Publié le: 8 novembre 2024

Raphy rafistole et crée de la liberté

RAPHY'S TOLL – Raphael Weisskopf est un réparateur universel basé à Nyon. Il est à la tête de Raphy’s toll, cette mini-entreprise qu’il a lancée voilà seize ans. «Travailler là où on vit et vivre là où on travaille», résume-t-il.

Raphael Weisskopf est un réparateur universel basé à Nyon. Il est à la tête de Raphy’s toll, la mini-entreprise qu’il a lancée voilà seize ans. Nous l’attendons chez lui à quelques encâblures de la gare: il arrive tout sourire au volant de son minibus. Sur les flancs du véhicule trône le visage dessiné d’un barbu casquetté et bienveillant, son propre avatar, flanqué d’un slogan, «Créateur de liberté», dont les lettres orangées, bleues et vertes se détachent sur un fond violet.

Vous n’êtes pas né bricoleur?

Dans la région, Raphael Weisskopf est bien connu et pas seulement pour son engagement dans le monde associatif et politique: on fait appel à lui pour toutes sortes de travaux. Son prospectus précise que grâce à son service, il crée (pour les autres) huit heures de liberté par jour. Il répond à 750 demandes et interventions par année et parcourt tous les ans 25’000 km «par monts et par vaux». Théoriquement dans toute la Suisse et pratiquement surtout sur l’arc lémanique. Son catalogue de services impressionne. On commence par les travaux intérieurs dans la cuisine, les parquets, charnières, robinetteries et serrureries. Les rénovations ou remises en état concernent aussi les extérieurs, les classiques portails, boîtes aux lettres, cabanons de jardin. Un autre domaine qu’il a développé s’adresse à la gent féline et ses chatières – il possède le nom de domaine chatiere.ch – sont installées dans des portes et fenêtres en bois, en alu, en PVC ou vitrées.

Raphael s’occupe aussi des encombrants et de meubles à emporter, il vous loue des échelles au besoin. Il offre ses travaux de maintenance aux Airbnb, chalets et hôtels. Si vous n’êtes pas né bricoleur, il montera vos meubles en kit, installera des moustiquaires, accrochera vos tableaux, posera des rideaux, des stores sur mesure et plantera votre mât de drapeaux.

Enfin, il avoue une expertise dans le domaine du surcyclage, c’est-à-dire cet art contemporain consistant à donner une nouvelle vie à des matériaux et des produits qui ont perdu leur utilité. Mais il compte sur les gens pour qu’ils comprennent d’eux-mêmes que tout ce qu’il fait est durable. «Même pas besoin de le dire tellement c’est évident.» Et on comprend encore mieux ce qu’il est capable de faire quand il ouvre les portes de sa camionnette garée dans le parking en bas de son immeuble, en ce matin d’octobre ensoleillé. Tandis qu’un écureuil courageux fait l’aller et retour entre sa cache et un noyer généreux, Raphael nous fait visiter son instrument de travail.

Lettres de noblesse au rafistolage

On mesure l’étendue des possibles en matière de rafistolage. Attention, le terme est crucial dans cette aventure. Cet ancien charpentier a donné au verbe «rafistoler» ses vrais quartiers de noblesse, à tel point que la dimension péjorative du concept est oubliée, moyennant une bonne ration d’humour. Pour ceux qui en plus ont la chance de parler l’allemand, Raphy’s toll veut aussi dire que Raphael est un type cool. Et que son rafistolage offre une qualité suisse. Normal pour ce membre de Swiss Label qui participe avec passion à tous les événements de l’association.

Autre bricoleur de génie, Claude Lévi-Strauss. Le pape de l’ethnologie française avait expliqué comment bricolage et pensée mythologique entretenaient une relation de parenté. «Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils, conçus et procurés à la mesure de son projet: son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les «moyens du bord» (La pensée sauvage, ch. I, «La science du concret», p. 26 sq.).

C’est exactement ce que montre l’intérieur de la camionnette de Raphael. En moins sauvage: toutes les pièces sont rangées dans de petites boîtes, les instruments facilement accessibles, c’est une affaire qui roule. Notre charpentier a longtemps travaillé sur des chantiers, comme couvreur, chauffagiste, vendeur de meubles même dans un Brico-loisirs. Il tire les enseignements d’une première tentative de se mettre à son compte avec CA-RAF (pour Création artisanale Raf), mais renonce à devenir un futur Tinguely, par manque de débouchés. «J’ai eu un seul client en six mois», sourit-il.

Un avatar bien visible

Et c’est le retour aux charpentes, suivi par un licenciement et, finalement, l’envie forte d’oser démarrer Raphy’s Toll. Nous sommes en 2008. Il a 26 ans, un petit véhicule 4x4 et un site internet réalisé par son beau-frère. Dix ans plus tard, la nouvelle camionnette arbore le logo à l’avatar. «Mon père et moi avons en avons eu l’idée suite à un dessin animé que mes filles regardaient. Au lieu de mettre ma photo partout, je me suis dit que cet avatar avait l’air de bonne humeur et me permettrait de raconter de jolies histoires sur les réseaux sociaux.»

