JAM: Quel est le bilan pour les deux premiers pop-up spas de Chexbres et Sion?

Murielle Nussbaum: Il est très réjouissant. Les deux spas ont été rentables dès leur année d’ouverture. Nous pensions qu’ils répondraient à la demande d’une clientèle affluente et plutôt âgée en raison du prix de nos soins haut de gamme. Or, nous avons eu l’excellente surprise de constater que notre clientèle était très variée. Nous accueillons notamment beaucoup de jeunes urbains qui viennent autant pour l’expérience instagrammable que pour la qualité des soins. L’année 2023 a été exceptionnelle grâce à une météo favorable et à l’impact d’un influenceur qui a créé un vrai phénomène FOMO – ou Fear of Missing Out – autour de La Vigne, ce qui nous a bien aidés pour lancer la version sédunoise du spa. En 2024, comme l’ensemble de la branche, nous avons subi l’effet d’une météo nettement moins favorable.

Ce qui a marché, ce qui a moins marché, ce que vous pensez changer?

L’expérience d’un contact direct avec la nature, l’association de soins de bien-être avec une découverte œnologique, la mise en évidence du patrimoine et l’utilisation de produits naturels en économie circulaire se sont avérés des paris gagnants dans notre démarche entrepreneuriale. S’agissant de pop-up spas, nous pensions pouvoir procéder à un développement plus rapide en termes de nouveaux emplacements, mais nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas si évident de trouver des endroits qui remplissaient toutes les conditions pour accueillir l’infrastructure nécessaire. C’est donc un peu plus lent que prévu, mais ça avance. Nous n’envisageons pas de changements fondamentaux pour le moment, mais nous savons que nous sommes tenus d’être innovants. Notre offre est basée sur l’expérience, nous devons cultiver un potentiel d’étonnement et trouver de nouvelles idées qui maintiennent l’intérêt et le désir.

Comment êtes-vous tombés sur le Château Salavaux?

Grâce à quelques acteurs éclairés, comme Swiss Wine Promotion, les réseaux de l’œnotourisme suisse se développent et fonctionnent bien: ils permettent des contacts. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance des trois partenaires, propriétaires de cet extraordinaire château. Ils sont jeunes, issus de l’école de l’EHL (École hôtelière de Lausanne, ndlr) et nourris d’une vision internationale – ils ont passé quelque temps ensemble à Hong Kong. Nous avons immédiatement senti qu’une synergie était possible. Château Salavaux est un hôtel situé au cœur d’un vignoble et propose une offre gastronomique de haut niveau.

Si l’idée est d’exploiter ce spa en hiver, avec quelles adaptations?

Oui, c’est l’idée. Nous savons qu’il y a un potentiel pour cette expérience tout au long de l’année, mais nous ne pouvions pas l’offrir dans le concept de base qui est purement estival. Dans la collaboration avec un hôtel quatre étoiles comme Château Salavaux, tout le monde y gagne: nous pouvons maintenir une offre en hiver et l’hôtel gagne un spa... Quant aux adaptations, nous avons pensé qu’il était adéquat de donner à l’offre un caractère «cocooning» convenant bien à la saison et au caractère intime du château. Plutôt que de plonger dans un bain, nos clients commencent leur soin avec un bain de pieds en profitant d’un feu de cheminée accompagné, bien entendu – on parle de vinothérapie –, d’un verre du meilleur cru local.

Quels sont les atouts du Vully?

Le Vully est la plus petite des cinq régions viticoles vaudoises et il est au cœur du Pays des Trois-Lacs, une vaste terre de vignobles fribourgeois, neuchâtelois et bernois. Nous sommes donc au cœur du sujet. Cet emplacement est intéressant pour nous dans la mesure où nous espérons attirer des clients de ces cantons qui n’ont pas forcément déjà fait l’expérience de Chexbres ou de Sion. C’est une région extrêmement dynamique sur le plan touristique – il suffit de se promener à tout moment de l’année à Morat, plus beau village de Suisse 2023 et du monde 2022 – pour s’en rendre compte.

Qu’avez-vous découvert d’intéressant au hasard de vos voyages et explorations?

L’importance de la branche oenotouristique dans l’offre d’un pays. La consommation d’alcool est désormais parfois questionnée dans notre société précautionneuse. Il est donc important, pour ne pas dire vital, de réaliser que la culture de la vigne est un univers qui ne se limite pas à la seule consommation du vin. Il y a les paysages, la poésie, la littérature, l’identité culturelle, l’hospitalité, mais aussi – comme nous l’avons réalisé – des produits dérivés comme ceux que l’on utilise dans une perspective de soins et/ou de cosmétique.

C’est l’occasion de signaler que, dans le but de pouvoir également proposer des soins du visage, nous nous sommes associés avec Vinésime, une entreprise de cosmétique qui, comme nous, n’utilise que des produits issus de la vigne. Cet intérêt pour l’œnotourisme n’a pas échappé à Suisse Tourisme (et sa puissance promotionnelle) qui a monté cette année une opération nommée Grape Escapes et qui promeut les expériences d’hospitalité en milieu viticole en Suisse.

Qui sont vos concurrents?

L’offre de spas haut de gamme est abondante en Suisse. Mais aucun ne propose à ce stade une expérience de vinothérapie in situ et immergée dans la nature.

Et la prochaine étape?

Nous ouvrons un troisième spa d’été, sur le modèle de Chexbres, au printemps prochain à quelques kilomètres de Château Salavaux. Ce sera à Praz, dans la partie fribourgeoise du Vully. Notre partenaire est Cédric Guillod dont la cave est bien connue et qui élève son vin face au magnifique panorama du lac de Morat. Nous sommes convaincus que, comme ses vins, cette région possède un fabuleux potentiel œnotouristique.

François Othenin-Girard

www.la-vigne.ch