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Bienvenue en Westphalie!
L’Europe est en train de changer. Son économie reste globalement globale (!), mais sa politique l’est de moins en moins: le continent se retrouve comme en 1648 et c’est probablement une bonne chose.
Les jérémiades entendues ces temps derniers émanent pour l’essentiel de politiciens en perte de vitesse, souvent condamnés à disparaître à bref délai: un chancelier allemand socialiste au visage désolé, suant l’ennui, qui a mené son parti au pire résultat qu’il ait jamais obtenu; son successeur, otage des Verts, qui lui extorquent des milliards pour marchander le soutien dont il a besoin; un président français sur le toboggan, détesté par ses compatriotes, qui espère se sauver vers une Europe qu’il «dirigerait» avec la même fixation narcissique que le pays de son échec. Même à l’extérieur de la prétendue «union» européenne, un premier ministre anglais au plus mal dans les sondages, se débattant dans un pays exsangue et dévoré d’immigration.
Quelle belle brochette de perdants préside aux destinées de l’Europe! Mais en Suisse me direz-vous? Dans la première guerre européenne du siècle, la vanité brêle d’une notaire combinarde de Brigue et la pleutrerie d’un médecin de campagne tessinois nous ont fait sacrifier notre neutralité séculaire sur l’autel d’une fugace et éphémère «solidarité européenne». Résultat: les Européens nous tiennent pour quantité négligeable, nous sommes indifférents aux Ukrainiens et les Russes nous détestent. Quant aux Américains, ils préfèrent l’Arabie saoudite à la Suisse pour parler de la paix future.
Bravo Viola, bravo Ignazio! Félicitations! En trois ans, vous avez sabordé deux siècles de diplomatie suisse. Vous vous êtes payé à coups de millions la volupté d’un «sommet» burlesque au Bürgenstock, qui n’a rien donné, car il ne pouvait rien donner en l’absence d’un des deux belligérants. Entrevoyant un trône que personne ne vous offrait, vous avez agi comme si le destin du monde vous appartenait, créant un attrape-nigaud pour flatter votre prurit narcissique de paraître, à défaut d’être. En vérité, vous êtes tous deux à la Suisse traditionnelle, discrète, pudique mais efficace, ce que la vérole est au bas clergé. Hélas, quand la trahison vient des rangs amis, l’ennemi n’a plus qu’à contempler et à se réjouir.
Les «puissances» européennes pour lesquelles la «dream team» Cassis-Amherd a les yeux de Chimène, sont de surcroît des pays en faillite (France, Royaume Uni) ou exsangues financièrement (Allemagne), ou assez insignifiants, car partis en vrille sur le plan budgétaire, voire politique (Espagne, Italie, Grèce, etc). Curieusement, c’est du côté des États bien gérés (Hollande, Danemark) qu’on entend braire le moins fort contre l’Amérique trumpienne et pour récréatifs qu’ils puissent être, de tels hurlements à la «trahison» de Trump, cachent une réalité simple: nous sommes revenus à l’Europe westphalienne.
Un mot pour la jeune génération – genevoise en particulier – à qui on n’a guère enseigné les dates essentielles sur les bancs du collège: en 1648, les traités de Westphalie (connus pour les villes rhénanes de Münster et d’Osnabrück) ont créé les États modernes, regroupant des gens parfois de confessions différentes, mais unis politiquement et prêts à s’entendre, à se concurrencer et à se défendre avec ou contre leurs équivalents européens.
Les traités de 1648 sont l’œuvre du prodigieux Richelieu: génie politique, théologien catholique, grand malade, domptant les mille maux de son corps à force de volonté, constamment à risque de se voir révoquer par la faveur versatile du prince, le Cardinal – l’homme rouge comme on l’appelait – a su s’allier aux protestants suédois, hollandais ou allemands pour défaire les catholiques espagnols et le Habsbourg de Vienne; il a fait la guerre quand il le fallait, tiré de l’argent d’un pays exsangue jusqu’à ce que la richissime Espagne cède; il a brisé l’encerclement de la France, il a explosé le corset du Saint-Empire et assuré la domination française pour deux siècles.
L’Europe westphalienne, c’est le jeu des alliances entre États. C’est aussi le champ de la rivalité franco-allemande, dont le grand affrontement de 1914 nous vaudra la Société des Nations – un échec prévisible face aux États westphaliens – alors que celui de 1945 essayera de faire mieux. L’ONU américaine, fondée sur le mythe d’une entente des grandes puissances pour maintenir la paix, aura pour nous un avantage essentiel: elle maintiendra la Suisse sur la carte du monde. Le nain que nous sommes s’est soudainement trouvé promu au rang de pays idéal, allié de personne, mais ami de tous, prêt à s’entremettre discrètement quand il le fallait, apte à représenter des états qui parfois ne se parlaient plus (l’Iran et les USA par exemple), apte aussi à accueillir les conférences les plus délicates, en un mot une Suisse indispensable dans un monde tripolaire assis sur un stock d’armes nucléaires vertigineux.
Rien ne sert de vilipender l’administration américaine actuelle: elle incarne, sous une forme vociférante, la tradition isolationniste américaine. Les modèles de 1945 sont condamnés et comme souvent, l’agonie d’abord lente et à peine perceptible, s’achèvera sur une dégringolade précipitée: on voit mal comment les deux grands ensembles supranationaux du vingtième siècle pourraient perdurer. Désertée par l’Amérique, l’ONU n’aurait plus que la Chine comme grande puissance soutenant un «multilatéralisme» à sa manière à elle, proposition suffisamment absurde pour qu’on n’ait pas besoin de la réfuter. L’Union européenne – une chimère supranationale depuis le traité de Lisbonne et même avant – craque de toutes parts et s’écaille lentement, tel un poisson avarié. Les apparatchiks arrogants et dominateurs de Bruxelles se croient encore tout puissants, mais leur pouvoir est rongé de l’intérieur. Ils sont promis au sort de leurs équivalents soviétiques: une lente décadence avant de passer à la trappe.
Que peut faire un petit pays dans un monde qui revient au régime de Westphalie? Retrouver sa stricte neutralité d’abord: ami de tous, mais allié de personne, toujours prêt à aider et à accueillir, mais dans la discrétion absolue: que la Suisse revienne à une diplomatie reniant jusqu’au mot «conférence de presse» ou «sommet».
Se garder des chimères multilatéralistes ensuite: n’avoir aucune ambition à l’ONU ou ailleurs, ne pas se faire le thuriféraire des zombies qui vont hanter le monde dans les temps qui viennent.
Se réarmer jusqu’aux dents enfin. Seule une défense militaire crédible, appuyée par la ferme volonté de rester si ce n’est indépendants – l’imbrication économique est et demeurera ce qu’elle est – mais en tout cas libres de toutes alliances, sauvera ce pays et s’il y faut une augmentation temporaire de TVA pour gonfler les budgets militaires, votons-la!
Il y a dans ce pays, toutes classes d’âge confondues, une évidente volonté de préservation, un désir manifeste de rester capables de décider pour soi-même, de ne pas dépendre de l’hypothétique bon vouloir de telle ou telle organisation supranationale, car pour reprendre la belle formule de Schiller: «Wir wollen frei sein wie die Väter waren.»
Il reste à savoir si nos gouvernants seront à la hauteur de la tâche. Disons courtoisement qu’en l’état, ils ne convainquent guère.
*Avocat, ancien conseiller national, Parti libéral démocrate (PLD/GE) de 1991 à 1995.
charles@poncet.law
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