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Réécrire l’auberge de campagne
Restauration – Cela fera quatre ans cet automne que Gilles Martin, sa fille Garance et son beau-fils Nicola Pache ont repris La Fleur de Lys, l’auberge de Porsel (FR). Récit d’une transition de carrière pour cet ancien journaliste vaudois installé dans la verdoyante Veveyse fribourgeoise. Passionné par cette région, il vient de lancer un site de news microlocales.
«Après trente ans de journalisme ou presque, j’ai décidé de vivre autre chose, j’avais besoin de contacts humains», raconte Gilles Martin. En tournant la page de la cinquantaine, l’ancien chef d’édition vaudois choisit de renaître dans un nouveau métier. Cela faisait un moment qu’il cultivait son amour des produits du terroir, des bons vins, des spécialités locales. Ajoutons qu’on avait toujours senti chez lui cette envie de s’ancrer, de faire pousser des racines, de vivre à la campagne.
«Mes trois enfants étant assez grands et moi pas encore trop vieux, je me suis lancé.» C’est décidé, il sera restaurateur. Et cela tombait bien puisque sa fille Garance, cuisinière, venait de terminer sa formation. Elle sera son associée. Son beau-fils Nicola Pache, quant à lui, arborait aussi une toque de cuisinier et il était précisément à la recherche d’un nouveau défi. Tope là !
Décollage et grosse frayeur
«J’ai obtenu mon certificat cantonal de restaurateur dans le canton de Vaud en 2019, au terme d’un mois sabbatique», raconte-t-il devant un verre d’eau minérale. «À l’époque, nous avions osé former le projet un peu fou de reprendre un petit hôtel. Et puis la pandémie est arrivée, on a temporisé et l’offre nous est finalement passée sous le nez. Heureusement que cela ne s’est pas fait, car nous n’aurions pas survécu à cela. Et au printemps 2021, nous sommes tombés sur l’annonce de La Fleur de Lys.»
Une nouvelle région, un nouveau canton, une nouvelle embarcation à faire démarrer. «Nous sommes partis à la rencontre des vignerons fribourgeois du Vully et de Cheyres, mais aussi de Lavaux, vignoble voisin, et des producteurs de fromage locaux», raconte Gilles Martin. «Nous avons bien vite été sollicités par toutes sortes de gens qui essayaient de placer leurs billes. Et puis nous avons bien sûr rencontré les absurdités bureaucratiques habituelles, l’argent qu’on vous prend pour transférer vos fonds d’un compte à un autre, le coûteux transfert du domicile impossible à anticiper. Il y a beaucoup de différences d’un canton à l’autre, mais nous avons la chance d’être Romands, francophones et de savoir nous débrouiller.»
On prévoit l’ouverture pour octobre. Et badaboum, c’est l’introduction du pass sanitaire. «Malgré les restrictions, on a rapidement séduit un premier cercle de clients. Puis nous avons connu une grosse frayeur à la levée des mesures sanitaires au printemps 2022: entre Pâques et juin, les gens ont recommencé à voyager. Ils avaient envie de mer, de montagne et ils sont tous partis. Les choses ont commencé à aller mieux en août, après nos premières vacances avec une clientèle du coin, curieuse de renouer. Mais la majorité de nos hôtes viennent de plus loin, ils nous connaissent et viennent pour découvrir notre démarche. Restons modestes, il nous a quand même fallu deux ans et demi pour être rentables et au début, j’ai divisé mon salaire par trois!»
Pas beaucoup de monde au café ce matin, mais déjà , on s’affaire en cuisine. On sent la pression monter. L’équipe mange avant l’arrivée des clients. Garance s’active et bientôt tout est prêt. Cela fera quatre ans déjà cet automne qu’ils ont repris La Fleur de Lys, au rythme des saisons et des changements de carte, environ trois par année, chasse, hiver et été. Trois menus du jour renouvelés chaque semaine et la carte pour la restauration du soir.
Slow food sans jusqu’au-boutisme
On y trouve des mets typiques de brasserie, des abats (langue, rognons et tripes) et des spécialités – dont certaines transposées régionalement, comme ce Malakoff vaudois au vacherin fribourgeois. Ou le cordon bleu au saucisson vaudois, en hiver seulement. Une restauration ancrée dans son terroir local et ses produits, mais sans jusqu’au-boutisme, nourrie de partenariats évolutifs avec les producteurs locaux et régionaux, choisis selon la qualité et les produits disponibles.
