Publié le: 8 novembre 2024

Géant jaune en mode décomplexé

la poste – Le projet de rachat de l’entreprise Open Systems AG, spécialisée dans la cybersécurité, met en évidence un manque flagrant de sensibilité chez la direction de cette entreprise du service public. L’idée que les décisions du Parlement la concernant puissent s’appliquer ne fait apparemment pas son chemin. Or cela doit changer.

Le dernier coup de La Poste Suisse est timbré du 18 septembre dernier. Avec son projet d’acquisition d’Open Systems AG, le géant jaune illustre une fois de plus son mépris flagrant pour les décisions du Parlement. En s’aventurant encore une fois sur des marchés privés, La Poste crée une nouvelle distorsion de la concurrence. C’est inacceptable!

C’est reparti pour un tour

Depuis l’adoption en 2022 de deux motions (20.3531 Caroni et 20.3532 Rieder), le Parlement a pourtant exigé des limites claires pour freiner l’expansion agressive des entreprises publiques et protéger la concurrence avec le secteur privé.

Mais quelle mouche a donc piqué le Conseil fédéral? Plutôt que de mettre en place des frontières nettes, il se contente d’annoncer le 13 septembre dernier des principes de gouvernance non contraignants, qui n’ont qu’une portée symbolique. Selon ces régulations, et en particulier le nouveau principe directeur (Leitsatz) 15a des principes de gouvernance du Conseil fédéral, les entreprises publiques ne doivent pas bénéficier d’avantages concurrentiels significatifs lorsqu’elles fournissent des services en dehors de leur mandat de service public.

Ce principe a été introduit dans le cadre des «Corporate-Governance-Leitsätze», qui définissent les règles de gestion des entreprises et établissements de la Confédération. En intégrant ce nouveau principe dans le cadre de la gouvernance, le Conseil fédéral prétend avoir répondu aux exigences des motions 20.3531 Caroni et 20.3532 Rieder sur un «juste équilibre de la concurrence vis-à-vis des entreprises d’État», mais avec une solution flexible et non contraignante. Il est inquiétant de constater que La Poste, une entité censée se concentrer sur son mandat de service public, s’immisce désormais dans des secteurs comme la cybersécurité, des marchés déjà bien servis par des entreprises privées. C’est clair, les dirigeants de La Poste ne se sentent absolument pas contraints par ladite directive 15a, et le signifient ouvertement en annonçant cinq jours après l’annonce de la directive 15a par le Conseil fédéral qu’ils rachètent Open Systems AG.

Toujours plus de concurrence pour les PME

L’acquisition d’Open Systems AG, une entreprise spécialisée dans la cybersécurité fondée en 1990, montre à quel point cette distorsion de la concurrence devient préoccupante. Basée à Zurich, avec des bureaux à Berne, Düsseldorf et San Francisco, Open Systems compte plus de 260 employés et se positionne comme un leader dans les solutions de réseaux et de cybersécurité. Sa grande expertise dans la cybersécurité et la transformation vers le cloud en fait un acteur clé dans ce domaine.

En intégrant Open Systems dans son portefeuille, La Poste ne fait que renforcer ses capacités, déjà étoffées par sa filiale Swiss Post Cybersecurity AG, qui protège les centres de données, les services de cloud et les appareils contre les accès non autorisés. Cette acquisition permet à La Poste d’offrir des solutions encore plus robustes et complètes, non seulement aux entreprises privées, mais aussi aux autorités et aux établissements de santé. Et cette expansion dans des domaines qui n’ont rien à voir avec le service public pose la question légitime de savoir si La Poste n’abuse pas de sa position privilégiée pour prendre pied dans des secteurs lucratifs, qui devraient être réservés à la libre concurrence. Les avantages que La Poste tire de son monopole d’État deviennent ici, comme nous le disons depuis longtemps, une arme contre des entreprises privées qui n’ont pas accès à de telles ressources financières et de renseignements.

le Conseil fédéral devrait veiller à l’application stricte des décisions parlementaires. Or il se réfugie derrière des principes cosmétiques sans pouvoir contraignant.

Ce qui est vraiment encore plus préoccupant, c’est que le Conseil fédéral, qui devrait veiller à l’application stricte des décisions parlementaires, semble laisser La Poste agir sans véritable contrôle. Plutôt que de restreindre cette expansion, il se réfugie derrière des principes cosmétiques qui n’ont aucun pouvoir contraignant. Ces principes de gouvernance ne répondent en rien aux attentes du Parlement, qui exigeait une base légale solide pour garantir que les entreprises publiques ne faussent pas le marché. Ignorer ces exigences démontre un manque flagrant de volonté politique.

Dynamique malsaine: Ă  stopper!

L’acquisition d’Open Systems est un parfait exemple du laxisme du Conseil fédéral face à ce problème. La Poste utilise les profits générés par son monopole sur les services de base pour envahir des marchés privés et concurrencer des entreprises qui opèrent dans des conditions bien plus difficiles. Cette situation crée une dynamique dangereuse où l’État, par son inaction, favorise indirectement la monopolisation des secteurs clés de l’économie par des entreprises publiques. Cette tendance doit être rapidement stoppée.

Quid des mesures contraignantes?

Fabio Regazzi, conseiller aux États (Le Centre / TI), a récemment déposé une interpellation pour dénoncer l’absurdité de cette situation (24.4049 «Rachats opérés par La Poste. Le Conseil fédéral fait-il fi des décisions du Parlement? / Übernahmen der Post: Missachtet der Bundesrat die Beschlüsse des Parlaments?»). Le président de l’usam y souligne que, malgré l’adoption des motions 20.3531 Caroni et 20.3532 Rieder visant à limiter ces pratiques, La Poste continue sans vergogne de profiter de son statut public pour étendre son influence dans des domaines non couverts par le service public. Le manque de mesures contraignantes de la part du Conseil fédéral ne fait qu’accentuer cette problématique, remettant en question la capacité de l’État à encadrer les activités des entreprises publiques.

Mikael Huber, usam

Le fairplay, ce n’est pas ça:

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