Tout à coup, tout le monde parle de dérégulation. Même les représentants des grandes entreprises s’opposent soudain aux excès de la bureaucratie. Il n’y a pas si longtemps, le son de cloche était différent. Pendant de nombreuses années, en tant que membre du conseil d’administration d’une association de branche européenne, j’ai vu des fonctionnaires issus de grandes entreprises faire du lobbying à Bruxelles en faveur d’une bureaucratie absurde en matière de durabilité. On les voyait collaborer tout aussi assidûment avec les ONG.
Les intérêts des PME n’ont pas seulement été ignorés, mais activement combattus. Avec l’argument hypocrite des «mêmes règles pour tous». En réalité, l’occasion pour les grandes structures d’évincer les petites du marché. Tout en se drapant d’un manteau vert pour obtenir de meilleures conditions sur des marchés financiers avec les critères ESG. Et redorer dans la foulée leur image de marque en tant qu’employeurs.
En Suisse aussi, les groupes ont fait du lobbying dans ce sens, comme dans le cadre du contre-projet à l’initiative sur la responsabilité des entreprises. Cette initiative a permis d’éviter une responsabilité directe en cas de violation des droits de l’homme et des règles environnementales à l’étranger. Surprise! L’été dernier, le représentant belge d’une association internationale, la «Responsible Business Alliance», a même osé faire du lobbying devant les membres des Chambres fédérales pour que la Suisse reprenne telle quelle la «Corporate Social Due Diligence Directive» de l’UE.
economiesuisse a aussipromu la cause verte. En 2022, l’association – associée au WWF sur ce projet – exigeait que le secteur financier, «catalyseur important, exploite tout le potentiel du financement vert». Explosif! Les deux organisations voulaient peindre en vert les PME. Leur argument: la Suisse «ne peut pas se permettre de laisser les PME de côté», expliquait alors un document commun.
L’esprit du temps était à la durabilité et au «purpose». Le CEO de BlackRock, l’une des entreprises de gestion de fortune les plus grandes et les plus influentes au monde, invitait les entreprises à poursuivre un but social («purpose»), au lieu de se concentrer sur la réalisation de bénéfices. Les critères ESG sont devenus un facteur décisif dans les décisions d’investissement. Le résultat? Des grilles scandaleuses utilisées pour passer au crible les relations avec la clientèle. Cela a mis sous pression des secteurs entiers dans les domaines de l’énergie, des transports ou de l’armement. Les entreprises concernées ont donc été – et sont toujours – systématiquement désavantagées. C’est le cas pour les transactions financières.
Aujourd’hui, le vent a tourné. Entretemps, il est devenu évident que l’économie serait mise à mort si les prescriptions de durabilité continuaient à être appliquées comme elles l’ont été jusqu’ici. C’est pourquoi les mots d’ordre sont désormais la «débureaucratisation» et la «compétitivité». Même les acteurs qui surfaient récemment de manière opportuniste sur la vague verte s’adaptent à cette nouvelle donne.
Les représentantsdes intérêts des grandes entreprises au sein d’economiesuisse font preuve d’une souplesse étonnante. Il y a quelques années encore, cette association affichait des objectifs de durabilité. Elle suivait alors l’esprit du temps. Aujourd’hui, elle parle un peu plus de la charge bureaucratique. Et elle dénonce les obligations de publier des rapports sur la durabilité. Espérons qu’economiesuisse ne se contente pas de suivre les vents changeants, mais qu’elle se trouve un bon cap – durable.