Publié le: 9 mai 2025

Dose d’irréalisme incompréhensible

Ordonnance sur le CO2 – Pourquoi le Conseil fédéral n’a-t-il pas su ou pas voulu bloquer ce projet? Les conséquences économiques nous feraient plonger dans un gouffre sans fond. Une approche top-down néfaste.

Il est loin, le temps où la voiture avait aussi son propre parti politique. Aujourd’hui, il y a deux nuances de vert. Les villes accordent des crédits de plusieurs millions pour le réaménagement de l’espace routier: et on ne sait bientôt plus ce qui est encore une route ou déjà un jardin devant la maison. Les voies de circulation disparaissent, les places de stationnement sont supprimées, des zones à 30 km/h sont créées ou carrément interdites au trafic de transit. Bref, toujours plus d’interdictions, de contrôles, de réductions de vitesse et moins d’espace de circulation.

L’espace routier à la question

La route et, avec elle, la branche automobile ne peut plus compter que sur un nombre restreint d’amis, les sympathies sont désormais à chercher à la loupe. Ainsi, le Conseil fédéral a décidé de rendre l’ordonnance révisée relative à la loi sur le CO2 immédiatement applicable –avec effet rétroactif au 1er janvier 2025. C’est-à-dire qu’elle s’applique également aux contrats déjà conclus et aux livraisons de véhicules déjà effectuées. On se frotte les yeux d’incrédulité, les décrets rétroactifs étant plutôt la spécialité des sympathisants de gauche. L’ordonnance est une déclaration de guerre à la branche automobile et menace des centaines de PME.

Ordonnance CO2: danger public

Ainsi, avec 93,6 g/km pour 2025, l’ordonnance fixe une nouvelle limite d’émission de CO2 pour les voitures neuves vendues en Suisse. Rétroactive au premier trimestre 2025, elle est plus basse que l’européenne et la dernière en Suisse (118 g/km). Mais elle est impossible à respecter. Les amendes infligées aux importateurs en cas de dépassement des valeurs limites pourraient atteindre des centaines de millions de francs dès cette année. Un péril pour de nombreuses entreprises et d’innombrables emplois.

Nombre de kilomètres parcourus

Les PME en dehors du commerce de véhicules seront également touchées: comme les véhicules destinés au transport de marchandises sont inclus dans l’application de la loi sur le CO2, mais que la demande et l’offre de camionnettes électriques sont faibles, cela entraînera une hausse massive du prix des véhicules. Cela pèse sur des centaines de milliers d’artisans, de transporteurs et de nombreux autres commerçants. La fixation et l’abaissement constant de la valeur limite est un instrument inefficace de la politique climatique. Car une bonne intention est souvent le contraire d’une bonne pensée: ainsi, une valeur limite respectée ne dit rien sur les émissions effectives de CO2. Car celles-ci ne dépendent pas seulement du nombre de g/km, mais aussi du nombre de kilomètres parcourus. Une petite voiture utilisée intensivement pour les trajets domicile-travail – qui émet moins que les 93,6 g/km – aura émis plus de CO2 à la fin de l’année qu’une voiture de sport de plus de 200 g/km qui n’est conduite que le dimanche. Le fait que la règlementation ne soutienne pas de manière équivalente toutes les activités réduisant les émissions de CO2, comme les carburants biogènes et synthétiques, est également préoccupant.

Pourquoi en faire plus que l’UE?

L’ordonnance est en outre un exemple du Swiss finish souvent dénoncé: la base est un acte juridique de l’UE qui est repris et renforcé sans nécessité. L’argument selon lequel la Suisse doit être un modèle ne tient pas la route. Car qui veut nous imiter lorsque des entreprises ferment et que des travailleurs se retrouvent dans la rue, pardon, dans la zone à 30 km/h?

Il est incompréhensible que le Conseil fédéral n’ait pas eu le courage de bloquer ce projet au vu des conséquences économiques désastreuses. Une réduction des émissions de CO2 est nécessaire, mais elle ne devrait pas par son irréalisme, entraîner la société et l’économie dans un gouffre sans fond. Des directives imposées d’en haut ne peuvent en aucun cas constituer la bonne approche.

Patrick DĂĽmmler, usam

Les plus consultés