Il en dit plus sur son intrigant slogan: «Mon entreprise est créatrice de liberté, parce que je décharge les gens des petits embêtements et que cela leur permet de retrouver la liberté de faire autre chose.» Qui lui donnerait tort. Pourquoi ne pas s’éviter une série de belles disputes conjugales à propos de cet évier à déboucher, de cette armoire à monter et dont les pièces attendent là depuis six mois. Ou de cette lampe à fixer au plafond alors que les locataires procrastinent en évitant de la regarder.

Plateforme citoyenne

Raphael conçoit avant tout son métier sous l’angle humain. Ce qui prolonge un engagement marqué au plan local. Chercher le sens à son action: ce père de trois filles longtemps président de l’association des parents d’élèves s’active aussi en politique. Il est par ailleurs le créateur d’une plateforme baptisée «Nyonnais-es.ch». Dans la presse locale, il la décrit comme «une association ouverte à toute personne qui a envie d’encourager, valoriser et défendre la vie nyonnaise en regroupant les bonnes idées de toutes et tous».

En 2014, une pétition liée à la présence de feux rouges autour d’un rond-point surréaliste a particulièrement bien marché. «On a mis le feu», se souvient-il rayonnant. Raphael s’est porté deux fois candidat à la municipalité de Nyon, en 2016 et 2021. Deux tours de chauffe? Pour l’heure, il a décidé de mettre son animal politique entre parenthèse et de songer à la prochaine échéance, en 2026. Et en attendant, il dit vouloir «faire mûrir» cette plateforme citoyenne.

Réparer, ça crée des liens

Il écume sa région parce que c’est comme ça que ça marche. Durant la pandémie, ses affaires ont plutôt bien marché. «Les gens étaient chez eux avec des trucs à réparer, les routes vides, les magasins ouverts. Et le bouche à oreille reste un bon moteur.» Sur la table, il dispose les petits objets – porte-clé, autocollants, stylos, double mètre à ruban, gobelet à sirop, pin’s et carte de visite. «Cela donne envie de découvrir ce que je fais.»

Dans le bricolage, comme dans les contacts, il y a une part d’impro. Mais pas de psychologie de bazar. Comprendre ce dont les gens ont besoin, saisir rapidement le contexte: «Chaque visite dans un ménage est une occasion de créer un lien positif, le sourire indiquant que les choses se passent bien. On finit par savoir beaucoup de choses sur les gens et on peut mieux les aider.»

Sa philosophie à lui? «Travailler là où on vit et vivre là où on travaille, le plus sérieusement possible sans se prendre au sérieux, résume-t-il d’un trait. Et savoir pourquoi on fait les choses.»

François Othenin-Girard

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événementiel

Rencontre des entreprises membres de Swiss Label en Suisse romande

La rencontre romande de Swiss Label s’est déroulée le mercredi 25 septembre dernier à Lausanne. Alice Glauser, vice-présidente suisse du label à l’arbalète, représentante romande au Comité Suisse avait invité tous les membres romands, histoire de faire plus ample connaissance, de réseauter. Et, dans la foulée de rappeler la grande valeur de la marque à l’arbalète.

Une vingtaine d’entreprises se sont retrouvées chez NEON ABC à Lausanne. Sylvia Flückiger, présidente de l’association, a félicité les entreprises pour leur engagement à défendre la qualité de leurs produits et à affronter avec courage la concurrence de l’étranger. Dans sa présentation, elle a souligné qu’un siècle après sa création, Swiss Label était toujours appréciée et pouvait depuis quelques années s’appuyer sur ses mille membres, dont un tiers de PME romandes.

Un apéro a permis aux entreprises de réseauter et d’échanger: parmi les membres présents, certains sont actifs dans l’informatique, la traduction ou le recrutement, d’autres dans la menuiserie, ou les métaux, sans oublier le dépannage et les réparations (lire ci-dessus), les produits de nettoyage, les cadeaux d’entreprises, la bijouterie. Avec pour dénominateur commun une grande motivation à aller de l’avant, du dynamisme. Et une envie aussi de tirer parti de l’image positive du label.

Pour terminer cette rencontre, Eric Peneveyre, directeur de Neon ABC a présenté sa société, la seule en Suisse qui fabrique sur place à Lausanne des enseignes lumineuses. Production locale, savoir-faire important, sens de l’innovation et adaptation à un marché changeant. Tout est possible quand on aime son métier (lire notre édition du 30 août 2024).

Les participants ont eu la chance de visiter le musée privé de cette PME: on peut y admirer de magnifiques enseignes lumineuses de grandes entreprises suisses. Certaines, autrefois placées devant des magasins, dans les aéroports ou dans les espaces publics, ne sont plus utilisées actuellement. Mais elles ont parfois rappelé aux participants des souvenirs d’enfance. Les membres sont invités à la prochaine assemblée générale qui se déroulera le 16 juin 2025 à Berne.

Com/réd

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