La règlementation de la publicité des produits du tabac est un sujet à suivre de près, car elle risque de devenir un précédent pour d’autres produits: salés, sucrés, gras, etc. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-E) du Conseil des États a récemment débattu des divergences concernant la révision partielle de la loi sur les produits du tabac (23.049), visant à mettre en œuvre l’initiative populaire «Enfants et jeunes sans publicité pour le tabac».
Les décisions prises par la Commission méritent une analyse approfondie, d’autant plus que des tensions politiques et des influences externes, notamment de la part des milieux de la prévention, pèsent sur ce dossier. En effet, ce débat intervient dans un contexte où l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) se laisse influencer de manière inappropriée par des organisations comme l’Association suisse pour la prévention du tabagisme (AT). Des échanges de mails révélés par la «Weltwoche» montrent une collaboration très étroite entre l’OFSP et ces groupes, allant bien au-delà des consultations habituelles. Cette proximité soulève des questions sur l’indépendance des décisions politiques et la neutralité de l’administration.
Publicité dans la presse écrite:un moindre mal
La Commission a proposé, par 7 voix contre 5, de suivre la décision du Conseil national concernant la publicité dans la presse écrite. Elle autorise ainsi la publicité dans la partie intérieure des journaux majoritairement vendus par abonnement et dont le lectorat est composé d’au moins 98% d’adultes (art. 18, al. 1, let. a). Cette décision s’approche dangereusement d’une interdiction générale. Seul un seuil de 95% aurait permis de protéger les enfants et les jeunes tout en respectant la liberté des adultes de recevoir des informations commerciales. Mais une interdiction totale serait clairement disproportionnée et pénaliserait inutilement les médias et les annonceurs.
Promotion des cigares et cigarillos: une clarification bienvenue
Concernant la promotion des cigares et cigarillos par le biais de dégustations et d’actions promotionnelles, la Commission a également choisi de suivre le Conseil national. Par 7 voix contre 5 et une abstention, elle a précisé que ces activités ne sont autorisées que si elles sont exclusivement destinées aux adultes (art. 19, al. 2, let. b). Cette clarification est essentielle pour éviter toute ambiguïté et garantir que les mineurs ne soient pas exposés à des incitations à consommer du tabac. Cette position montre son pragmatisme et son souci de protection des jeunes. Il est cependant incompréhensible que cette même approche ne soit pas suivie pour tous les produits du tabac.
Interdiction de la vente mobile: une aberration
En revanche, la Commission maintient à juste titre une divergence en refusant de restreindre la promotion effectuée par du personnel de vente mobile (art. 19, al. 1, let. c). L’initiative populaire vise la publicité, pas la vente. Une interdiction, même sous condition, d’un canal de vente n’a ainsi clairement pas sa place ici. La Commission veut ainsi éviter de créer un dangereux précédent pour des restrictions disproportionnées, également pour d’autres produits de consommation courante.
Les décisions de la Commission montrent ainsi une volonté de pragmatisme, sans pour autant renoncer au respect des principes fondamentaux de notre système démocratique. Des principes fondamentaux qui, au vu du suractivisme et du manque de neutralité de l’OFSP, sont fortement malmenés. Il est urgent d’y remédier et de retrouver un équilibre entre santé publique et libertés économiques.
Mikael Huber, usam