L’usam salue le renforcement de la formation professionnelle supérieure
Transmettre avec amour et patience
TRANSMISSION – Patrick Riat a remis son entreprise de plâterie, peinture et isolation à son fils Gaëtan. Il revient pour le JAM sur ce parcours du combattant et quelques-unes des passions de sa vie. Le temps et la forme de la société représentent des facteurs-clés pour la réussite.
«Maintenant que cette succession est terminée, j’ai enfin le temps de penser à autre chose.» C’est la première chose que Patrick Riat nous dit lorsque nous le croisons au Congrès de l’usam à Berne. À Porrentruy où se trouve le siège de Riat SA, entreprise de plâtrerie, peinture et isolation, le président de la FER Arc Jurassien a transmis la PME familiale à son fils Gaëtan. Les choses ont été réglées comme du papier à musique. L’entrepreneur ajoulot ne cache pas que pour aboutir, il aura fallu beaucoup de patience, de temps, d’envie d’aller de l’avant et de ne pas lâcher prise.
Comment se sent-il dans ce nouveau monde? «J’ai encore un peu la tête dans l’entreprise, même si ce n’est plus un souci de tous les jours. Et j’entretiens toujours des contacts étroits avec mon fils, avant tout au plan stratégique, qu’il s’agisse de gestion des offres, ou de partager des infos concernant un chantier.»
Donc, c’est comme si rien n’avait changé en fait? Cette tension disparue, Patrick Riat reconnaît qu’elle avait aussi un rôle moteur. «C’est ce qui vous fait avancer: on change de sujets toutes les dix minutes. C’est une dimension qui me manque un peu, car, pour ma part, je ne peux pas rester sans rien faire.»
Maître de chimie et de physique
Alors bien sûr, la présidence de la FER représente une importante charge de travail – il faut soutenir le conseil d’administration et gérer les caisses AVS, les assurances sociales. Il y a aussi le travail de maître professionnel, parce que Patrick Riat a enseigné la chimie et la physique à des générations de peintres et de plâtriers. Il a participé à l’aventure de la construction de la nouvelle école professionnelle ouverte il y a déjà deux décennies à Delémont.
Une anecdote à ce sujet: «Nous avons mis longtemps à comprendre pourquoi les Suisses allemands avaient de bien meilleures notes aux examens que les Romands, où le taux d’échec a toujours été plus élevé: nous avons mené l’enquête et il est apparu qu’outre-Sarine, le métier était plus ouvert aux filles, plus appliquées et plus studieuses.»
Enseigner et transmettre, deux valeurs qui sont chez lui chevillées au corps. D’où l’importance de réussir sa propre succession. Il ne veut pas donner de leçons ou faire croire qu’il a déniché une recette universelle. Il savait comment il ne voulait pas que cela se passe. Et il a pris les choses en main.
Apprendre des erreurs passées
D’abord, il tient à expliquer d’où il vient. Patrick Riat a dû reprendre au pied levé la PME de son père Serge Riat, qui l’avait créée. «Il était à la fois un ami, un confident et je l’adorais. Je lui avais demandé de régler certaines choses. Sa réponse: vous vous démerderez quand je ne serai plus là .» Ma sœur vivait loin et n’était pas intéressée. À cause de la non-décision de mon père, les choses n’ont pas été faciles, d’autant que ce dernier avait un rare talent pour tout mélanger, ses affaires personnelles et celles de la société. C’était un type extraordinaire, mais il était nul en business et j’ai dû tout démêler et tout assumer, y compris les nombreuses incidences financières.»
D’où la volonté ferme de faire en sorte que sa succession à lui se passe différemment. Il commence par faire appel à un spécialiste. La première des choses était de réunir ses trois enfants pour voir qui était intéressé.
«Seul Gaëtan l’était, car Quentin, l’aîné, souhaitait travailler au service de Gaëtan dans l’entreprise», raconte Patrick Riat. «Quant à ma fille Perrine, elle a choisi de consacrer sa vie professionnelle à un autre secteur, celui de la santé. Nous avons tout mis par écrit en expliquant aussi que mon fils allait payer pour la reprise de l’entreprise. Tout le monde était d’accord. Ensuite il a fallu définir le prix de vente, qui fut accepté par le futur repreneur. La valeur de l’entreprise est celle des actions: la notion de pas de porte n’existe plus.»
Quatre ans pour concrétiser
Étape suivante, trouver le financement: «C’est là que ça se gâte», sourit-il. «Nous prenons contact avec une banque qui à première vue semble d’accord. Mais comme le pouvoir décisionnel se trouve à Berne, il faut attendre. Et soudain, la direction refuse. On demande pourquoi. Pas de vraie réponse. Deuxième banque: un établissement local auquel on présente le même projet, avec budget et business plan. Refus également de la part d’un jeune employé qui se cache derrière son ordinateur. On nous ressort l’argument du «financièrement pas tenable». Une année passe. Troisième banque, même projet. Et là , ça marche. En plus, nous recevons du conseil, des solutions, une autre manière de voir la situation. Quel soulagement!»
Le temps est un facteur-clé. Entre chaque étape, il faut compter quatre à six mois. Et il y a les impondérables. Un problème de santé en 2023 vient ralentir le projet. En tout, il aura fallu quatre ans. «Mais au final, nous avons donc pu régler le problème au niveau familial et relationnel, puis régler la dimension financière et l’organisation de la partie opérationnelle.»
