«J’ai suivi un cours de base d’une journée en 2013 et j’ai tout de suite compris que c’était quelque chose pour moi», raconte Anne-Sophie Aeby, basée à Crésuz (FR). Une journée, c’est le temps qu’il lui a fallu pour se dire que ce serait le métier – savonnière – dans lequel elle allait se lancer. Mais pas avec n’importe quel produit: ses savons seraient artisanaux faits à la main à base d’huiles essentielles, de produits bio, sans ingrédient synthétique et avec l’envie de mettre beaucoup de valeur et d’éthique dans son travail. Une Gruérienne tenace qui a de la suite dans les idées.
De son adolescence, elle retient un goût prononcé pour les sciences naturelles. Puis une trajectoire de photographe spécialisée en architecture dans laquelle elle s’engage après une formation à l’École de photo de Vevey. Alors quand elle décide de poser (plus ou moins) ses «boîtiers» pour mettre un tablier, pourquoi ne pas commencer à petite échelle? Aussitôt dit, presque aussitôt fait: ses premières gammes, elle les a mixées dans une casserole à la cuisine. Le contenant est devenu plus grand et le contenu s’est professionnalisé. Le métier est entré – le travail exige de la patience, de la précision et de la cohérence.
«Le procédé de la saponification à froid consiste à mélanger des huiles et des graisses à une solution alcaline pour créer une réaction permettant la fabrication du savon et de la glycérine», détaille-t-elle sur son site. «On y ajoute ensuite les huiles essentielles ou tout autre additif: argiles, fleurs, céréales, marc de café... Préparé en petite quantité, le savon produit est coupé à la main ou formé dans des moules. Les savons sont ensuite mis en cure à sécher et se reposent durant quatre à six semaines ou plus avant de pouvoir être utilisés. Le PH devient alors adapté à la peau.»
Les huiles ne sont pas cuites
Les produits utilisés sont pour la plupart issus de l’économie locale. «L’huile essentielle de sauge par exemple provient de la distillerie de Bassins à quelques kilomètres. J’aime bien utiliser de l’huile de colza et de tournesol suisses, des plantes de la région comme le chanvre ou la caméline», énumère-t-elle. «Parmi les autres ingrédients, j’utilise des argiles naturelles et pour la couleur, de la prêle, du basilic, des orties provenant de producteurs bio en Suisse.»
Les plantes sont incorporées sous la forme d’infusions ou directement mixées. Quant à la caméline, elle est présente sous forme de graines charnues, pour ajouter de la texture et des sensations. Le café quant à lui est utilisé pour le «savon des bricoleurs» – offrant un léger effet de peeling. Et le «savon pour bébé» qui ne contient ni parfum, ni allergène, est destiné à une clientèle plus large qui apprécie beaucoup sa douceur.
Quels sont les atouts réels de la saponification à froid? «Comparé au procédé industriel à chaud, les huiles ne sont pas cuites et gardent leurs propriétés», explique Anne-Sophie Aeby. «De plus, la glycérine naturelle issue de la saponification est conservée et permet une excellente hydratation de la peau. Enfin, c’est un produit écologique puisque ce savon est biodégradable, qu’il y a peu d’emballage et que la fabrication n’exige qu’une faible consommation d’énergie.»
Les canaux de vente sont bien garnis. Des accords ont été conclus avec des dizaines de pharmacies et d’épiceries plus ou moins spécialisées dans les cantons romands, Fribourg et Vaud principalement, mais aussi à Genève et en Valais. «La Suisse allemande pourrait devenir à terme une option à développer.» Le site Internet héberge les explications, le catalogue et la vente en ligne (savons, shampoo, savon à barbe) – sans oublier les commentaires des clients et les liens créés avec les plateformes valorisant l’économie locale et le bio-slow.
Produit artisanal et éthique
Cette proximité se traduit dans les ventes: «Le marché a évolué positivement durant la pandémie, suivi par un certain recul», observe-t-elle. «C’est un marché cyclique et aussi saisonnier. Les choses sont plus calmes en été, les produits se vendent beaucoup avant Noël. Il faut anticiper pour ne pas être en rupture de stock durant cette période ou à cours d’approvisionnement en produits bio.» À cet égard, la Savonnerie Neptune dispose de plusieurs labels et certifications (Slow Cosmétique®, bio.inspecta AG, Swiss Label). «Ne pas être à court de produits est important, car dans le modèle pour lequel j’ai opté, on ne peut pas changer les ingrédients sans modifier la documentation.» Et voici les points forts qui résument en substance la charte de la Savonnerie Neptune: les produits artisanaux sont faits à la main en Suisse avec des ingrédients naturels de qualité biologique ou biodynamique. Les matière premières proviennent prioritairement de Suisse. Les savons sont parfumés uniquement avec des huiles essentielles, sans huile de palme, sans ingrédients issu de la pétrochimie, ni parabène, ni sodium laureth/lauryl sulfate, sans parfum artificiel, sans ingrédient d’origine synthétique, sans EDTA, sans nanotechnologie. Et bien sûr en limitant au maximum les déchets durant les phases de production et les emballages pour la distribution.
Détente et accomplissement
On imagine à peine la cohérence et le travail qu’il faut pour pouvoir respecter un tel cahier des charges. Il faut savoir garder la tête froide. «Cette objectivation permet aussi de prendre de la distance par rapport à un produit clairement émotionnel. C’est un travail magique destiné à créer du bien-être, un produit intime aussi, qui procure de la détente et une certaine forme d’accomplissement.»
À constater de visu au marché bio de Fribourg le 21 septembre.
François Othenin-Girard
www.savonnerie-neptune.ch