Publié le: 9 mai 2025

Un lien dynamique – mais pas sans tensions

Suisse-Chine – Avec ses droits de douane, Washington a-t-il poussé la Suisse dans les bras grands ouverts de Pékin? La politique économique extérieure suisse cherche des réponses à ses questions.

Un droit de douane de 31%: la Suisse n’a pas été la seule à se frotter les yeux, incrédule, face au calcul – disons créatif – du président américain. Certes, les droits de douane ont été temporairement suspendus, mais ils n’ont pas disparu. Les droits de douane de 10% sur les exportations suisses vers les États-Unis sont déjà une réalité, dont les conséquences se feront bientôt sentir sur le plan économique. Alors qu’à Berne, on s’imaginait autrefois avoir de bonnes relations avec les États-Unis, voire des relations privilégiées, on commence à se rendre compte que cela ne vaut pas pour l’administration Trump.

L’appel à se tourner vers la Chine se fait donc de plus en plus pressant. Car après l’UE et les États-Unis, les relations commerciales avec la Chine comptent parmi les trois plus importantes de notre pays. Ces dernières années, la Chine a absorbé environ 6% de toutes les exportations suisses, en particulier les produits pharmaceutiques, les machines, les montres et les instruments de précision. Depuis 1988, elles ont été multipliées par 27. Une augmentation fabuleuse, même en comparaison avec les exportations mondiales de la Suisse, qui ont tout de même quadruplé (voir graphique). À l’inverse, la Chine a fourni à la Suisse une large palette de biens, de l’électronique aux produits chimiques en passant par les textiles. Au total, la Suisse a acheté près de 7% de toutes ses importations à l’Empire du Milieu.

Monstre bureaucratique

Un pilier central des relations est l’accord de libre-échange, qui est en vigueur depuis mi-2014 et qui est le premier du genre entre un État européen continental et la Chine. Il réduit les droits de douane sur de nombreux produits et facilite l’accès au marché, notamment pour les PME. Depuis lors, non seulement les volumes commerciaux se sont multipliés, mais les investissements des entreprises chinoises en Suisse – notamment dans le domaine technologique – ont également augmenté.

Mais ces échanges économiques fructueux font l’objet d’une surveillance critique. Ainsi, les investissements de la Chine, même s’ils ne représentent qu’à peine 2% de l’ensemble des investissements directs étrangers en Suisse, éveillent les soupçons politiques. Avec la Loi fédérale sur l’examen des investissements étrangers, une majorité du Parlement tente de s’y opposer. Ce monstre bureaucratique insensé est encore en cours de délibération, l’usam continuera à se battre contre lui.

Un équilibre à respecter

En effet, les conséquences de cette loi devraient impacter de nombreuses PME. De plus, nombre de politiciens et d’organisations de la société civile exigent que les accords commerciaux prennent également en compte les normes sociales et écologiques. Le débat sur une «politique économique extérieure basée sur les valeurs» a gagné en importance en Suisse. Cela se heurte à l’extension prévue de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine. Les échanges avec la Chine, qui se sont récemment intensifiés avec la visite du conseiller fédéral Cassis à Pékin, devraient permettre d’accélérer les négociations. Il est toutefois loin d’être certain que l’on parvienne à aborder des questions gênantes sur la situation des droits de l’homme, la durabilité ou même les ambitions géostratégiques de la Chine.

À cela s’ajoutent les plaintes d’entreprises suisses qui se voient exposées à l’arbitraire de l’administration chinoise. On parle parfois d’une discrimination délibérée des entreprises étrangères, par exemple dans le cadre des appels d’offres publics ou de l’application juridique du droit d’auteur.

Dans l’ensemble, on constate que les relations entre la Suisse et la Chine sont complexes, dynamiques – et non sans tensions. À l’avenir, l’art consistera à trouver un équilibre entre les intérêts économiques et la politique économique extérieure exigée, basée sur des valeurs. Il est d’ores et déjà prévisible que le souverain décidera si l’accord de libre-échange actualisé y parviendra ou non. Patrick Dümmler, usam

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