Autre aspect déterminant, la forme de cette PME. Une société anonyme permet d’éviter de nombreuses épines empoisonnées. «Avec une S.A., la valeur de l’entreprise est égale à la valeur de l’actionnariat. En revanche, avec la société simple, sa valeur est définie par une valeur vénale. Cela peut mettre en danger tout le monde et mener à la faillite.»
Risque ou passion
Quelle sera la stratégie du nouveau propriétaire? «Dans l’immédiat, il a opté pour la prudence financière. Il a réduit ses effectifs à trois collaborateurs. Il veut d’abord voir comment les choses évoluent, les mandats qu’il peut obtenir. Ensuite seulement, il pensera à faire grandir l’entreprise et il grandira. Je lui ai dit que c’était une excellente stratégie, mais qu’il ne fallait pas non plus oublier, de temps à autre, de se montrer un peu téméraire. »
Savoir prendre des risques. Patrick Riat est passé par là , comme tous les patrons de PME. Ce n’est pas le chapitre sur lequel il s’étend le plus. En revanche, il y a des sujets sur lesquels il est plus éloquent. Sur les murs de son bureau figurent différents cadres. L’un présente une belle affiche que l’entrepreneur avait réalisée lui-même et sur laquelle on voit un visage de peintre, un seau orné de différentes couleurs. Et le nom de la société. Il y a aussi un présentoir sur lequel sont fixés des pinceaux dont le poil provient de différents animaux, dont le cheval, la martre, l’écureuil ou le blaireau. Une étagère avec différents pigments dont certains noms le font rêver. «Ces pigments qu’on appelle corps solides, c’est ce qui donne la couleur. On a un peu de tout ici. Terre de Sienne est prélevée de la terre. Terre d’ombre aussi. Tout le reste, ce sont souvent des combinaisons chimiques, des produits synthétiques.»
Ses pigments préférés? «J’aime bien certains noms, comme le vert de Schweinfurt, un vert très toxique à base de cuivre qui permettait d’éviter que les mollusques ne se collent sur les coques de bateau. Il y a des produits phares comme la céruse à base de plomb, le jaune de Naples. Un vert Victoria, un nom qui chante! Bleu de Prusse aussi.» Des noms qui évoquent des pays, des voyages.
Passions sur voies ferrées
Il aime rouler et voir du pays. Sur une étagère trônent quelques jeeps et la reproduction de la voiture de ses rêves par excellence une Triumph décapotable. Il est fier de prendre le volant de sa TR6 de couleur bordeaux datant de 1970.
Il y a une vraie passion dans la vie de Patrick Riat: les locomotives. Une série de monstres à vapeur dessinés par Arthur Flury parcourent les murs dans des cadres. Mais surtout, chez lui, une annexe entière abrite sa collection de trains au 1/87e, et près de 20 000 wagons composant des trains de légende circulent sur ses voies ferrées. «Un tour de manège prend 18 minutes.»
À ses yeux, une exposition de trains miniatures surpasse toutes les autres. Il s’agit du fameux «Miniatur Wunderland» à Hambourg. Une maquette mahousse construite par les frères jumeaux Gerrit et Frederik Braun et dont il ne se lasse pas. Et pour cause: ce musée présente la plus longue maquette de réseau ferré du monde avec le record de 15 km de voies ferrées et un millier de trains.
Une grande source d’émerveillement. «Tous les pays européens sont représentés dans leur élément. Pour l’Italie, on voit même le Pape agiter ses bras aux balcons du Vatican. Dans la mer, un crabe agite ses pinces. Des ferries remplis de voitures franchissent des bassins. À Monaco, on assiste à une course de voitures. Sur l’Aéroport international de Hambourg, des avions décollent et atterrissent.»
Une école de caractère
Ce que l’on sait moins, c’est que Patrick Riat a aussi été compagnon. À Bruxelles, il a fréquenté une école de peinture décorative. «Je suis un faussaire dans l’âme parce que c’est là que j’ai appris à réaliser toutes sortes d’imitations, de bois, de marbres, d’ivoire, de bronze, de parchemins. Il fallait réaliser de fausses statuettes du Louvre en plâtre.»
Les conditions de vie des compagnons étaient difficiles. «Il fallait partir chez le Maître – qu’on appelait la Mère – qui vous accueillait tant bien que mal. Vous logiez au pigeonnier. Et à peine arrivé, c’était la caisse à outils et départ au chantier, coco! J’avais vingt ans et un CFC de peintre. Au final, j’ai tenu six mois, car les conditions étaient vraiment spartiates. On avait un seul lavabo pour 27 personnes. C’est à cette époque que j’ai découvert les bains publics. En première classe, ça coûtait plus cher, mais au moins on pouvait changer l’eau. Comme nous étions fauchés, nous nous contentions du bain de deuxième classe: l’eau était déjà là , mais elle était quand même propre. On était tellement crevés, après des journées à 17-18 heures, qu’on s’y endormait. Ils nous expulsaient manu militari. Ils vous jetaient les habits à la tête. On était peu considérés, mais on apprenait beaucoup. Après, j’aurais pu continuer dans le décor, mais c’était un métier de gagne-petit. J’ai choisi le bâtiment et je ne regrette pas ce choix. J’ai gardé un petit coin dans ma tête pour me souvenir de tout cela.»
François Othenin-Girard
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