Les brasseries locales sont accueillies. «Nous travaillons avec la Brasserie du Jorat à Ropraz, Boss’Beer à Bossonens et la Brasserie du Dzô, à Vuisternens-devant-Romont, qui propose notamment des bières sans gluten, c’est un atout que nous aimons offrir.» À ce propos, le restaurant déniche des solutions pour ses clients qui sont intolérants au lactose ou au gluten. «Pour les végans et les produits sans caséine, c’est un peu plus compliqué.»
Vins choisis Ă 100% par le patron
Gilles Martin nous parle de ses atouts, le Label Fait Maison, lancé par la FRC, GastroVaud et la Semaine du Goût. Il y a aussi le label Swiss Wine Gourmet pour lequel La Fleur de Lys a obtenu la note maximale de trois verres. Normal, la carte est composée à 100% de vins suisses choisis par le patron, aussi responsable de l’administration et des finances. Garance, cuisinière formée dans le monde hospitalier, est responsable du service, des achats et de la formation de l’apprentie. Gilles est là à l’ouverture, à midi et l’après-midi, et Garance de midi à la fermeture.
On sent dans l’ensemble un slow food raisonnable, frotté à une approche réaliste du sourçage. Des contraintes aussi. L’auberge appartient à la Commune Le Flon, regroupement de trois communes (dont Porsel, 1200 habitants) qui ont choisi de prendre pour nom celui d’un ruisseau qui coule dans les environs – «sans la moindre parenté avec le Flon lausannois», précise avec un grand sourire Gilles Martin.
Le restaurant est ouvert six jours sur sept, le mardi en journée (sauf le soir), le mercredi, jeudi, vendredi et samedi toute la journée et le soir. Et le dimanche à midi. «Le restaurant accueille les sociétés locales, l’assemblée communale deux fois l’an, entre 60 et 80 personnes. Il y a aussi les gens qui tapent le carton le mardi, ceux qui jouent au scrabble. J’accueille volontiers ceux qui font de la musique ou d’autres activités, pour peu qu’ils soient organisés et autonomes.» À chacun son métier!
Curieux de nature et d’histoire
C’est parti pour une visite du bâtiment. L’auberge comprend trois étages, des volets verts, des murs crème. Une ardoise signale que comme c’est Fête-Dieu, l’ouverture se fera à 9 heures, et que l’établissement sera fermé l’après-midi et le soir. On est en terres fribourgeoises et les jours fériés font partie de la vie locale. De l’histoire, on en trouve sur les murs, mais aussi sur la carte.
Curieux de nature, Gilles Martin croise des gens qui lui parlent de cette région. Il évoque un ancien restaurant nommé Fleur de Lys à Fribourg où les conscrits allaient s’enrôler pour servir le roi de France.
L’origine du nom de cet établissement aussi? En tout cas pas directement. Mais les imposants clochers élevés de la région portent encore la signature de la République chrétienne fribourgeoise de la fin du XIXe siècle qui avait pour vocation de réaffirmer le catholicisme dans une zone de frontière religieuse avec les paroisses vaudoises protestantes, à la même époque que l’ouverture de l’auberge. On lui parle aussi du plan Wahlen et de l’assainissement des terres cultivables.
Il y a trois ans, Justin Favrod lui propose de collaborer à sa revue «Passé simple», mensuel d’histoire et d’archéologie. L’idée: une recette historique chaque mois et, en prime, réaliser la recette et la proposer à ses clients. Aussitôt dit, aussitôt fait. Enfin presque: «Cela demande un peu d’anticipation, il faut une bonne idée par mois, que le caractère historique soit avéré, et enfin préparer une recette simple qui puisse ensuite être réalisée à la bonne saison. En ce moment, nous proposons une tarte saviésanne aux abricots. C’est délicieux avec ce crumble.» Au chapitre des savants locaux, on trouve à la place de l’ancien automate à cigarettes une vitrine abritant divers ouvrages. «C’est un ancien facteur qui a écrit ses mémoires. Pris au jeu, il a ensuite fondé une maison d’édition, les Éditions du Flon.»
