Publié le: 13 juin 2025

«Une fuite en avant irresponsable!»

SIMON SCHNYDER – «La dérive politico-financière prend de l’ampleur», déclare le responsable Politique sociale et de la santé à l’usam. Tous les projets en cours pour assainir et développer l’État social coûtent au moins 16 milliards de francs. «Pour l’AVS, il faut maintenant prendre des mesures structurelles.»

Journal des arts et métiers: Lors de la session d’été, le Conseil des États se prononcera sur le financement de la 13e rente AVS. Ses partisans, les syndicats, le PS et les Verts, ont toujours affirmé pendant la campagne que l’on pouvait facilement se l’offrir. Pourquoi le financement semble-t-il soudain si urgent?

Simon Schnyder: Pendant la campagne, les initiants ont effectivement prétendu que la 13e rente serait «facile à financer» et que l’AVS était «en bonne santé». Aujourd’hui, ils se ruent pour trouver des milliards et boucher les trous. Cela montre à quel point tout cela était trompeur. En réalité, les déficits de l’AVS étaient déjà programmés à moyen et long terme en raison de l’évolution démographique. Et maintenant, la 13e rente aggrave considérablement la situation. La gauche trouve bien sûr l’augmentation des cotisations salariales et des impôts à son goût, car cela augmente encore la redistribution.

Plusieurs variantes sont en jeu pour financer la 13e rente: Ă  quoi ressemblent ces propositions?

Le Conseil fédéral veut augmenter la TVA de 0,7 point de pourcentage. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) veut simultanément préfinancer l’initiative du Centre qui vise à supprimer le plafonnement des rentes AVS pour les couples mariés. Mais elle veut le faire sans toucher aux avantages dont bénéficient les couples mariés, et qui sont structurellement liés au plafonnement des rentes de couple Il s’agit donc, après la 13e rente, d’une nouvelle extension considérable de l’AVS, qui profitera également aux couples qui n’en ont pas besoin.

La 13e rente et l’initiative du Centre, qui n’a pas encore été soumise aux urnes, entraîneraient un besoin financier cumulé de plus de neuf milliards de francs par an. Et ce, en plus du déséquilibre dans lequel l’AVS se trouve de toute manière en raison de l’évolution démographique. Une telle extension est tout simplement irresponsable. Pour financer les deux, la commission propose notamment d’augmenter les cotisations salariales jusqu’à 0,8 point de pourcentage au total. Et pour le reste, d’augmenter la TVA d’un point.

Pour atténuer les effets de l’augmentation des cotisations salariales, la CSSS-E veut réduire le taux de cotisation à l’assurance chômage (AC) de 0,2 point. Est-ce une bonne solution?

Non. C’est un tour de passe-passe comptable. La commission joue un jeu dangereux. L’AC pourrait être mise sous pression financièrement plus rapidement que nous ne le pensons. Les perspectives conjoncturelles se détériorent rapidement, en particulier sous l’effet des tensions croissantes dans le commerce mondial, alimentées par la hausse des droits de douane. C’est pourquoi le Conseil fédéral a récemment décidé de prolonger à nouveau la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) de 12 à 18 mois. Face à cette situation initiale, de telles manœuvres tactiques de la CSSS-E sont déplacées. D’autant plus que l’AVS et l’AC ont des tâches et des objectifs totalement différents. Les deux systèmes doivent être stables indépendamment l’un de l’autre.

L’Union suisse des arts et métiers demande de renoncer en particulier à une augmentation des cotisations salariales. Pourquoi?

Parce qu’une augmentation des cotisations salariales renchérit le coût du travail et affaiblit donc l’emploi. Les PME devront y réfléchir à deux fois avant d’engager de nouveaux collaborateurs. Des cotisations salariales plus élevées pèsent directement sur la marge bénéficiaire des PME,en particulier dans l’artisanat. Contrairement aux grandes entreprises, les petites structures ne peuvent pas facilement absorber ces coûts et les répercuter sur les prix.

Peut-on chiffrer l’impact d’une augmentation des cotisations salariales sur une PME employant dix personnes par an?

Prenons l’exemple d’une menuiserie avec un chiffre d’affaires annuel de 1,5 million de francs, une masse salariale brute de 750’000 et un bénéfice net de 90’000 francs. Une augmentation des cotisations salariales d’un point de pourcentage fait baisser le bénéfice net de plus de 8%. Cet argent manquera alors pour des investissements importants à long terme et pour des réserves en cas de mauvais temps, ou pour développer l’entreprise, pour investir dans la formation. Même une petite augmentation des cotisations salariales devient une charge importante pour les entreprises, en particulier lorsque les salaires représentent une part importante du chiffre d’affaires, ce qui est typique pour les PME des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre.

Et que pensez-vous d’une augmentation de la TVA?

Il faut également l’éviter. Mais pour préserver l’emploi et la compétitivité des PME, et plus généralement la création de valeur, son augmentation modérée est moins dommageable économiquement. Ce serait un moindre mal.

