Publié le: 9 mai 2025

Victoire contre l’interdiction de la pub à Laténa (NE)

Le 1er janvier 2025, la nouvelle commune de Laténa (NE) est officiellement entrée en fonction. Actuellement, la commune fusionnée est dans une phase de consolidation où elle harmonise les règlements des quatre défuntes communes. Le règlement de police était à l’ordre du jour de la séance du 20 mars dernier. Le Conseil communal de majorité rose-verte est allé au-delà de l’harmonisation des règlements, il a voulu être «novateur» et «précurseur» en proposant une interdiction d’affichage commercial dans le périmètre de Laténa. Le débat a eu lieu en pleine campagne des élections cantonales où l’affichage sauvage de tous les partis politiques fleurissait partout aux quatre coins de la commune.

Le Conseil communal a fait une proposition «radicale» pour enrayer la surconsommation et l’endettement qu’il dit stimulés par la publicité. La volonté de privilégier la qualité des espaces publics, en favorisant la végétation ou l’installation de bancs publics, a également mû l’Exécutif laténien. Dans le nouveau règlement de police, à l’article 34, le Conseil communal proposait trois alinéas, sujets à un vif débat. Dans le premier (al. 1), la publicité à des fins commerciales, quel que soit le procédé de réclame utilisé, est interdite sur le domaine public communal et sur le domaine privé visible depuis le domaine public. Dans le second (al. 2), l’interdiction ne s’applique pas à la publicité pour compte propre qui présente un rapport de lieu et de connexité entre son emplacement et les entreprises, les produits, les prestations de services ou les manifestations pour lesquels elle fait de la réclame. Et dans le troisième (al. 3), l’affichage à visée culturelle, associative, sportive, éducative, artistique et politique est autorisé.

En clair, les trois alinéas de l’article 34 voulaient dire: (I) Que la culture, l’associatif, le sport, l’éducation, l’art et la politique, c’est bien! Que l’économie, ce n’est pas bien!!! (II) Que sur le domaine public, pour les élections, les votations, les manifestations locales ou les spectacles – faites ce que vous voulez! Là où il n’y a pas de gêne, il n’y a pas de plaisir, peu importe les riverains, les passants, les automobilistes! (III) Que tout propriétaire privé mettant en location de l’espace pour de l’affichage commercial visible depuis les routes et chemins communaux sera en infraction! (IV) Que des associations sportives comme les clubs de football ou de tennis devront ôter les panneaux publicitaires aux abords ou autour de leurs places de sports.

L’application de l’article 34 ainsi formulé aurait assurément débouché sur des litiges. Suite à un débat animé, le législatif de Laténa a accepté l’amendement du PLR qui demandait de supprimer les trois alinéas précités du Conseil communal par 20 voix pour, 17 voix contre et 4 abstentions. Ouf! Mais, l’interdiction de l’affichage publicitaire est «tendance». Des interdictions d’affichage commercial sont en cours à Vernier, à Lancy et au Mont-sur-Lausanne. Les citoyens de la ville de Genève ont refusé l’initiative «Zéro pub» en 2023. En 2024, le Législatif lausannois et en 2025, celui de la ville de Zurich, acceptaient un postulat et une motion qui allaient tous deux dans le sens de l’interdiction de la publicité commerciale par affichage. Cette pressante envie de dégainer contre l’affichage commercial appelle trois réflexions.

Primo. Sur www.pas-un-bebe.ch, l’usam, GastroSuisse, Swiss Retail et le Forum suisse des consommateurs posent deux questions fondamentales. «Voulons-nous que l’État dicte notre façon de vivre, nous dise ce que nous devons mettre sur la table ou comment nous déplacer? Les technocrates de l’administration et les ONG doivent-ils décider à notre place de ce qui est bon pour nous?» Seuls ceux qui proposent et imposent les interdictions répondront à ces questions par l’affirmative. Mais les autres?

Secundo. Actuellement, des élus militants sont en croisade contre l’affichage commercial, minimisant le niveau des recettes engrangées et oubliant que celles-là contribuent aussi au financement de généreuses prestations des municipalités. Quels seront les prochains canaux publicitaires qu’ils chercheront à assécher? La télé, les radios locales, les quotidiens cantonaux, les hebdomadaires régionaux… des médias dont ils connaissent les propriétaires au contraire des médias sociaux qui permettent un ciblage publicitaire chirurgical et intrusif. Qu’on le veuille ou non, la presse si nécessaire à notre démocratie profite aussi des recettes publicitaires générées par les marques et les entreprises que pourchassent les chantres de l’interdiction.

Tertio. Sans sponsoring, impossible d’imaginer la tenue de grands événements culturels et sportifs: des marques de bières, des compagnies d’assurances, des entreprises paraétatiques, des distributeurs, des banques, la loterie ou des casinos soutiennent leurs organisateurs. Les censeurs se rebellent-ils contre la pose d’affiches mettant en évidence les logos de partenaires dont ils ne veulent plus les affiches individuelles sur leur espace public? Par principe, boycottent-ils alors les festivals en plein air, les expos, les concerts ou les rendez-vous sportifs sponsorisés? C’est sûr, pour répondre à ces interrogations, les censeurs recourent à la notion de la conscience élastique…

Revenons à la raison! L’économie de marché dépend de la publicité qui permet aux PME, aux enseignes et aux grandes entreprises de se démarquer, de se faire connaître en mettant en avant leurs produits ou services de manière stratégique. Plusieurs canaux publicitaires, dont l’affichage public, sont à disposition des annonceurs pour composer leur mix de communication. Ces canaux attirent aussi la culture, les associations, les clubs sportifs, les institutions et la politique. Il importe que tous ces émetteurs continuent à cohabiter ensemble, quel que soit le média utilisé.

* Secrétaire général UNAM, sous-directeur CNCI

et conseiller général (PLR/NE)

charles.constantin@cnci.ch

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