Publié le: 4 juillet 2025

Inciter activement à la biodiversité

BRANCHE VERTE – Olivier Mark, président de JardinSuisse, explique comment l’association des paysagistes et des producteurs d’arbres et de plantes soutient une nouvelle formation de spécialiste en biodiversité. Et tout le secteur se mobilise pour répondre à cette nouvelle tendance.

JAM: Comment se porte la branche verte en ces temps bousculés et incertains?

Olivier Mark: Je suis heureux de pouvoir dire que les entreprises représentées par JardinSuisse ont le vent en poupe, puisque leurs chiffres d’affaires cumulés ont doublé en quinze ans, passant de 2,5 à 5 milliards de francs. La branche verte réunit à la fois les paysagistes et les producteurs de plantes et d’arbres. Ces derniers représentent un quart de nos 1800 membres. En revanche, la grande majorité sont des paysagistes, des PME locales et régionales, actives surtout dans le service. Les producteurs de plantes et d’arbres souffrent actuellement d’une concurrence internationale exacerbée alors que les paysagistes bénéficient d’un trend favorable, qui s’est renforcé en particulier depuis la pandémie.

Les producteurs de plantes et d’arbres souffrent actuellement d’une concurrence internationale exacerbée.

Face à cette concurrence de l’étranger et, vous le mentionniez, la quasi-disparition des producteurs de fleurs coupées en Suisse, quelle est votre stratégie?

Le but est de réintégrer ces producteurs de plantes et d’arbres dans la chaîne de valeur qui mène aux jardins. Actuellement, toute l’attention du public et des professionnels se concentre sur la biodiversité. Avec l’urbanisation croissante de la Suisse et la tendance au réchauffement, les habitants ont soif de verdure et ils ont compris à quel point ces lieux amélioraient la qualité de vie.

Nous voulons mettre un très fort accent sur la formation des paysagistes à la biodiversité grâce à cette nouvelle filière de formation, et par ailleurs, inciter nos membres à adapter leur offre à ce contexte et à répondre à la demande du public pour l’aménagement et le réaménagement d’espaces verts.

Parlez-nous de cette nouvelle filière, depuis quand existe-t-elle?

Les choses ont démarré à Zurich, mais elles s’étendent désormais aussi en Suisse romande. Cette formation est un module de formation supérieure professionnelle intitulé «Spécialiste en biodiversité». Elle vise à enseigner à de jeunes professionnels et aux cadres les bases nécessaires, par exemple pour choisir les bonnes plantes, les matériaux les mieux adaptés, en bref tout ce qu’il faut pour que les jardins permettent d’améliorer la biodiversité.

JardinSuisse a soutenu cette démarche dès ses débuts zurichois. Mais la nouveauté, c’est que la Suisse romande offrira dès la rentrée une formation à Grangeneuve (FR). Notre but est de la proposer à toutes les régions. Nous sommes en train de signer une convention avec l’Office fédéral de l’agriculture pour poursuivre ces développements.

Par ailleurs, nous travaillons avec la Fondation Natur & Wirtschaft, qui certifie les jardins environnementaux selon des critères précis permettant de valoriser la biodiversité. Cet ensemble de mesures destinées à former les collaborateurs et à répondre à l’aspiration de nos clients permettra d’améliorer la qualité des jardins.

Vous étiez la veille de cette interview (le 17 juin) présent à Berne en qualité de lobbyiste. Que s’est-il passé?

Nous soignons nos relations, parce que nous prenons à cœur ce travail qui consiste à défendre nos intérêts en politique. Vous le savez, ce sont les villes et les communes qui règlementent les constructions et partant, les jardins aménagés autour des bâtiments. La question est donc: que peut-on faire sous la coupole fédérale pour faciliter le travail de nos 1800 membres en prise avec les affaires communales et leurs règlementations parfois complexes?

