OUI à la suppression de la valeur locative
De grands atouts pour l’économie
garde extrafamiliale – Le débat sur la création de places de crèche se poursuit. Au cœur de la discussion, les questions de financement jouent actuellement un rôle important, rappelle Johanna Gapany, conseillère aux États (PLR/FR). La sénatrice fribourgeoise plaide en faveur d’une politique familiale moins timide.
JAM: Le programme d’impulsion pour la création de places de crèche prendra fin, après avoir permis d’en créer 76’562. La commission en charge, dans laquelle vous siégez, a dû élaborer une solution durable et en tant que membre de cette commission, vous y avez participé. Est-ce vraiment le rôle de la Confédération?
Johanna Gapany: L’organisation de la garde extrafamiliale dépend beaucoup de la culture du pays et de la structure de son économie. En Suisse, nous avons la chance de compter sur un tissu large et diversifié de PME. Penser qu’une entreprise de cinq à quinze personnes va mettre en place une structure de garde est illusoire. En parallèle, nous investissons beaucoup dans la formation pour garantir l’égalité des chances à la naissance: tant les hommes que les femmes sont compétents pour accéder au marché du travail.
«sans politique familiale solide, nous nous privons d’une partie de la main-d’Œuvre qualifiée.»
Sans politique familiale solide, ces investissements sont toutefois dévalorisés et nous nous privons d’une partie de la main-d’œuvre qualifiée. Et puis, les solutions familiales sont moins répandues que dans d’autres pays pour la garde des enfants, tout comme on le constate pour la prise en charge des personnes âgées. Dans ce contexte, la Confédération a non seulement un rôle à jouer pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, mais elle a un intérêt clair à le faire.
Avez-vous des chiffres en tĂŞte?
Une étude de BAK Economics AG de 2020 s’est penchée sur le rapport coûts/bénéfices d’un ensemble de mesures touchant à la politique de la petite enfance. Elle montre que, pour chaque place d’accueil supplémentaire créée, le volume de travail des parents pourrait augmenter de 46%. Concrètement, cela signifie qu’en créant 21’000 places d’accueil, on pourrait compter sur une offre de travail supplémentaire d’environ 10’000 EPT. C’est une mesure concrète de lutte contre la pénurie de main-d’œuvre.
Du point de vue de l’État, c’est aussi un atout puisque cette augmentation du volume de travail entraînera une hausse du revenu du travail, avec un effet positif immédiat sur l’économie nationale: d’une part en termes de consommation, d’investissement et d’épargne, d’autre part, en termes de recettes fiscales.
Pour la société, j’y vois un autre avantage: l’encouragement à travailler davantage, à s’épanouir dans sa vie professionnelle et familiale, à se former, à faire carrière – pour contribuer à l’évolution et à la croissance de notre pays.
Au-delà des chiffres et des perspectives, en faisant le bilan, ce programme d’impulsion a-t-il eu les effets escomptés?
Il a permis de créer plus de 76’000 places en crèche, avec une participation active des cantons et des communes. Il a rempli son rôle de programme d’impulsion, aussi d’encouragement vis-à -vis des cantons et des communes pour que chacun fasse sa part, car la garde extrafamiliale reste et restera leur tâche en priorité. La participation de la Confédération est subsidiaire et dans le contexte actuel, il s’agit d’une mesure parmi d’autres pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre.
«Le programme d’impulsion a permis de créer plus de 76’000 places en crèche.»
À ce stade, je suis positive quand je vois les effets de ce programme, mais je reste réaliste par rapport à la politique familiale en Suisse qui est encore très timide en comparaison internationale. La décision de poursuivre ou non une activité professionnelle dépend fortement de la disponibilité immédiate d’une place à la naissance du premier enfant et de la possibilité d’en trouver une seconde correspondant à l’horaire du premier enfant pour le second.
Quand vous parlez d’une politique familiale timide, à quoi pensez-vous?
Nous avons une politique familiale qui convenait à l’époque de la répartition des tâches entre les hommes et les femmes. Lorsque seul l’un des membres du couple avait une activité rémunérée. Aujourd’hui, les choses ont changé, tant les hommes que les femmes se forment et travaillent. Cette évolution est positive pour la société et les familles. Elle garantit notamment une plus grande indépendance financière de chacune et chacun et évite qu’en cas de coup dur, la famille ou l’un des conjoints doive être financièrement dépendant de l’État.
