La Jeunesse socialiste (Juso) a mis sur la table une initiative qui prétend combiner deux des défis les plus pressants de notre époque: la lutte contre le changement climatique – comme si le climat était un élément statique de notre écosystème! – et la justice sociale avec son lot de misère.
Tout le monde sait bien qu’il y a des problèmes de pollution et que chacun y participe de près ou de loin, et les injustices sociales sont malheureusement la caractéristique historique de l’humanité contre lesquelles chacun devrait assumer sa part de responsabilité. C’est plus facilement écrit ici que porté en actes, rien de nouveau sous le soleil.
Tout ça pour dire que l’initiative touche deux cordes sensibles de notre époque. Mais voilà que plusieurs experts ont fait remarquer que la manière dont ces préoccupations étaient amalgamées avec une demande de nouvelle taxe sur les héritages et donations dépassait les limites du raisonnable. Car l’initiative enfreint les principes fondamentaux du droit d’initiative en Suisse.
L’unité de la matière: un principe fondamental
L’initiative populaire est un pilier de la démocratie suisse, permettant aux citoyens d’influencer directement la Constitution. Cependant, la Constitution stipule aussi que les initiatives populaires ont des principes à respecter tel que le principe de l’unité de la matière. Si tel n’est pas le cas, «l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle» (art. 139, al. 3 Constitution). L’unité de la matière est un principe juridique fondamental pour les initiatives populaires en Suisse. Elle exige qu’une initiative ne traite que d’un seul sujet ou d’une seule question afin d’éviter la confusion des électeurs et de garantir la clarté du vote.
Un antécédent de non-conformité
L’idée derrière ce principe est que les citoyens doivent pouvoir se prononcer de manière claire et distincte sur un sujet donné. Si une initiative comportait plusieurs sujets sans lien entre eux, il deviendrait difficile pour les votants de savoir s’ils soutiennent toutes les parties de l’initiative ou seulement certaines d’entre elles.
Cela pourrait également amener les citoyens à approuver des mesures qu’ils n’auraient pas acceptées autrement, simplement parce qu’elles sont liées à un autre élément de l’initiative qu’ils soutiennent. L’histoire récente des initiatives suisses montre que l’Assemblée fédérale a parfois dû trancher en faveur du respect de ce principe.
L’Initiative Chevallier en 1954 par exemple ne respectait pas le principe de l’unité de la matière, car elle combinait deux sujets distincts: la réduction du budget militaire et l’utilisation des économies pour des actions de reconstruction et des œuvres en faveur de l’enfance. Ces deux objectifs, bien que louables, n’étaient pas suffisamment liés pour constituer un sujet unique sur lequel les citoyens auraient pu se prononcer de manière cohérente. Cet exemple illustre un précédent clair: mélanger des demandes sociales et économiques sous un même chapeau peut mener à la confusion et à la manipulation des électeurs.
Un mauvais amalgame
L’initiative de la Juso s’inscrit dans cette même logique, et va même plus loin avec trois éléments différents: introduction d’un impôt sur les successions et les donations des personnes physiques de plus de 50 millions de francs, utilisation du produit de l’impôt pour lutter contre la crise climatique, transformation de l’ensemble de l’économie pour l’objectif climatique.
On pourrait même rajouter les dispositions transitoires qui visent à s’exécuter dès le vote pour éviter un évitement fiscal. Ce flou invite à des comparaisons avec les initiatives passées qui ont tenté de justifier des mesures en utilisant des justifications similaires. Une fois de plus, nous nous retrouvons face à un mélange de demandes qui ne devraient pas être amalgamées.
Une menace pour les PME
L’initiative de la Juso est non seulement absurde, mais elle représente également une menace pour la stabilité économique de la Suisse. L’usam appelle l’Assemblée fédérale à jeter un regard critique sur cette initiative qui ne respecte absolument pas le principe constitutionnel de l’unité de la matière. Elle devrait être déclarée nulle ou partiellement nulle.
Mikael Huber, usam