Publié le: 7 février 2025

Notre fils a commencé son apprentissage...

Notre fils a commencé son apprentissage un vendredi 2 août à 7 h 00… et de nombreuses personnes s’en sont étonnées. À ce sujet, j’ai entendu un peu de tout: « Ils n’auraient pas pu le faire débuter le lundi 5 août?», «Le pauvre! Commencer un vendredi! Et en, plus le lendemain du 1er août!».

Et bien oui! La fête nationale 2024 pour Baptiste, 15 ans, a été écourtée. Le vendredi 2 août à 5 h 50, nous étions «debout», prêts à nous rendre chez son employeur (un EMS dans les Montagnes neuchâteloises). Baptiste trépignait d’impatience à l’idée de commencer son apprentissage d’aide en soins et accompagnement, de se voir confier des responsabilités, de s’occuper des soins des résidents, d’être entouré de collègues de travail et de responsables, d’avoir des semaines de vacances à choisir, d’avoir des horaires à respecter, d’être titulaire d’un compte bancaire pour y toucher son salaire…

Depuis ce 2 août, l’existence de Baptiste a changé, la nôtre, aussi! IL EST ENTRÉ DANS LA VRAIE VIE! Notre petit est devenu un grand… grâce à un employeur qui lui a donné sa chance.

Plus de 186’000 contrats d’apprentissage sont en cours en Suisse. Donc autant d’apprenties et d’apprentis actifs dans 250 professions pour le compte de 58’000 entreprises formatrices. Cela équivaut à 186’000 histoires, parcours et expériences de vie.

Pour que de telles histoires s’écrivent, il faut être au moins deux. Des apprentis et des entreprises formatrices. Entre eux s’activent les associations de branches, les écoles professionnelles, l’administration fédérale, les services cantonaux et d’autres organisations qui travaillent ensemble pour que les professions se promeuvent, les vocations naissent, les entreprises forment et les places d’apprentissage soient occupées.

Ce modèle à succès est envié loin à la ronde! En témoignent les excellents résultats helvétiques obtenus lors des WorldSkills et des EuroSkills. Ce modèle doit se développer. Mais il faut un savant équilibre pour que la machine fonctionne. Or, tous n’ont pas le même intérêt à voir la machine aussi bien fonctionner…

Dans le canton de Neuchâtel, en 2023, une initiative pour plus de protection des apprentis a récolté 5794 signatures. Que veut-elle? Instaurer des contrôles réguliers et non annoncés sur les lieux d’apprentissage; mettre sur pied une formation obligatoire pour sensibiliser les formateurs en entreprise aux problématiques des apprentis, particulièrement le harcèlement et les violences physiques et psychologiques; rendre encore plus sensibles les apprentis sur leurs droits et plus généralement le droit du travail, le fonctionnement du partenariat social en Suisse et le rôle des syndicats; augmenter le nombre de conseillers en formation professionnelle.

Cette initiative va beaucoup trop loin. D’abord, elle jette le discrédit sur les employeurs qui se donnent la peine de former – et Dieu sait comme ils sont encouragés à le faire! Elle rajoute ensuite une couche au mille-feuilles administratif de la formation professionnelle. Enfin, l’initiative endoctrine tout en tendant à surprotéger les apprentis et à leur faire oublier les réels atouts de la formation professionnelle.

Car la formation professionnelle en mode dual est une école de (vraie) vie. Les apprentis se bonifient et mûrissent en accomplissant leurs tâches au contact de leurs collègues, supérieurs et clients. L’apprentissage en entreprise permet aux jeunes d’acquérir un précieux bagage professionnel que n’obtiennent pas celles et ceux qui suivent la voie académique. Leurs premières expériences professionnelles très orientées pratique sont un facteur de différenciation important par rapport à ceux qui se prédestinent à faire de longues études. En obtenant un CFC et un AFP, un jeune s’ouvre plein de portes.

Certes, des problèmes avec des apprentis existent dans certaines entreprises… mais ils ne doivent pas occulter l’exemplarité d’une quasi-totalité d’entreprises formatrices. Pour traquer les moutons noirs, recourons au dispositif existant qui fait ses preuves.

Ne cassons pas un modèle à succès, en voulant le complexifier! Laissons donc les entreprises former et les jeunes se former!

Notre fils a commencé son apprentissage un vendredi 2 août à 7 h 00! Quel signal lui aurait-on donné si, après coup, il avait pu commencer le lundi 5 août à 10 h 00?

*Secrétaire général de l’Union neuchâteloise des arts et métiers (UNAM)

charles.constantin@cnci.ch

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