Cette nouvelle normalité appelle toutefois des mesures si nous voulons préserver le taux de natalité, ainsi que le taux d’activité professionnelle. Le message du Conseil fédéral par rapport à l’initiative sur les crèches relève le fait que la situation des familles a fortement changé ces dernières décennies. Et que depuis 1990, le nombre de ménages d’une seule personne, de ménages de couple sans enfant et de ménages monoparentaux a fortement augmenté. À tel point que le taux de natalité a aussi chuté dans notre pays pour atteindre 1,5 enfant par femme en 2009, puis 1,39 en 2022.
C’est le niveau le plus bas que nous ayons connu. Un sondage complémentaire indique la raison de ce choix d’avoir peu ou pas d’enfants. Parmi les femmes de 25 à 39 ans qui n’ont pas encore eu d’enfant, mais souhaiteraient en avoir, 55% ont précisé que les possibilités de garde d’enfants ont une forte, voire une très forte influence sur leur décision.
Or chacun le sait: pour qu’un pays aille bien, pour qu’il progresse, pour que les infrastructures fonctionnent, pour que les retraites soient payées, il faut des travailleurs.
«Nous devons encourager les familles à avoir des enfants lorsqu’elles le peuvent et à poursuivre leur activité professionnelle.»
Dès lors, soit nous nous contentons de cette situation et nous engageons de la main-d’œuvre étrangère – mais cette solution trouvera ses limites au moment où les entreprises décideront de se déplacer là où la main-d’œuvre se trouve, c’est-à -dire là où elle coûte moins chère. Ou alors, nous prenons en compte cette situation et nous trouvons des solutions pour encourager les familles à avoir des enfants lorsqu’elles le peuvent et à poursuivre leur activité professionnelle.
Vous êtes PLR et défendez ce sujet sous l’angle économique. On entend aussi des voix qui, au Parlement veulent des places en crèche pour l’intégration – sans le lier à l’activité professionnelle des parents. Ne craignez-vous pas qu’avec une intervention au plan national, nous tombions dans un système à la française?
C’est le risque avec l’initiative sur les crèches qui a été déposée et sur laquelle la population va voter. J’y reviendrai. Du côté du Parlement, ce n’est pas la volonté. Depuis les premières réflexions autour de ce projet, déjà au niveau de la commission du Conseil national, le lien entre activité professionnelle et soutien financier pour la garde extrafamiliale a été une exigence. On ne doit surtout pas s’éloigner de cette exigence, sans quoi nous perdons l’intérêt d’une solution au niveau national. La gauche s’est ralliée à cette solution et c’est une bonne chose.
«NOus avons repris ce qui fonctionne bien dans la solution du conseil national...»
Sous quelle forme verriez-vous cette solution ?
Le concept proposé comme solution contient deux éléments principaux et implique toutes les parties concernées: les parents, les employeurs, les cantons, les communes et la Confédération. Pour alléger la charge des parents qui travaillent, une allocation de garde serait versée, en tenant compte du nombre de jours de garde. Pour soutenir les cantons dans la création de places de crèche, un soutien est versé de la part de la Confédération pour des programmes visant à augmenter le nombre de places en crèche.
Le soutien via ces programmes est aujourd’hui remis en question suite au traitement au Conseil des États. Pour ma part, je considère que ce projet n’a pas de chance de passer, sans une contribution de la Confédération. Il n’est pas envisageable d’exiger des employeurs, des cantons, des communes de mettre en place et de financer un système, sans y contribuer.
Selon vous, on ne peut pas exiger des cantons quelque chose sans y contribuer. Mais finalement, n’est-ce pas à ces derniers d’apporter des solutions? Cela leur donnerait davantage de marge de manœuvre. Qu’en pensez-vous?
Il y a une répartition des tâches pour ce domaine, comme on en trouve dans d’autres domaines. D’une part, la responsabilité de cette tâche reste et restera en main des cantons. D’autre part, la coordination et le soutien aux mesures mises en œuvre est une tâche nationale.
Concernant la responsabilité des cantons, cette tâche reste et restera en main des cantons et c’est déterminant pour que chaque canton mette en place le nombre de places dont sa population qui travaille a besoin et prévoit la flexibilité nécessaire en fonction du tissu économique. Le concept prévu par le Conseil des États respecte d’ailleurs cette répartition des tâches et le financement est à décider par chaque canton, en fonction de ses capacités financières, des besoins des familles et des entreprises.
