Publié le: 7 juin 2024

600 000 ambassadeurs des arts et métiers

Hugues B., menuisier dans le Val-de-Ruz, formateur d’un apprenti, déclare: «Dans notre entreprise, nous sommes deux. Remplir les décomptes de TVA, de LPP et des caisses sociales me ‹prend le chou›. Je considère ce travail improductif, mais je dois le faire. C’est comme ça! Des particuliers font confectionner leurs cuisines en France et en Allemagne. Cela a des répercussions sur la marche de mes affaires et sur celles de mes collègues. Après le ‹Je consomme local› de la période Covid, j’ai l’impression qu’on oublie un peu les grands principes.»

Gilles B. est carrossier au Locle. En quelques mots, il se présente: «Nous sommes six dans ma carrosserie et je forme un apprenti. Les carrossiers font désormais le travail des compagnies d’assurances. Lors d’une casse, nous faisons le travail de A jusqu’à Z. Nous sommes le carrossier et l’expert. Ça a un surcoût et c’est plutôt nous qui le supportons. Mon souci pour le futur est de pouvoir trouver de la main-d’œuvre qualifiée. J’espère encore compter sur des pros qui non seulement accompliront ce qui leur sera demandé, mais qui feront preuve de proactivité et de conscience professionnelle.»

François B., restaurateur, gère trois établissements (deux dans le Haut et un dans le Bas du Canton de Neuchâtel), occupe 65 employés et forme 10 apprentis. Il nous dit: «Je m’occupe de l’administratif et j’aime le faire. J’ai la maîtrise des chiffres. Les normes sanitaires, dans nos établissements, nous les remplissons. Mais dans notre branche, on fait un peu les frais de ceux qui les négligent. Les contrôles sanitaires se font dans un meilleur état d’esprit depuis que GastroNeuchâtel et le Service cantonal de la Consommation se sont accordés sur une charte. Ce qui me contrarie dans mon job, c’est de fournir des données pour que des statistiques puissent être ensuite faites à l’échelon national. Si je manque un délai, je reçois systématiquement un rappel. Je ne sais jamais si j’encours une peine à ne pas le faire. Alors, je m’empresse aussitôt de remplir le formulaire.»

Ces trois mini-portraits de patrons illustrent bien la diversité des profils et des préoccupations de patrons membres de l’usam. Lors de l’Assemblée des délégués de l’Union neuchâteloise des arts et métiers (UNAM) du 14 mai passé, l’implication des patrons dans la politique et dans les campagnes politiques a été abordée par nos deux «special guests». Urs Furrer, directeur de l’usam, et Jean-Daniel Jeanneret, vice-Président du PLR neuchâtelois et président de la Métropole horlogère de La Chaux-de-Fonds.

Urs Furrer a rappelé que les patrons étaient des figures de proue crédibles pour l’économie, qui inspiraient la confiance de la population. Jean-Daniel Jeanneret a demandé aux patrons d’oser s’investir dans nos institutions politiques, sans peur, et de laisser leurs cadres en faire de même. Selon lui, il ne faut pas craindre de dire que l’économie est un pilier fondamental, essentiel à toute politique sociale et climatique!

Hugues B., Gilles B. et François B. entendront-ils les appels des deux invités de l’UNAM? Accepteront-ils de siéger dans un législatif voire d’être des acteurs lors d’une campagne de votations? Nous espérons que oui! Mais cinq conditions au moins seraient à remplir pour connaître le succès!

Pour un patron, faire de la politique, c’est notamment être capable de remonter des problèmes et des préoccupations qui concernent des branches professionnelles ou des secteurs d’activités. Il importe de ne pas faire de son cas une généralité.

Sur des dossiers, un patron doit être capable d’expliquer les conséquences positives et négatives d’une nouvelle loi sur la marche et la pérennité de ses affaires. Il doit être concret et parler le langage de sa PME, un langage accessible à tout un chacun. Tout ce qui est technique devrait être du ressort des experts et des politiciens.

En cas de mandat électif, un patron doit pouvoir compter sur une certaine souplesse de son parti et des instances politiques. Ses contraintes et son emploi du temps chargé sont à considérer. Faire marcher sa PME constitue sa première priorité. Défendre les intérêts d’un corps de métier ou d’un secteur d’activités est accessoire. Un premier pas serait d’intégrer ce patron dans des commissions consultatives ou de l’écouter dans le cadre de séances de commissions.

Le courage d’afficher ses convictions doit l’emporter sur la peur de perdre de potentielles affaires avec ses clients qui seraient d’un autre avis. Tout patron s’engageant dans une bataille politique ne devrait pas en pâtir plus tard.

Varier les émetteurs de messages démontre la diversité et la richesse des arts et métiers. D’une campagne à une autre, il est souhaitable d’entendre et de voir différents patronnes et patrons, qui apportent une vision pragmatique et de terrain par rapport à un objet de votation.

Un patron qui emploie du personnel ou/et forme des apprentis est un leader d’opinion en puissance. L’usam en compte plus de 600 000. Pour le succès des prochaines campagnes politiques et pour un travail efficace de nos législatifs en faveur de conditions-cadre permettant à nos entreprises de travailler et de prospérer, sachons convaincre ces 600 000 patrons à encore plus faire entendre la voix de leurs PME.

*Secrétaire général UNAM

charles.constantin@cnci.ch

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