Publié le: 19 janvier 2024

Il y a un siècle dans le JAM

histoire – Il y a un siècle, nos médias commentaient l‘actu et prenaient position pour la défense des artisans et des commerçants romands. Voilà à quoi ressemblait le «Journal des arts et métiers» de janvier 1924. Petite plongée dans nos collections. La «Revue économique» était éditée à Fribourg et l‘abonnement coûtait cinq francs par année.

L’impressum du JAM paru il y a exactement un siècle vaut à lui seul le détour. Attention à la profusion de majuscules! «Organe Officiel des Groupements d’Arts et Métiers et des Classes Moyennes du Commerce de la Suisse française, et de la Chambre Vaudoise du Commerce et de l’Industrie – on reprend son souffle – Journal pour la Défense du Patronat et des Intérêts Immobiliers, et Bulletin des Soumissions, d’Offre et Demande de Marchandises et des Faillites et Concordats.»

On l’a retrouvé dans nos archives à Berne, cet exemplaire soigneusement relié après avoir été imprimé par l’Imprimerie Fragnière Frères à Fribourg (parution deux fois par mois). Même pas besoin d’enlever la poussière! En feuilletant les pages, voici les premières choses qui frappent le lecteur d’aujourd’hui: l’absence d’illustrations, la qualité de la syntaxe et l’équilibre entre les parties rédactionnelle et publicitaire. Les annonces sont à quelques exceptions près regroupées sur les deux dernières pages de cette première édition de janvier 1924, qui compte douze pages.

Le titre de une est marquant. «La Grande Illusion» reprend le titre du livre de Norman Angell (1909) concluant à l’impossibilité d’une guerre longue en raison du poids du crédit. L’auteur (anonyme) de l’article nous rappelle gentiment que tout le monde peut se tromper dans les grandes largeurs. Ce que montre selon lui la discussion de 1924 sur le temps de travail.

«Tout récemment encore n’avons-nous pas entendu des gens, que nous voulons croire sincères, proclamer et imposer cette doctrine étonnante suivant laquelle un ouvrier produirait autant, si ce n’est plus, quand bien même il travaillerait moins longtemps. L’intensité du labeur compenserait largement la diminution du facteur ‹temps› [...] Hélas! Les faits, dans leur brutalité, ne tardèrent pas à renverser l’échaffaudage des belles théories. La production diminua, la vie renchérit, le chômage survint. Quant aux promesses alléchantes, aucune ne survint.»

Et de conclure que «la loi doit pouvoir se plier aux circonstances». Comme dans le cas, en janvier 1924, de la révision de l’art. 41 de la loi sur les fabriques qui, explique l’auteur, «se borne à prévoir un régime plus souple de dérogations, valables en temps de crise exclusivement. Voilà ce qu’on demande au peuple suisse. On conviendra que la mesure est bénigne et qu’elle ne mérite pas l’opposition aveugle qu’elle a soulevée dans certains milieux de l’extrême gauche. Ceux qui se donneront la peine de réfléchir, de peser le pour et le contre, n’hésiteront pas à voter oui le jour prochain où ils auront à donner leur avis.»

Des lignes qui résonnent encore bien de nos jours, souvent consacrés à des discussions animées sur le temps de travail, la flexibilité de part et d’autre, l’envie d’avoir des lois plus simples, mieux adaptées à la réalité. Et les vieilles brouilles entre droite et gauche.

On retrouve du reste un article consacré à «La Semaine de 48 heures», repris du «Journal de Genève». «Pendant longtemps, on considéra comme impossible l’adoption, en Suisse, de la journée moyenne de huit heures dans les fabriques, en raison de la concurrence des pays qui ne songeaient pas à accepter cette réforme sociale.» Plus tard, une solution globale fut trouvée, ratifiée par le Traité de Washington. Mais l’auteur s’étonne du nombre d’États qui ne l’ont pas ratifié. Sur 57 membres que compte l’Organisation internationale du travail (...), cinq seulement (la Grèce, la Roumanie, les Indes, la Tchécoslovaquie et la Bulgarie. «On remarquera que la Suisse se trouve entourée de grandes puissances qui n’ont pas ratifié la Convention [...]. Dans ces conditions, il apparaîtra comme parfaitement naturel que la Suisse autorise, pendant l’époque de crise internationale que nous traversons, la semaine de 54 heures.»

Déjà cette envie très helvétique de rester un premier de la classe.

François Othenin-Girard

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