Trois ans après l’acceptation populaire de l’initiative «Enfants et jeunes sans publicité pour le tabac», le Parlement suisse a finalisé la révision de la loi sur les produits du tabac. Si l’objectif reste clair – permettre la publicité pour le tabac à destination des adultes – les débats au Conseil des États ont révélé des tensions entre impératifs forcenés d’interdiction et libertés de la presse et de l’économie.
Presse écrite: une exception controversée
Le cœur du débat a porté sur l’article 18, qui traite de la publicité dans la presse. Le Conseil fédéral proposait une interdiction stricte, sauf pour les publications destinées exclusivement à des professionnels du secteur ou au marché étranger.
Le Conseil national a introduit une exception: les journaux vendus par abonnement, dont le lectorat est composé à 98% d’adultes, pourraient continuer à publier des annonces pour le tabac.
Cette exception a suscité de vives critiques. La conseillère aux États Flavia Wasserfallen (PS/BE) a dénoncé une mesure «arbitraire et difficilement contrôlable», soulignant que les données de lectorat varient tous les six mois. «Qui va vérifier?» a-t-elle lancé. La ministre de la Santé, Élisabeth Baume-Schneider, a rappelé que cette règle permettrait encore à une cinquantaine de journaux, comme «Le Nouvelliste» ou la «Basler Zeitung», de diffuser de la publicité pour le tabac, malgré leur lectorat partiellement jeune.
En dépit de ces réserves, la majorité du Conseil des États a suivi le National par 25 voix contre 19, estimant que la règle des 98% offrait un compromis acceptable.
Vente mobile: entre encadrement et interdiction
Fait regrettable, c’est la minorité qui a été suivie à l’article 19, alinéa 1, lettre c. Contre l’avis de la majorité de la commission, le Conseil des États a décidé, par 24 voix contre 19, d’interdire la publicité par les vendeurs mobiles dans les lieux accessibles aux mineurs, sauf si elle n’est ni visible ni accessible à ces derniers.
«L’usam avait mis en garde contre une telle interdiction: une grave atteinte à la liberté économique et un dangereux précédent.»
Cette décision marque un revirement. L’usam avait mis en garde contre une telle interdiction, y voyant une atteinte grave à la liberté économique et un dangereux précédent.
«Aujourd’hui le tabac, demain la bière ou le chocolat?» Elle rappelait aussi que ces vendeurs s’adressent déjà exclusivement à des adultes et respectent les restrictions en vigueur.
Cigares et cigarillos: une exception exotique
Enfin, le Parlement a débattu d’une disposition pour le moins singulière: la promotion de cigares et cigarillos. Le Conseil fédéral voulait l’autoriser uniquement dans des lieux interdits aux mineurs. Le National a élargi cette possibilité à tous les lieux, à condition que la promotion soit exclusivement destinée aux adultes. Cette exception a été qualifiée d’«exotique» par plusieurs élus. La majorité du Conseil des États a suivi le National par 23 voix contre 19.
La loi est passée en votation finale, au Conseil des États à 41 voix pour, contre 2 et aucune abstention, et au Conseil national à 175 voix pour, contre 9 et 23 abstentions.
Restrictive, la loi ne laisse que de petites marges de manœuvre pour la publicité à destination des adultes, notamment dans la presse pour adultes et la vente mobile aux adultes juste sans publicité dans les lieux publics.MH