OUI à la suppression de la valeur locative
Des idées qui font frémir
Luc Ferry – Suite et fin de l’interview de l’ancien ministre de l’Éducation nationale en France qui jette un nouveau regard sur les réformes qu’il avait entamées dans l’enseignement du français – c’était en 2003 – et sur ce qu’elles sont devenues (suite et fin).
Cette interview fait suite à une première partie parue dans notre édition précédente. Pour lire le début:
JAM: Que préconiseriez-vous aujourd’hui et de quels éléments se composerait un programme d’actions que vous pourriez proposer ou soutenir?
Luc Ferry: Il faut revenir au bon sens, et dans la situation actuelle, un remède de cheval s’impose. Faisons enfin de la lutte contre l’illettrisme une cause nationale. Ne laissons plus sortir du cours préparatoire un élève qui ne sait pas lire. Pour parvenir à tenir cet objectif, il est urgent de remettre systématiquement en œuvre les dédoublements de cours préparatoires que j’avais commencé d’installer en 2003 et qui ont été malheureusement supprimés aussitôt après mon départ. Avec des groupes de dix ou douze élèves, les maîtres peuvent pratiquer la remédiation en même temps que le diagnostic, ce qui est impossible en classes pleines. Ces dédoublements peuvent se faire à moyen constant: avec l’aide d’«emplois jeunes» qui seraient là plus utiles que partout ailleurs. Ils peuvent prendre en charge une moitié de la classe pour des tâches de répétiteurs sous le contrôle des maîtres.
Il faut aussi revaloriser d’urgence le travail. Pour que cela ne soit pas un vœu pieux, je crois qu’il faut revenir à des exercices traditionnels: à la dictée et pas à l’autodictée, à la rédaction et pas aux «textes d’invention», au cours magistral en histoire et en science et pas au seul travail sur les documents.
Je sais très bien qu’en disant cela j’ai l’air d’un vieux mammifère de droite, mais l’avenir de nos enfants n’est pas une question droite/gauche. Je parle d’expérience et de bon sens, pas de politique.
Écriture inclusive, réforme de l’orthographe et littérature au prisme du wokisme, autant de débats passionnés qui selon vous viennent enrichir ou réinterroger le rapport entre langue et culture?
À Paris, des élèves de Science-Po – mais ils sont loin d’être les seuls – ont demandé à leur direction qu’on cesse d’écrire Homme/Femme sur les toilettes et qu’on installe des «toilettes non-binaires» afin de ne pas stigmatiser les personnes qui se classent dans cette rubrique. Rappelons que la catégorie du «non-binaire» se situe non seulement au-delà du sexe, mais au-delà du genre, du «sexe social». De nombreux pays reconnaissent sur le plan linguistique cette nouvelle catégorie dans les actes administratifs et du reste en France, notre «parent 1/ parent 2» va hélas déjà dans ce sens. Hélas parce que je suis un père, pas une mère, et que j’ai bien moi aussi le droit de revendiquer cette différence.
Mais allons jusqu’au bout du raisonnement. Au Canada, Florence Ashley, de la prestigieuse Université de McGill – d’après son nom je présume quand même qu’il s’agit d’une dame (il s’agit d’une personne transgenre, ndlr.) – vient de publier un manifeste sur la nécessité de modifier la langue française pour tenir compte de toutes les catégories nouvelles de non-binaires. Fanatique de la différence, adepte de la «déconstruction» promue par la «Pensée 68», elle commence son papier par cette phrase qui laisse rêveur: «Les personnes qui ne s’identifient ni au genre masculin, ni au féminin peuvent n’être d’aucun genre (agenre), être de deux genres (bigenre), d’identification partielle (demi-genre) ou de genre qui varie dans le temps (genderfluid), pour ne nommer que quelques identités non binaires.»
On frémit quand même à l’idée qu’elle en trouve encore d’autres! Du coup, cette dame – je garde un point d’interrogation – propose, par-delà l’écriture inclusive, la création d’un «français non-binaire»: «blanche-blanc» devient «blanc.he» en inclusif et «blanxe» en non binaire; cousin-cousine devient cousin.e en inclusif, puis cousaine en non binaire.
Bon, je vous fais grâce du reste, tous les mots y passent. Une fois qu’on a bien ri, la question se pose: comment argumenter sérieusement contre ce qui, au nom du «respect de l’autre», tourne à l’absurde? Je vois trois objections qu’il faudra développer. Premièrement, au nom du droit à la différence, on finit par nier des différences essentielles: désolé, mais un père et une mère, ce n’est pas la même chose. Ensuite, c’est impraticable pour nos enfants qui ont déjà un mal fou à apprendre le français «ancien». Enfin et surtout, le but caché de ce grand délire n’est pas tant de protéger les non-binaires que de faire passer toute l’histoire de l’humanité pour discriminatoire. Alors, comme dans le 1984 de Georges Orwell, il faudra, de Montaigne à Proust, réécrire toute la littérature en novlangue et faire table rase du passé. Ne rions pas, restons vigilants, car ce qui se trame outre-Atlantique finit toujours, à l’exemple du wokisme, par arriver chez nous et prenons conscience que sous les bonnes intentions affichées couve souvent un enfer bien réel.
Interview: François Othenin-Girard
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