Publié le: 13 juin 2025

«Un succès pour la branche!»

MARTIN VON MOOS – L’hôtelier de Rüschlikon et président d’Hotellerie­Suisse se réjouit de la décision du surveillant des prix d’appeler le portail de réservation Booking.com à baisser ses prix. L’association s’efforce quant à elle d’accroître l’attractivité du secteur et mise sur les «accords bilatéraux III».

JAM: Le surveillant des prix a récemment jugé abusives les commissions élevées pratiquées par Booking.com. Qu’implique cette décision pour le secteur suisse de l’hébergement?

Martin von Moos: Depuis des années, nous critiquons les pratiques parfois abusives que les plateformes de réservation internationales comme Booking.com appliquent aux hôtels. Cela pèse non seulement sur les marges des établissements, mais limite aussi leur autonomie entrepreneuriale. La décision du surveillant des prix valide clairement notre point de vue et constitue un succès pour notre branche.

Les partenaires sociaux du secteur de l’hôtellerie-restauration ont convenu de renégocier la convention collective nationale de travail (CCNT). Quelles sont les revendications d’HotellerieSuisse dans le cadre de ces négociations?

HotellerieSuisse ne communique pas ses positions lors de négociations. La nouvelle convention collective nationale doit encore être négociée. Elle devra tenir compte de manière appropriée des besoins de la branche tout en créant des conditions-cadres aussi optimales que possible pour l’aménagement des rapports de travail. L’association souhaite continuer à soutenir activement la promotion de la formation et de la formation continue, car celles-ci sont la clé d’une branche prospère et pérenne.

Il faut tenir compte du fait que six partenaires sociaux sont assis à la table des négociations, chacun avec ses propres idées et préoccupations. Le résultat final sera donc le fruit d’un consensus et de compromis. Je suis toutefois convaincu que c’est la bonne voie à suivre pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et rendre notre secteur plus attractif pour les employés.

Les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur les salaires minimaux pour 2026/27. En quoi consiste cet accord?

Afin de se concentrer sur les renégociations de la CCNT, les délégations de négociation des partenaires sociaux sont déjà parvenues à un accord concernant les salaires minimaux pour les années 2026 et 2027. Ceux-ci devraient être augmentés en fonction de l’inflation annuelle moyenne. La compensation du renchérissement est déterminée par les prévisions du SECO pour l’inflation annuelle moyenne en septembre.

Les salaires minimaux sont actuellement à l’ordre du jour au Parlement. Une large alliance économique «pour le renforcement du partenariat social», dont font partie votre association et l’usam, demande que les salaires minimaux cantonaux ne puissent plus prendre le pas sur les salaires minimaux négociés par les partenaires sociaux dans le cadre des CCT déclarées de force obligatoire. Pourquoi est-ce important?

Les partenaires sociaux fixent ensemble les salaires minimaux dans le cadre de négociations, en concertation avec les représentants des salariés. Ils connaissent parfaitement les réalités et les défis du secteur et savent ce qui est économiquement viable. Dans notre branche, les employés bénéficient par exemple d’une offre de formation initiale et continue très développée, souvent gratuite et subventionnée. Les CCT déclarées de force obligatoire favorisent le principe «à travail égal, salaire égal au même endroit» et empêchent efficacement le dumping salarial. Elles offrent une protection complète à tous les employés de la branche, y compris aux travailleurs détachés auxquels les salaires minimaux cantonaux ne s’appliquent pas. En revanche, les salaires minimaux cantonaux sapent et mettent en péril le partenariat social qui a fait ses preuves dans de nombreux secteurs et, en fin de compte, nuisent également aux travailleurs.

Quelles conséquences à long terme faut-il attendre si les salaires minimaux cantonaux, voire locaux, sapent de plus en plus les accords entre partenaires sociaux?

Dans un secteur à forte intensité de main-d’œuvre comme celui de l’hébergement, où les coûts salariaux représentent plus de 50% des coûts totaux, les partenaires sociaux doivent avoir le dernier mot. Si les accords négociés sont régulièrement annulés par des interventions de l’État, l’acceptation des CCT dans les entreprises concernées en pâtit. À long terme, cela peut conduire à la fin des CCT, avec des conséquences graves pour la place économique suisse.

Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec les syndicats, mais d’établir des partenariats stables qui tiennent compte des intérêts des deux parties dans un cadre équilibré. C’est précisément ce qui fait la force du partenariat social. Et c’est cela qu’il faut protéger et non saper.

