Publié le: 13 juin 2025

La face obscure de la qualité suisse

Matériel de guerre – Le Swiss Made jouit d’une excellente réputation, synonyme de qualité, de précision et de fiabilité. Mais dans le domaine des équipements militaires, ce label perd de son éclat.

Sur le marché mondial des achats militaires, actuellement en plein essor, les systèmes d’armement portant le label «Swiss Made» sont plus prisés que les produits fabriqués en Suisse. C’est dû la législation très restrictive en matière d’exportation et d’utilisation des équipements militaires fabriqués en Suisse. C’est là, du moins en partie, le résultat des revendications extrêmes de la gauche et de la droite en faveur d’une interdiction des exportations d’armes et du maintien d’une neutralité absolue. Cela a conduit, lors du Concours Eurovision de la chanson qui vient de se dérouler à Bâle, à affirmer dans le spectacle «Made in Switzerland» que même «l’industrie neutre de l’armement» était une invention de la Suisse.

Exportation et dépendances

Le fait est que la demande de l’armée suisse pour n’importe quel produit militaire ne serait pas suffisamment élevée pour justifier une production nationale. Le coût moyen par unité de produit serait trop élevé et les investissements (développement technologique), insuffisants. Notre armée serait encore plus coûteuse et les systèmes d’armes seraient technologiquement inférieurs s’il n’y avait pas la possibilité d’exporter et donc de réaliser des économies d’échelle. Même la production d’armes, bien que fortement politisée, ne peut échapper à la logique industrielle et économique. Le maintien d’une capacité industrielle et militaire minimale dans le pays dépend de manière décisive des possibilités d’exportation.

Cette dépendance est revenue sur le devant de la scène lors de l’invasion russe en Ukraine le 20 février 2022. Le débat parlementaire sur le régime d’exportation de la Suisse a repris de plus belle.

Pas vraiment un bon timing

Il convient de mentionner que ce même Parlement avait encore largement cédé aux exigences de la gauche et des Verts en 2021 – sous la pression d’une initiative populaire finalement retirée – et avait fortement restreint les exportations par voie législative, ou plutôt imposé des conditions presque inacceptables pour les pays acheteurs.

La production d’armes ne peut pas échapper à la logique industrielle et économique.

La loi révisée sur le matériel de guerre est entrée en vigueur le 1er mai 2022, soit 69 jours après le début de l’agression russe. Ce n’était vraiment pas le moment idéal!

Entre-temps, les choses ont évolué: en 2024, deux consultations ont été menées avec différentes propositions visant à assouplir la loi sur le matériel de guerre, auxquelles l’usam a également participé. Un message (25.024) sera désormais soumis à la session d’été du Conseil des États. Il se base sur la contre-proposition indirecte du Conseil fédéral à l’initiative populaire mentionnée, que le Parlement a toutefois rejetée en 2021. La modification actuelle de la loi sur le matériel de guerre prévoit que le Conseil fédéral soit habilité, en cas de circonstances exceptionnelles, à déroger aux critères d’autorisation pour les transactions avec l’étranger afin de préserver les intérêts du pays en matière de politique étrangère ou de sécurité. Les critères d’octroi d’une autorisation d’exportation doivent ainsi être assouplis, en particulier pour les pays impliqués dans des conflits armés, mais qui ne sont pas directement considérés comme des parties belligérantes. Les principes de politique étrangère et les engagements internationaux, y compris dans le domaine de la neutralité, restent prioritaires.

Une marge de manœuvre

Cette compétence dite «dérogatoire» offre au Conseil fédéral une marge de manœuvre lui permettant de réagir plus rapidement aux réalités mondiales en constante évolution. La révision de la loi sur le matériel de guerre est bien plus qu’une simple intervention technocratique dans une loi existante. Elle oblige la Suisse à s’interroger fondamentalement sur le rôle qu’elle souhaite jouer sur la scène internationale et sur l’importance de la production nationale d’armes. Le label «Swiss Made» ne doit pas devenir un handicap.

Patrick DĂĽmmler, usam

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