a plaidé pour que la Suisse résolve d’elle-même ses problèmes et collabore avec des partenaires européens, sans se laisser accaparer. La devise selon lui devrait être «Switzerland first».

Focus sur les points forts

Peter Grünenfelder – président de l’Association des importateurs d’automobiles (auto-suisse) – était d’un tout autre avis. «Switzerland first ne fonctionnera pas», a-t-il lâché en faisant référence à la dépendance internationale de la Suisse, base de notre prospérité que trop de gens considèrent comme garantie, ce qui contribue à son tour à une certaine inertie et à un manque d’ambition.

«À une époque de bouleversements géopolitiques, explique ce conférencier, notre pays ferait bien de se souvenir de ses atouts, son ouverture économique et son cadre libéral. Or, ce modèle est aujourd’hui sous pression.» L’État et ses prélèvements obligatoires montent en force, menacent le modèle. «La pression interne de la gauche et des Verts remet en question l’ordre économique et menace la flexibilité.» Même dans un monde de moins en moins libre, la Suisse ne doit pas se désolidariser et doit rester en affaires avec toutes les parties. L’évolution démographique des pays voisins est similaire à celle de la Suisse. «Bien que la libre circulation des personnes soit importante pour environ 70 % des entreprises suisses, nous ne sommes pas préparés à la discussion sur le manque prochain de personnel qualifié en provenance de l’UE.»

La Suisse doit augmenter sa compétitivité, entre autres par des réformes du secteur public. Elle doit continuer à développer son réseau de libre-échange, s’éloigner d’une politique étrangère moralisatrice, réduire le cloisonnement du marché agricole, flexibiliser le marché du travail, réduire l’empreinte de l’État et donner une assise plus démocratique au partenariat social, a-t-il ajouté. «Les syndicats représentent de moins en moins de travailleurs, mais n’hésitent pas à exercer un pouvoir de blocage.»

Un peu plus d’assurance

Sur le podium, Grünenfelder et Rietiker ont ensuite discuté avec les conseillers nationaux Matthias Jauslin (PLR) et Elisabeth Schneider-Schneiter (Le Centre) du «sens et du non-sens des Bilatérales». La présidente de la Chambre de commerce des deux Bâle, dans la discussion sur les «Bilatérales III», appelle de ses vœux la nouvelle «approche par paquet», les solutions en matière de protection des salaires sont essentielles – sans augmenter le nombre de CCT, de protections contre le licenciement et de salaires minimums.

«Nous devons poursuivre la voie bilatérale sans nous énerver et en évitant une adhésion à l’UE», a lancé Schneider-Schneiter. Ce faisant, la Suisse devrait se montrer plus souveraine qu’elle ne l’est, pour qu’à la fin – «et après un très grand travail de persuasion» –, un nouvel accord soit susceptible de recueillir une majorité, car «quelles alternatives avons-nous?»

«Notre relation avec l’UE doit être clarifiée», a estimé Matthias Jauslin, la Suisse ne peut pas fonctionner en autarcie. «Il s’agit d’utiliser les marges de négociation pour que l’on puisse enfin mettre les points sur les i sur le chantier Suisse-UE.» Les syndicats ne sont plus les bons partenaires dans les négociations avec l’UE, a-t-il déclaré, en accord sur ce point avec Peter Grünenfelder.

En mode valaisan

Ce dernier relève, sur la question d’un rattachement plus étroit à l’UE, que l’internationalisation du droit est entrée dans les faits. Au lieu d’être trop dociles dans les négociations, nous devrions pratiquer un peu «plus de politique valaisanne». En fin de compte, estime Peter Grünenfelder, il faudra peser le pour et le contre pour savoir dans quelle mesure la démocratie directe sera affectée par un nouveau traité.«L’indépendance et la démocratie directe ne sont pas négociables», a en revanche estimé Stephan Rietiker. Aussi longtemps que la souveraineté de la Suisse sera touchée, aucun traité n’aura les faveurs du peuple.

Dans le public, la conseillère nationale UDC Magdalena Martullo-Blocher était du même avis: «Le traité ressemble à du vieux vin servi dans de nouvelles coupes. Il n’est guère favorable à l’industrie.» Cette dernière a donc demandé à l’usam de rester fidèle à une position critique.

Gerhard Enggist

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