Les accords négociés entre la Suisse et l’UE seront bientôt soumis à consultation. Quelles sont vos attentes?

Nous constatons actuellement que la Suisse a su défendre efficacement ses intérêts sur des points importants lors des négociations. Nous attendons maintenant avec impatience la mise en œuvre concrète des accords au niveau national. Il est possible que nous émettions des réserves sur certaines règlementations, voire que nous les rejetions. Nous attendons de la Confédération et du Parlement qu’ils fassent preuve de discernement dans la mise en œuvre les accords bilatéraux III. Trop d’intérêts particuliers pourraient compromettre l’ensemble du paquet.

Selon les informations disponibles actuellement, quelle évaluation faites-vous de ces accords?

Pour HotellerieSuisse, l’ensemble du paquet est satisfaisant. Nous soutenons fondamentalement les accords bilatéraux III. Il est essentiel pour la Suisse, et en particulier pour notre branche, que les accords bilatéraux avec l’UE soient maintenus et puissent être développés. La libre circulation des personnes est un facteur décisif pour le secteur de l’hébergement: nous exploitons systématiquement le potentiel de main-d’œuvre indigène, mais nous dépendons néanmoins de travailleurs qualifiés étrangers. Sans les accords bilatéraux III, les relations avec l’UE ne seraient plus réglementées de manière fiable. Or, l’accès garanti au marché intérieur européen est un facteur de réussite essentiel pour l’économie suisse, qu’il convient de préserver.

Tout le monde parle de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Quelles solutions votre association propose-t-elle pour y remédier?

L’association propose différentes initiatives et solutions visant à renforcer l’attractivité du secteur. Avec la campagne sur les réseaux sociaux #lovetohost, lancée en août 2024, nous nous sommes fixé pour objectif de montrer au grand public les aspects positifs du secteur. Nous avons également testé le projet « TOP-Ausbildungsbetrieb » (meilleure entreprise formatrice), déjà connu dans d’autres secteurs, avec notre association régionale des Grisons et nos collègues de Gastro Graubünden, avant de l’étendre à toute la Suisse. Cela permet d’investir davantage dans la formation des formateurs en entreprise. La nouvelle offre de HotellerieSuisse pour l’accompagnement des entreprises formatrices, qui apporte un soutien concret dans la pratique grâce à des visites régulières dans l’entreprise, est également adaptée aux formateurs professionnels. Avec l’association régionale Association Romande des Hôteliers ARH, nous avons réalisé le projet «Staffdeals» début 2022. Nous voulons ainsi permettre à nos entreprises d’offrir des avantages sociaux supplémentaires à leurs collaborateurs. En outre, metiershotelresto.ch, une initiative de HotellerieSuisse et GastroSuisse, a fait l’objet d’une nouvelle identité visuelle l’année dernière afin d’informer les jeunes, les parents,les enseignants et autres personnes intéressées sur les formations initiales dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

Les mesures liées à la pandémie ont impacté durement les habitudes de vacances. Comment le tourisme suisse et le secteur de l’hébergement suisse ont-ils évolué depuis lors?

La pandémie a sans aucun doute marqué un tournant pour le tourisme suisse. Elle a aussi profondément modifié les habitudes de voyage: de nombreux Suisses ont passé leurs vacances dans leur pays. Cela a aidé le secteur à court terme. Depuis, le tourisme a connu une reprise réjouissante: le nombre de visiteurs a vite augmenté, au plan national et à l’international. Mais la pénurie de main-d’œuvre s’est aggravée. De nombreuses entreprises ont investi, repensé leurs modèles commerciaux et se sont organisées. Les défis comme la pénurie et le tourisme durable sont là. Notre secteur a démontré sa résilience et sa capacité d’adaptation.

Début mai, le Conseil national a décidé de prolonger le taux réduit de TVA de 3,8% pour les services d’hébergement. Dans quelle mesure cela aide-t-il face à la concurrence internationale?

En tant que secteur d’exportation, le tourisme en Suisse ne profite pas, contrairement à d’autres secteurs, de son caractère exportateur, car les prestations fournies sont produites et consommées sur le territoire national. Plus de 50% de toutes les nuitées en Suisse sont générées par des clients étrangers. Le taux réduit de TVA pour les prestations d’hébergement est essentiel pour alléger les coûts et maintenir la compétitivité des prix de l’hébergement par rapport aux pays voisins et à la concurrence internationale.

Interview: Gerhard Enggist

www.hotelleriesuisse.ch

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