La visite se poursuit. Sur la façade extérieure, un fronton et la date de 1858 sous une fleur de lys qui nous fait lever la tête en gravissant une belle volée de marches. On entre. Une, puis deux salles en enfilade et au bout, trois marches puis la salle des banquets. La salle a été refaite et les vieilles boiseries ont disparu. Mais l’esprit de l’auberge communale demeure. Des plafonds en bois, peints en gris clair. Des tables en bois clair. Des salles lumineuses.
La photo du Général
En passant, on admire une fameuse reproduction de la tête du général Guisan. On ne s’y attendait pas et c’est Gilles Martin qui l’a placée là . «Je trouve que c’est un grand classique des auberges de campagne. Et aussi parce que le Général fut un temps notre voisin.» La notice historique indique en effet que dès 1897, il fut l’exploitant du domaine agricole de Bellevue à Chesalles-sur-Oron, qu’il exploita sept ans et finit par vendre pour s’établir à Pully.
Sur la paroi un peu plus loin, une photo en noir et blanc. Une inscription à la main indique qu’elle date de 1908. Elle montre l’auberge et une quinzaine de personnes qui posent pour le photographe du moment. La date de 1858 ne figure pas encore sur la façade qui est en revanche ornée d’une enseigne, malheureusement un peu floue sur la photo. Sur cette même façade, le nom de l’établissement figure en grandes lettres capitales: Hôtel de la Fleur de Lys. La photo a été prise en fin de matinée ou en début d’après-midi. Cela se voit à l’ombre des grands arbres. «De magnifiques grands arbres qui ont depuis cédé la place à un parking», indique un Gilles Martin un brin dépité.
Sont-ils allés à la messe? Est-ce simplement l’heure de l’apéro? Sur la gauche au pied de l’escalier, deux enfants en chapeau et une femme qui tient un petit dans ses bras. Posant fièrement en haut de l’escalier, trois femmes sont appuyées sur la rambarde avec un enfant qui regarde à travers les barreaux. Sur la droite, un groupe d’hommes, chapeaux sur la tête; un petit garçon prend la pose avec eux. Il y a là des paysans un peu endimanchés, peut-être un notable ou le propriétaire, avec une pochette et qui tient une serviette. Le préfet, personnage important dans les campagnes? Qui sait.
«L’une des enfants est la grand-mère d’un de mes clients », sait simplement le patron. Il y a encore un char à quatre roues sur lequel des bagages s’amoncellent. Les chevaux ont été dételés. «Un temps, l’auberge faisait aussi relais postal. Une écurie se situait à la place de l’actuelle grande salle jusque dans les années 1950.»
Envie de news microlocales
Retour à La Fleur de Lys. Il se trouve, hasard du calendrier, que la fin de l’édition papier de «20 minutes» a été annoncée deux jours plus tôt. Tout le monde en parle. Le patron mange une assiette de tortellini. Pourquoi ne se lance-t-il pas en politique?
Gilles Martin a d’autres projets. «Je suis en train de démarrer un site de news microlocales pour la Veveyse. Cela s’appelle Spatz Veveyse.» Et cela tombe bien, car «spatz» est un nom que tout le monde (ou presque) comprend en Suisse romande. C’est le moineau! A priori moins cosmopolite et mieux renseigné que le défunt Twitter, ce petit oiseau connaît tous les buissons des environs et écoute tout ce qui se dit et a du sens ici et maintenant!
C’est grâce à un partenariat avec Hannes Grassegger, journaliste, auteur et entrepreneur, qui a lancé le concept en Suisse alémanique et à Versoix. La diffusion devrait démarrer au mois d’août. «Il s’agit d’une déclinaison locale de ce projet. Nous sommes soutenus par quelques fondations, dont la Fondation Leenards. Actuellement, nous cherchons des abonnés et le but est de à terme de s’autofinancer. Chacun peut placer ses annonces, c’est bon marché et relativement simple. Pour les news, nous lançons des machines qui sniffent le paysage local, les associations, les autorités, les partis, les entreprises. Cela nous donne un fil de news dans lequel nous pouvons piocher pour réécrire des news vérifiées. La publication consiste en une newsletter par semaine, avec un agenda et un courrier des lecteurs.»
Alors souhaitons longue vie au nouveau localier et Ă son jeune volatile!
François Othenin-Girard
La Fleur de Lys Ă Porsel:
https://www.instagram.com/lafleurdelysporsel/
https://www.facebook.com/Lafleurdelys.Porsel
Spatz Veveyse:
https://www.spatz.news/la-veveyse/
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