La TVA est un impôt sur la consommation et non sur la production: elle a peu d’effet direct sur les coûts de production ou les décisions d’embauche. Elle touche surtout moins l’importante économie d’exportation, car les exportations sont exonérées de la TVA. De plus, elle est plus neutre: l’impôt est réparti sur l’ensemble de la consommation, y compris la consommation des ménages et des touristes. Elle est plus juste d’un point de vue intergénérationnel, car tout le monde paie, y compris les retraités.

Cependant, une augmentation de la TVA est également douloureuse: elle peut freiner la demande intérieure, réduire les marges bénéficiaires dans certains secteurs et nuire à la compétitivité du tourisme, par exemple. La restauration, dont les marges sont faibles, en souffrira également.

«les initiants ont prétendu que la 13e rente serait ‹facile à financer› et que l’AVS était ‹en bonne santé›. Aujourd’hui, ils se ruent pour trouver des milliards et boucher les trous.»

La Confédération doit réduire ses dépenses et diminuer sa contribution à l’AVS dans le cadre du paquet d’allègement budgétaire. Qu’en pensez-vous?

Rien de bon. Cette mesure est une augmentation d’impôts déguisée en allègement budgétaire. Car la conséquence – pour ainsi dire mécanique – sera une augmentation des cotisations salariales et/ou de la TVA. Le budget est donc faussement allégé au détriment de la population active et de l’économie. Les dépenses pour l’AVS sont prescrites par la loi et ne peuvent pas comme dans d’autres domaines être simplement réduites.

Et pour rappel, l’augmentation de la part de la Confédération à 20,2% des dépenses de l’AVS, ainsi qu’une augmentation des cotisations salariales de 0,3 point, a été voulue ainsi par le peuple lors de l’acceptation dans les urnes du projet de réforme fiscale et de financement de l’AVS (projet RFFA) en 2019.

Pourquoi le financement de la 13e rente ne devrait-il pas être effectué séparément, mais faire partie de la réforme fondamentale de l’AVS dont le Conseil fédéral a récemment annoncé l’orientation?

L’AVS doit être considérée dans son ensemble. Son assainissement doit être coordonné et s’inscrire dans une vision globale. Il serait méthodologiquement incorrect de financer d’abord la 13e rente avant de sécuriser de manière durable les 12 mois de rente «restants».

Qu’attendez-vous au fond de cette réforme de l’AVS?

En premier lieu, pour maîtriser ses dépenses, l’AVS doit être assainie par des mesures structurelles. Sur le long terme, un relèvement de l’âge de la retraite est inévitable. Il faut s’y préparer immédiatement afin d’accompagner le tout de manière socialement acceptable. Malheureusement, le Conseil fédéral n’a pas eu le courage de mettre cette mesure sur le tapis dans le projet de réforme qu’il vient de présenter.

Il ne faut pas oublier que les signaux d’alarme s’accumulent aussi dans l’AI, financée en majorité par les cotisations salariales. Depuis 2012, le nombre de nouvelles rentes a augmenté de 42%. La hausse fulgurante chez les moins de 30 ans est encore plus inquiétante. C’est une vraie bombe à retardement.

Qu’il s’agisse de l’AVS, de l’AI ou du budget fédéral, les déséquilibres sont omniprésents. Pourtant, des politiciens de centre-gauche demandent un congé parental par le biais d’une initiative. Et le Conseil national a décidé que les entreprises devraient payer la garde des enfants à leurs employés. Qu’en pensez-vous?

C’est plus qu’irresponsable, et cette dérive politico-financière semble s’étendre de plus en plus. Si l’on considère tous les projets en cours visant à assainir et à développer l’État social, cela entraînera des coûts énormes et affaiblira massivement notre économie et nos PME. Si l’on ajoute aux coûts de la 13e rente et de l’initiative du Centre les dépenses liées à l’initiative pour un congé parental, à la nouvelle allocation de garde d’enfant et à l’augmentation prévue des allocations familiales, on arrive déjà à plus de onze milliards de francs, les coûts du congé parental étant ici probablement sous-estimés.

Il ne faut pas oublier que l’assainissement de l’AVS sans mesures structurelles coûtera probablement près de cinq milliards de francs. Nous parlons donc d’au moins 16 milliards de francs de coûts supplémentaires. Cela correspondrait à près de quatre points de pourcentage de TVA ou à une augmentation des cotisations salariales de près de trois points de pourcentage! Et ce, en période de ralentissement conjoncturel. Cela ne peut tout simplement pas continuer ainsi.

De plus, une partie de cet argent serait tout simplement gaspillée. L’allocation de garde d’enfants serait versée à tous les parents sans tenir compte du fait qu’ils travaillent plus ou non. Les parents pourraient se payer du bon temps pendant que leurs enfants sont pris en charge par des tiers à la crèche. C’est totalement absurde!

Sans compter qu’avec toutes ces dépenses supplémentaires, nous n’aurions d’ailleurs pas encore dépensé un centime de plus pour l’armée. Ni même trouvé un début de solution au problème de l’augmentation sans fin des dépenses de la Confédération.

Interview: Rolf Hug

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