Publié le: 13 juin 2025

SSR: des PME doublement imposées

Impôt sur les médias – La SSR a rallié les éditeurs à sa cause pour faire échouer l’initiative «200 francs, ça suffit!». Mais une chose reste claire: la double imposition des entreprises dans le domaine des médias demeure anticonstitutionnelle. Il faut que cela cesse.

«Les économies de la SSR sont une illusion», titrait CH-Media mi-avril. Certes, la TV publique multiplie les programmes d’économies, mais en même temps, les dépenses et les effectifs augmentent. Pas d’accord, la directrice générale de la SSR, Susanne Wille a répliqué que l’image véhiculée n’était pas correcte. La SSR a un mandat clair en matière d’économies. «D’ici 2029, elle doit économiser environ 270 millions de francs.» La question reste posée: la critique de CH-Media n’était-elle que le dernier sursaut du secteur privé?

Cela peut sembler exagéré, mais des choses discutables sur le plan médiatique et démocratique sont en cours de développement. En effet, la SSR a récemment conclu une sorte de trêve avec l’Association suisse des médias (ASM).

Ou faudrait-il plutôt dire qu’elle a mis les éditeurs dans sa poche? En bref, l’accord prévoit que la SSR limitera à l’avenir les articles en ligne à 2400 caractères, réduisant ainsi une offre qui a toujours été assimilable à du braconnage. Qu’elle fera preuve de plus de retenue dans la retransmission d’événements sportifs et l’acquisition de droits de retransmission. Et qu’elle investira une grande partie de ses ressources de marketing en ligne dans des médias privés suisses.

En contrepartie, les éditeurs – à l’exception de Tamedia – s’opposeront à l’initiative visant à réduire de moitié les redevances SSR («200 francs, ça suffit!») et contribuent ainsi de facto à la faire échouer. La SSR pour sa part leur fournit en outre quotidiennement du matériel brut utilisable sans logos.

Le monde à l’envers

Tout cela dans le but «de renforcer la diversité des médias», comme l’écrivent la SSR et les éditeurs dans un communiqué commun. Quelle déformation des faits! Quelles seront les conséquences de cet accord? Il conduira les journalistes employés par les éditeurs privés à écrire sur la SSR avec une censure mentale. Sans parler d’une couverture médiatique de l’initiative contre la SSR qui risque d’être peu impartiale pendant la campagne.

Quels contenus les éditeurs privés reprendront-ils? Environ 70% des journalistes de la SSR disent qu’ils votent à gauche. À l’occasion du 50e anniversaire de «Kassensturz» (fameuse émission consacrée à la défense des consommateurs, ndlr), la conseillère nationale socialiste Jacqueline Badran et la présentatrice ont partagé de beaux échanges. Ce programme aura-t-il désormais son équivalent dans la presse écrite? La «Rundschau», avec ses contenus à tendance gauchisante, sera-t-elle bientôt diffusée à 20 heures sur les TV régionales? Les questions se multiplient. Tamedia fait bande à part en ne participant pas à cet accord. Comme l’écrit l’éditeur Pietro Supino dans un édito: «Les professionnels des médias ne doivent pas devenir des chasseurs de subventions.»

Il est clair depuis longtemps que cette double imposition des médias est anticonstitutionnelle.

Ciel assombri pour les PME

Cet accord met surtout en lumière les éditeurs privés. Ceux-ci ne cessent de valoriser le journalisme, le rôle décisif de la liberté et de la diversité de la presse dans la démocratie. Et se vantent sans cesse d’être le quatrième pouvoir. Mais dès que l’occasion se présente, ils jettent par-dessus bord leurs beaux principes et se pointent la bouche en cœur pour obtenir eux aussi quelques gouttes tombées des mamelles de la toute-puissante SSR.

Cela contredit fortement le courage dont font preuve de nombreux journalistes lorsqu’ils écrivent sans risque, dans l’air du temps, contre la «méchante» économie.

Pour les PME et leurs patrons, cet accord est une défaite: ils seront doublement pénalisés par la taxe SSR. Ils devront payer en tant que particuliers et en tant qu’entreprises. Ils financeront donc aussi deux fois le développement des contenus SSR à tendance rouge-verte dans la presse privée. Un vrai scandale!

Il est pourtant clair depuis longtemps que cette double imposition des médias est anticonstitutionnelle. On ne peut pas regarder la télévision ou écouter la radio à la fois à la maison et au travail. De plus, le Tribunal fédéral a jugé que le barème dégressif actuellement en vigueur n’était pas conforme à la Constitution, car il violait le principe d’égalité devant la loi. Les petites entreprises sont désavantagées. Cette imposition est de manière absurde calculée sur la base du chiffre d’affaires. Le Conseil fédéral souhaite certes relever le seuil du chiffre d’affaires dans le cadre d’une contre-proposition à l’initiative SSR. Mais cela ne sert à rien pour de nombreuses PME dont le chiffre d’affaires est élevé: concessionnaires automobiles, bijoutiers, entreprises qui commercialisent des matières premières comme le mazout, le diesel et l’essence.

Bien que tout cela, y compris les inconstitutionnalités, soit connu depuis belle lurette, la commission compétente du Conseil des États a manqué plusieurs fois l’occasion d’approuver une contre-proposition raisonnable à l’initiative. Certains politiciens font penser aux éditeurs: le dimanche, ils vouent un culte à la Constitution et l’importance d’alléger la charge des PME. Le lundi ou lors du vote au Parlement, ils font le contraire. Eh bien, si aucune contre-proposition satisfaisante n’est présentée, les électeurs pourront au moins, en dernier recours, tirer le frein d’urgence en votant oui à l’initiative SSR et mettre ainsi fin à ce théâtre politique. L’accord entre les éditeurs privés et la SSR doit être considéré comme un avertissement sur l’évolution possible de la diversité de la presse. En tout cas, pas pour le mieux.

Rolf Hug

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