En complément, l’idée est que la Confédération soutienne les efforts des cantons en participant financièrement à la création des places et assure que le système soit cohérent pour les parents et que les mesures mises en place soient efficaces pour encourager la conciliation vies familiale et professionnelle. Aussi, on ne peut pas ignorer que la société se déplace plus que par le passé. Les parents ne travaillent pas toujours dans le même canton et les familles déménagent. Cette coordination et ce soutien au niveau national apportent donc une certaine stabilité pour les parents et doit garantir une augmentation de la main-d’œuvre disponible pour les entreprises.
Pourquoi ne pas s’en tenir à la version du Conseil national?
Nous avons repris ce qui fonctionnait bien dans la solution du Conseil national, c’est-à -dire le fait de soutenir les parents qui travaillent et de poursuivre l’encouragement pour la création de places de crèche vis-à -vis des cantons.
«... c’est à dire le fait de soutenir les parents qui travaillent.»
La solution proposée par le Conseil national présentait toutefois de grandes lacunes pour la mise en œuvre et la manière dont les soutiens seraient versés aux parents n’était pas clair. Nous avons alors choisi de créer une allocation de garde sur la base d’un modèle existant, les allocations familiales. Avec l’avantage de tenir compte des solutions déjà mises en place par certains cantons et les employeurs, puisque le financement de l’allocation sera du ressort des cantons. À eux de décider ensuite qui paie quelle part de cette allocation, d’entente avec les employeurs.
Vous comprenez que certains patrons craignent une augmentation des charges salariales?
C’est clair et je partage cette préoccupation. Cette mesure doit non seulement apporter une véritable plus-value pour que les entreprises trouvent la main-d’œuvre nécessaire. En même temps, elle doit être supportable, ne pas mettre en danger des places de travail et ne pas se cumuler s’ils paient déjà une contribution.
C’est cet équilibre que nous avons visé. Aujourd’hui, ne rien faire n’est plus une option. On arrive au terme d’un programme d’impulsion pour la création de places de crèche. L’initiative sur les crèches qui a été déposée demande une offre suffisante pour tous les enfants de trois mois jusqu’à la fin de l’enseignement de base – peu importe si les parents travaillent ou pas.
Pour cette offre, la Confédération devrait payer un tiers, soit plus de deux milliards par année. Et les parents paieraient désormais au maximum 10% du coût. Face à cette initiative, la solution proposée par la commission du Conseil des États peut devenir un contre-projet acceptable pour la population. Il est supportable financièrement, sans provoquer d’augmentation d’impôts. Il tient compte des systèmes mis en place dans les cantons et cible le soutien pour les parents qui travaillent. C’est dans ce contexte qu’il faut juger ce projet et c’est la raison pour laquelle je pense que c’est la meilleure option que nous ayons sur la table aujourd’hui.
Cette initiative coûterait très cher, on l’a compris. En parallèle, il y a aussi le programme de coupes budgétaires de la Confédération. Est-ce raisonnable de prévoir un nouveau programme maintenant? Est-ce une priorité?
Aujourd’hui, on a un facteur qui nous laisse envisager un avenir serein, malgré la charge financière, malgré les dettes, provoquées par les mesures prises pour lutter contre les effets de la pandémie. Ce facteur positif, c’est l’économie. Avec une certaine croissance, un taux de chômage bas, des recettes fiscales, nous pouvons envisager une sortie progressive des années budgétaires compliquées.
«Aujourd’hui, ne rien faire n’est plus une option.»
Alors oui, investir pour que l’économie se porte mieux, pour que les entreprises trouvent de la main-d’œuvre en Suisse, pour qu’elles ne quittent pas la Suisse ou ne réduisent pas leurs ambitions – c’est une priorité! En plus, j’ajouterais qu’on investit environ 10% du budget fédéral dans la formation et la recherche. Sans parler des efforts consentis par les cantons et les entreprises.
Investir autant et négliger ensuite la poursuite de la carrière professionnelle par manque d’investissement dans la politique familiale revient à gâcher une partie de cet effort financier. Au contraire, nous devons avoir une chaîne solide où nous encourageons la formation, la recherche, la poursuite d’une activité professionnelle et où nous permettons la conciliation avec une vie familiale. Cela n’a rien d’impossible. D’autres pays le font et ils s’en portent d’autant mieux.
Interview: François Othenin-Girard
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