Publié le: 4 avril 2025

C’est la loi de la jungle qui prédomine

Suisse – Les droits de douane et l’annonce de contre-mesures dominent l’actualité. Comment la Suisse, dont l’histoire en matière de droits de douane sur le commerce extérieur est notable, gère-t-elle cette situation?

Douane, douane, douane! Où que l’on regarde dans la presse internationale: les droits de douane et l’annonce de contre-mesures dominent l’actualité. On pensait pourtant que cette ère était révolue. La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou de l’organisation qui l’a précédée (Gatt) devait conduire à une libéralisation progressive du commerce mondial tout en offrant un cadre permettant de régler les litiges commerciaux par voie juridique. Mais aujourd’hui, les lois de la jungle reprennent le dessus: la force économique doit permettre d’imposer sa propre position.

Innovation: réduite à zéro

Sur le plan politique, les droits de douane sont souvent vantés comme contribuant à protéger l’industrie nationale contre les importations. Les droits de douane renchérissent les produits étrangers et les rendent moins attractifs que les produits nationaux. Les emplois locaux doivent être maintenus, voire récupérés. En outre, ils génèrent des recettes douanières qui sont les bienvenues en ces temps de restrictions budgétaires. Mais ce n’est pas tout. La pression concurrentielle diminue, car la concurrence étrangère n’est plus à craindre. Cela laisse de la place pour des hausses de prix, réduit le niveau de qualité et les efforts d’innovation. L’offre de biens devient plus chère, ce qui fait grimper l’inflation. Ce sont les consommateurs nationaux qui en font les frais. En outre, il faut s’attendre à des contre-mesures de la part des partenaires commerciaux, ce qui affaiblit l’industrie nationale.

Matières premières et douanes

Comment notre pays a-t-il géré et gère-t-il encore ce savoir-faire? L’histoire suisse des droits de douane sur le commerce extérieur est connue: alors que les droits de douane représentaient jusqu’aux trois quarts des recettes de la Confédération dans la deuxième moitié du 19e siècle, leur part a chuté à partir des années 1960, passant de 24% (1961) à environ 1,45% (2023). Cela s’explique par l’adhésion de la Suisse à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt, aujourd’hui OMC), la conclusion de l’accord de libre-échange avec l’UE (1972) et la conclusion de dizaines d’accords de libre-échange (notamment avec la Chine, Hong Kong et le Japon). Pour être juste, il faut dire que, parallèlement, la contribution au financement par d’autres impôts tels que l’impôt fédéral direct, la taxe sur la valeur ajoutée ou l’impôt anticipé a également augmenté.

Début 2024, la Suisse a supprimé tous les droits de douane sur les produits industriels. Et ce, sans pression extérieure. En effet, les chaînes de création de valeur sont devenues de plus en plus internationales dans le cadre de la mondialisation. Aujourd’hui, une multitude d’entreprises dans différents pays participent à la fabrication d’un produit. Les droits de douane renchérissent l’achat de matières premières et de produits semi-finis, réduisant ainsi la compétitivité des entreprises suisses sur les marchés mondiaux.

Droits de douane «consolidés»

La réduction des droits de douane permet d’économiser environ 600 millions de francs par année. Les droits de douane sur les importations agricoles, qui génèrent des recettes douanières d’environ 700 millions de francs et contribuent à l’«îlot de cherté suisse», sont en revanche exclus de la réduction des droits de douane. C’est pourquoi la part des droits de douane dans les recettes de la Confédération n’est pas tombée à zéro en 2024, mais s’élève encore à 0,81%.

Seuls les droits de douane «appliqués» sont mis à zéro, c’est-à-dire les droits de douane qui sont payés lors de l’importation de marchandises, qui doivent être effectivement payés. Les droits de douane «consolidés» restent inchangés. Ils représentent une obligation de droit international et indiquent le montant maximal des droits de douane que la Suisse peut prélever à l’importation.

Cette distinction permet à la Suisse de rester libre, de réintroduire à l’avenir des taxes à l’importation jusqu’au niveau des droits de douane consolidés. Un atout important dans les négociations d’accords de libre-échange, dont la conclusion seule permet au partenaire commercial de garantir un droit de douane nul vis-à-vis de la Suisse.

Patrick DĂĽmmler, usam

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