Publié le: 24 janvier 2025

Swisspod vise l’efficience énergétique

TRANSPORTS – Créé en 2019 après un concours organisé par Elon Musk, le SpaceX Hyperloop Pod Competition, Swisspod Technologies s’active sur de nouvelles capsules, testées à l’EPFL en Suisse et dans le Colorado aux États-Unis. Si les compétiteurs ne manquent pas pour ces trains de l’avenir, la start-up suisse a développé une méthode originale.

JAM: Cyril Dénéréaz, quelle est votre formation et quel rôle jouez-vous dans l’équipe de Swisspod?

Cyril Dénéréaz: J’ai suivi une formation d’ingénieur HES en mécanique, j’ai travaillé quelques années dans l’industrie puis passé douze ans à l’EPFL, au laboratoire de métallurgie mécanique. Je suis cofondateur de Swisspod et j’y occupe le poste de CTO.

Comment le projet de Swisspod a-t-il démarré?

Cela a commencé par la rencontre en 2017 de celui qui allait être mon associé, Denis Tudor. Denis terminait ses études à l’EPFL, il a monté une équipe pour participer à l’édition 2018 de la compétition lancée par Elon Musk, le SpaceX Hyperloop Pod Competition. Et je suis entré dans l’équipe comme conseiller pour la partie conception mécanique. Nous avons passé toutes les sélections et sommes arrivés premiers du classement pour le design de la capsule et troisième pour la vitesse.

Comment l’équipe s’est constituée?

En revenant de ce concours en 2018, Denis et moi nous sommes dits que nous n’allions pas en rester à ce qui ressemblait à une course de Dragsters. Nous avons donc créé l’entreprise Swisspod Technologies en mars 2019 et monté une équipe. Celle-ci se constitue aujourd’hui d’une quarantaine de personnes – en gros 15 à 18 équivalents plein-temps.

Où sont situées vos activités?

La maison-mère est basée à Monthey, mais notre activité, proche du laboratoire et du circuit d’essai, se trouve sur le site de l’EPFL. Le circuit d’essai est un anneau de 40 mètres de diamètre sur lequel nous avons réussi en automne dernier à effectuer un run sous vide d’une distance de 11,8 km, c’est un record du monde. En tenant compte du fait que le tube est à échelle réduite, cela correspond à une distance de plus de 140 km à échelle réelle. Nous avons aussi une partie de l’équipe dédiée à la construction d’un nouveau circuit d’essai aux États-Unis, dans le Colorado. Nous avons pu très rapidement valider ce projet, tandis qu’en Suisse, il aurait probablement fallu des mois, voire des années pour dépasser le stade des oppositions à une boucle de 1,6 km de long.

Comment cette technologie fonctionne, en comparaison avec l’ancien projet de Swissmetro?

Swissmetro était un projet de train à sustention magnétique dans lequel le train était passif et l’infrastructure, active. Le courant était fourni par des installations complexes dans les tunnels. Notre projet est différent dans le sens où nos capsules sont autonomes et les tubes passifs. Toute la technologie permettant la motorisation et lévitation sans frottements mécaniques de Swisspod se trouve dans la capsule: les moteurs électriques linéaires, les batteries. Les tubes sont très simples à construire et surtout, beaucoup moins chers. Leur maintenance en sera d’autant facilitée. Ce sont de vrais atouts.

Quel est le but de Swisspod?

Le but est de développer et vendre de la technologies hyperloop et, à terme, de vendre des capsules, soit à des gouvernements, soit à des opérateurs qui les utilisent sur des lignes, qu’il s’agisse de fret ou de transport de passagers. Je pense que les décideurs opteront au début plus facilement pour le transport de fret, ceci afin de s’assurer que la technologie est au point. Nous ne visons pas forcément la Suisse, nous sommes ouverts à toute possibilité au niveau international. Nous travaillons aussi actuellement sur l’implémentation d’un projet pilote.

Quelles vitesses pensez-vous atteindre?

Comme dans la technologie spatiale, il s’agit d’un problème d’optimisation. La contrainte est la suivante. Plus vous souhaitez aller vite, plus vous avez besoin de puissance. Il faut donc des batteries supplémentaires, ce qui rend la capsule plus lourde et ralentit le tout. Nous devons refaire nos calculs pour chaque projet. Mais à titre indicatif, si les trains actuels roulent à 200 km/h, nous pourrions atteindre une fourchette comprise entre 400 et 700 km/h pour une vingtaine de personnes par capsule, en garantissant une meilleure efficacité énergétique qu’avec les trains actuels.

Avez-vous de nombreux compétiteurs?

Bien sûr et dans le monde entier. Des projets ont été lancé par Virgin aux États-Unis, d’autres sont nés au Canada, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne. Plus des équipes universitaires qui planchent en Espagne, en Allemagne et en Inde. Certains de ces projets ont déjà coulé, d’autres sont en train d’émerger.

En quoi réside votre originalité face à cette concurrence?

La technologie que nous avons développée permet de garantir la puissance nécessaire à la propulsion, même à grande vitesse, ce qui est primordial. Et je dirais que nous sommes les seuls à travailler sur l’efficience énergétique. C’est pour cela que nous avons besoin de tester nos capsules sur une boucle, afin de mesurer l’efficacité globale de nos systèmes sur de longues distances. Et sur ce point nous sommes aussi les seuls à travailler de cette manière.

Le financement?

Nous travaillons avec des investisseurs, dont certains nous ont accompagnés lors des différentes levées de fonds. Felix Porsche, l’arrière-petit-fils du fondateur de Porsche, a rejoint notre conseil d’administration dernièrement. Et nous avons des contacts avec différentes personnalités, comme Richard Branson.

Les prochaines étapes?

Une partie du projet se poursuit en Suisse avec le lancement d’une deuxième capsule qui devrait être testée cette année encore avant la fin du projet avec l’EPFL. Aux États-Unis, la construction de la capsule devrait être terminée vers la fin de l’été. Les tests permettront de valider les brevets déposés.

François Othenin-Girard

technologie

Un hyperloop, c’est quoi? Définition...

Le concept de déplacement dans des tubes ne contenant pratiquement pas d’air, réduisant ainsi la traînée aérodynamique et permettant de voyager à grande vitesse, existe depuis le début du 19e siècle. Aujourd’hui, le concept hyperloop fait généralement référence à un livre blanc bien connu publié en 2013 par Elon Musk en collaboration avec une équipe commune de Tesla et SpaceX. L’idée, c’est que les «nacelles» de transport accélèrent progressivement à l’aide d’un moteur électrique linéaire et glissent au-dessus de leur trajectoire sur des paliers à air à travers des tubes presque évacués situés en dessous ou au-dessus du sol. Cela devrait permettre aux nacelles de voyager à des vitesses allant jusqu’à 1200 km/h, tout en étant plus économes en énergie, plus silencieuses et plus autonomes que les autres modes de transport. Ainsi, le concept Hyperloop a le potentiel d’optimiser les voyages sur de longues distances en combinant l’efficacité des systèmes ferroviaires modernes avec la vitesse du transport aérien.

Com/réd

Les plus consultés