Nous avons donc décidé de nous adresser aux associations de communes ou de villes. L’idée est de mettre en avant un code de bonnes pratiques, certains principes, pour simplifier la situation. Cela fait un certain temps que de nombreuses communes ont édicté des listes de plantes interdites. Nous pouvons à la limite le comprendre. Ce qui par contre est nouveau, et nous le constatons tout particulièrement dans certaines communes en Suisse alémanique, en particulier dans le canton de Zurich, c’est un nouveau trend: publier des listes de plantes obligatoires. On ne peut plus choisir ce qu’on plante. Non seulement cela pourrit la vie de nos entreprises, puisque la situation diffère dans presque chaque commune. Mais on tend à dégoûter les propriétaires d’investir dans leur jardin. J’ajouterais que nos membres, des PME régionales et locales, ne disposent pas de structures juridiques pour faire face à cette situation.

C’est un nouveau trend: certaines communes de la région de zurich publient des listes de plantes obligatoires.

Un autre thème politique taraude-t-il vos membres?

Toute la sphère d’actualité politique est centrée sur les déductions fiscales. Le chapitre de la suppression de la valeur locative nous intéresse beaucoup, même s’il est assez sensible. En effet, d’une part nous pouvons déduire les frais d’entretien du jardin dans certains cantons tant que la valeur locative existe. En même temps, si la valeur locative disparaît, nous payerons moins d’impôts. Nous avons commandé différents scénarios à Gregor Rutz, président de l’association suisse des propriétaires immobiliers HEV et initiateur de la suppression de l’impôt en question, pour savoir comment nous positionner face à cette future campagne tout en prenant en compte l’avis de nos membres.

En zone urbaine, la réalisation d’un projet d’envergurE risque d’être refusé si les espaces verts sont jugés insuffisants.

Le temps où les paysagistes passaient au second plan dans les projets de construction est terminé. Actuellement, la beauté d’un jardin ou d’espaces verts contribue à la valeur du bien. Sans compter qu’en zone urbaine, la réalisation d’un projet d’envergure, par exemple de logements, risque d’être refusé si les espaces verts sont jugés insuffisants. Nous voyons cette évolution d’un très bon œil, car c’est ce qui permet de défendre une qualité de vie que la pandémie a contribué à revaloriser. On est loin du concept «gazon et clôture» des années septante, auquel on aboutissait inévitablement si les budgets étaient serrés. Et ils l’étaient souvent!

Un mot encore sur ce scarabée japonais qui inquiète les autorités?

Il a été importé d’Asie relativement récemment. Il est arrivé à Kloten en lien avec les échanges internationaux, comme le capricorne asiatique. La situation doit être surveillée de près, car les œufs sont pondus assez profondément dans le sol, les larves se développent donc en dehors de toute visibilité et elles rongent les racines des arbres et des arbustes. Tout à coup, elles sortent de terre et c’est la catastrophe. La Confédération a développé toute une stratégie et nos pépinières, bien sûr, sont concernées au premier chef. Nos producteurs sont inquiets.

François Othenin-Girard

BIODIVERSITé

Ce que les horticulteurs peuvent faire

Le Forum Biodiversité émet les

recommandations suivantes:

proposer aux clients un jardinage proche de la nature (plantes indigènes, prairies fleuries, surfaces gravillonnées avec plantation correspondante, biotopes humides)

renoncer aux herbicides

renoncer Ă  la tourbe

créer des conditions de vie favorables aux oiseaux, chauves-souris, insectes et hérissons

végétaliser les murs et les toits

utiliser uniquement du bois issu d’une sylviculture proche de la nature (renoncer aux bois tropicaux)

utiliser le plus possible des produits proches de la nature provenant de la région

respecter les zones de tranquillité des animaux sauvages

préserver les biotopes des plantes sauvages

L’état de la biodiversité ne cesse de se dégrader en dépit des actions déjà entreprises. La stratégie pour la biodiversité indique des mesures pour que la Suisse puisse préserver durablement la diversité des écosystèmes, des espèces et des ressources génétiques. Les écosystèmes qui doivent impérativement rester intacts sont par exemple

les sols pour la filtration de l’eau: la qualité de l’eau potable en dépend;

la forêt: espace de détente pour l’homme, habitat pour un grand nombre d’êtres vivants, milieu qui préserve une bonne qualité de l’air, etc.

Les ressources génétiques permettent le développement de nouveaux produits qui peuvent être également décisifs pour les générations futures, faute de quoi la qualité de vie diminue.

www.jardinsuisse.ch/fr/umwelt/umweltschutz/biodiversitat/

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