Publié le: 15 août 2025

Rejeter une nouvelle contrainte inutile

DROIT VOISIN – Avec le projet de loi sur le droit voisin, le Conseil fédéral entend obliger les principaux fournisseurs de services en ligne à verser une rémunération lorsqu’ils utilisent des aperçus de textes et d’images issus de publications journalistiques. L’usam juge cette démarche critique et précipitée.

Le 1er avril 2020, la loi modernisée sur le droit d’auteur est entrée en vigueur, apportant des innovations adaptées à l’ère numérique. Mais avant même son entrée en vigueur, un postulat demandait déjà en 2019 de vérifier l’efficacité de cette révision de la loi sur le droit d’auteur (LDA) et d’évaluer en particulier la situation des éditeurs et des professionnels des médias.

On parle ici de droit voisin. La manière dont l’efficacité d’une révision législative peut être évaluée après si peu de temps reste obscure. D’autant que la table ronde du groupe de travail sur le droit d’auteur (AGUR12), qui a accompagné la révision du droit d’auteur et à laquelle l’usam a participé de 2012 à 2017, avait encore rejeté l’introduction d’un droit voisin.

Mais les accords entre le Conseil fédéral et les divers groupes d’intérêt – créateurs culturels, producteurs, utilisateurs tels que les consommateurs et les entreprises, mais encore les fournisseurs d’accès à Internet et les représentants de l’administration – ne semblent avoir eu que peu d’effets. L’objectif de la table ronde était de trouver un consensus sur la nature et l’étendue de la modernisation du droit d’auteur.

À l’époque, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga s’était personnellement impliquée avec les membres de l’AGUR12 pour trouver une solution viable. Le compromis avait été conclu avec succès et comprenait une série de mesures visant à lutter contre le piratage sur Internet. Dans son message de novembre 2017 au Conseil national et au Conseil des États, le Conseil fédéral a tenu parole et s’est appuyé sur les résultats de l’AGUR12.

Au moins 10%

Après avoir mis des années à mener à bien la révision de la loi visant à moderniser le droit d’auteur, le Conseil fédéral présente déjà une nouvelle révision de la LDA avec le projet de loi sur les droits voisins. Les principaux fournisseurs de services en ligne, c’est-à-dire ceux qui comptent en moyenne au moins 10% de la population suisse parmi leurs utilisateurs chaque année, seront tenus de verser une rémunération lorsqu’ils utiliseront des extraits de textes et d’images issus de publications journalistiques. Cette mesure vise à rémunérer les prestations des entreprises médiatiques, ce que l’on appelle le droit voisin.

Si le projet est adopté et entre en vigueur, les entreprises médiatiques telles que les éditeurs de journaux qui travaillent selon les règles reconnues dans le secteur pour la pratique journalistique auront droit à une rémunération. Elles doivent avoir leur siège en Suisse. La nouvelle redevance sera perçue par une société de gestion qui redistribuera les recettes aux entreprises médiatiques et aux journalistes, à l’instar de ProLitteris ou de la Suisa.

Sans nécessité d’agir

Dans sa réponse à la consultation, l’usam avait déjà souligné en 2023 qu’il n’y avait pas lieu d’agir. Les entreprises médiatiques et les fournisseurs de services en ligne sont interdépendants et tirent mutuellement profit les uns des autres.

Sans médias journalistiques, il n’y aurait pas de contenu vers lequel renvoyer, et sans services en ligne, les publications journalistiques seraient moins souvent trouvées. C’est en substance ce qu’écrivait le Conseil fédéral dans son rapport sur le projet mis en consultation. Le 13 février 2022, les électeurs rejetaient massivement le paquet médiatique qui prévoyait une série de mesures de soutien en faveur de la presse écrite et des professionnels des médias.

Enfin, le 20 octobre 2022, le rapport final «Introduction d’une protection juridique pour les contenus journalistiques sur Internet» était publié. Il concluait en particulier que «l’analyse de marché dans le contexte des snippets n’a pas identifié de véritable défaillance du marché qui nécessiterait une intervention de l’État».

Précisons que les données disponibles indiquent que, du point de vue des utilisateurs, les «snippets» ont tendance à être complémentaires aux articles journalistiques. Pour rappel, le terme «snippet» signifie «extrait» et désigne l’aperçu d’une page web, par exemple dans les résultats de recherche Google.

Compte tenu de l’attitude négative du souverain à l’égard des mesures de promotion des médias et de l’absence de nécessité d’agir, que le Conseil fédéral confirme indirectement dans son propre rapport, l’usam ne voit actuellement aucune raison de soutenir ce projet.

Dieter Kläy, usam

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