Publié le: 5 avril 2024

AVS: les entreprises ne doivent pas payer la facture!

Le 3 mars dernier, après une campagne intense, le peuple et les cantons ont accepté l’initiative visant à instaurer une 13e rente AVS. Le Parlement va devoir maintenant s’atteler à mettre en place le financement d’un projet dont le coût est estimé à près de 5 milliards de francs par an dès 2026.

Le 27 mars dernier, le Conseil fédéral a présenté son message de mise en œuvre en arrêtant deux variantes de financement. La première consiste à faire reposer le financement uniquement par une hausse des cotisations salariales de l’ordre de 0,8 point. La seconde par un financement combiné des cotisations salariales (+ 0,5 point) et de la TVA (+0,4 point). Si ces options permettront certes d’assainir le financement de l’AVS jusqu’en 2030, elles constituent néanmoins un véritable risque pour la place économique de notre pays.

La première option de financement que constitue une hausse de 0,8 point des cotisations salariales aurait pour effet un renchérissement important du coût du travail dans un pays où il est déjà très élevé en comparaison internationale. Au-delà du coût pour les entreprises et celle d’une baisse du pouvoir d’achat pour les salariés, les conséquences d’une hausse du coût du travail sont largement documentées: baisse de la création d’emplois par les entreprises, frein à l’augmentation des salaires ou recours à des solutions numériques pour le travail de production. C’est l’attractivité même de notre place économique qui serait mise en danger à moyen terme.

Par ailleurs, dans une économie qui gagne un franc sur deux à l’étranger, les entreprises exportatrices, dont les PME sont souvent les fournisseurs, seraient encore plus fortement exposées, car soumises à une concurrence internationale importante – avec une hausse des coûts salariaux qui ne pourrait être compensée par une augmentation des prix.

La TVA doit rester l’outil privilégié. Dans ce contexte, le meilleur outil pour parvenir à un financement de la 13e rente AVS au 1er janvier 2026 reste donc la TVA.

Contrairement aux cotisations salariales, la taxe sur la valeur ajoutée a pour avantage de reposer sur une assiette large (actifs, retraités, touristes) et permet ainsi de mieux partager la charge du financement de la 13e rente dans une perspective de solidarité à laquelle les syndicats n’ont cessé d’appeler pendant la campagne. Les entreprises exportatrices ne la répercutent pas sur leur prix à l’exportation, elle affaiblit donc nullement la compétitivité de notre pays. Elle n’est pas exposée à la mobilité des capitaux contrairement à d’autres types de taxes notamment financières.

Il s’agira également de renouer avec une certaine orthodoxie financière afin de ne pas laisser la charge d’une 13e rente sur le dos de nos enfants qui devraient en supporter le coût plus tard.

Ne nous leurrons pas, les conséquences de la 13e rente accélèreront à moyen terme le besoin d’une nouvelle réforme d’assainissement de l’AVS. Dans un contexte démographique déjà fortement dégradé, une hausse de l’âge de départ à la retraite s’avérera sans doute nécessaire. Les syndicats devront donc assumer leur responsabilité d’avoir accéléré, par une initiative populaire ne prévoyant aucune proposition de financement viable, la nécessité d’augmenter la durée de vie active de millions de salariés dans notre pays.

Les débats sur l’AVS s’inscrivent dans un contexte difficile. Cette prochaine décennie, le tissu économique de notre pays va devoir face à d’immenses défis: vieillissement démographique, manque de main-d’œuvre, forte volatilité des prix en raison d’un contexte sécuritaire mondial dégradé. Il sera donc nécessaire que les syndicats se montrent à la hauteur en agissant de manière responsable et pragmatique, sans quoi c’est la prospérité de notre pays, et à terme le bien-être de ses habitants, qui en connaîtront les conséquences directes et rapides. L’histoire n’a cessé de le démontrer, en matière de prospérité, rien n’est jamais acquis!

*Conseiller national (Le Centre / GE)

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