Publié le: 3 mai 2024

Quand les chiffres influencent les décisions

La saison des comptes est arrivée et certains chiffres donnent le ton. Alors que les météorologues annoncent le changement de phénomènes climatiques, soit le passage d’un épisode El Nino à El Nina, le climat financier semble vivre le même tournant. Les comptes de la Confédération connaissent donc aussi le phénomène El Nina qui signifie – en termes météorologiques – un déficit thermique important. En termes financiers, allons droit au but, les chiffres confirment un déficit structurel et le phénomène pourrait se poursuivre, à moins de changements majeurs.

Ces comptes 2023, nous les traitons actuellement dans les commission des finances au niveau fédéral. Puisons pêle-mêle quelques chiffres dans ces comptes 2023. Un déficit de financement de 1,4 milliard de francs. Une réduction des recettes de 5 % par rapport aux prévisions, à savoir de 78,6 milliards plutôt que les 80,3 milliards prévus. Une réduction des dépenses de 0,2 % par rapport aux prévisions. Soit 75,2 milliards plutôt que les 76,6 prévus. La croissance du PIB réel de 1,3 % alors qu’on avait prévu 1,9 % au budget.

Le ralentissement de la croissance du PIB est l’une des raisons, mais la principale reste l’augmentation constante des dépenses – souvent due à des décisions politiques et à des votations populaires, dont la dernière (13e rente) promet d’impacter massivement les prochains budgets de la Confédération.

Durant cette année 2023, il y a eu quelques mauvaises nouvelles qui ont nécessité des dépenses extraordinaires, les plus conséquentes en lien avec la guerre en Ukraine. En particulier, ce montant de 1,1 milliard pour soutenir les cantons dans l’accueil des personnes fuyant l’Ukraine.

De meilleures nouvelles, on en a aussi reçues quelques-unes: 200 millions de francs de dividende spécial lié à la privatisation de Ruag International Holding SA. J’en profite pour préciser un point et rétablir une vérité dans le débat sur le rachat de Credit Suisse par UBS les milliards de garantie annoncés n’ont pas été utilisés et l’opération se solde finalement par un résultat financier positif. La prime de risque liée à la garantie du risque de défaillance pour les prêts d’aide octroyés à Credit Suisse par la BNS a rapporté 61 millions à la Confédération.

Toujours au chapitre des «nouvelles plutôt bonnes», on dit qu’on se rassure en se comparant – en l’occurrence la Suisse face à l’Europe: en 2023, son taux d’endettement (au sens de Maastricht) devrait avoisiner les 26 %, contre près de 92,2 % du PIB en moyenne dans la zone euro.

Mais se rassurer ne suffit plus. Il faut prendre des décisions pour stabiliser la situation. Il faut oser admettre que ces chiffres peuvent influencer certaines décisions actuelles et nous amener à reporter certains projets, voir renoncer à d’autres. Le tout aujourd’hui est de stabiliser la situation, sans mettre en danger l’évolution actuelle et future et en garantissant que les investissements nécessaires soient faits, à temps.

Le Conseil fédéral a déjà mis en place un groupe de travail avec pour mission ambitieuse d’«éliminer les déficits structurels de la Confédération».

Mené par l’ancien directeur de l’administration fédérale des finances, ce groupe de travail devra réexaminer toutes les tâches et les subventions et passer en revue toutes les dépenses de la Confédération, pour trouver des pistes d’économie et nous soutenir dans la quête d’un équilibre ou du moins d’un nouvel équilibre.

Pendant ce temps, le travail doit continuer. Que ce soit pour l’accueil extrafamilial, pour la réforme de l’imposition, pour la modernisation des autoroutes et leur agrandissement, pour le développement du rail, pour le renforcement de notre approvisionnement énergétique et alimentaire, pour ne citer que quelques-uns des investissements nécessaires.

Ces chiffres doivent nous amener à faire mieux, mais surtout pas à renoncer à des investissements qui permettent à notre pays de progresser et qui garantissent la bonne qualité de vie.

*Conseillère aux États (FR/PLR)

johanna.gapany@parl.ch

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