«La Confédération attend des entreprises qu’elles...». Combien de fois ai-je entendu cette phrase qui apparaît souvent en rapport avec le «Plan d’action national pour l’économie et les droits de l’homme» («NAP»). Ce dernier formule les attentes du Conseil fédéral en matière de reporting et de diligence raisonnable des entreprises quant aux droits humains. Lorsque j’ai entendu cette locution dans la présentation d’une haute fonctionnaire fédérale, j’ai été rebuté. Et expliqué aux participants effrayés que ni le NAP ni les attentes de la Confédération ne reposaient sur une base légale, qu’il serait bien plus important de parler des attentes des entreprises envers la Confédération. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (Osav) a aussi des attentes face aux entreprises, s’agissant de la teneur en sel du pain que nos boulangers cuisent ou de la teneur en sucre chez les fabricants de boissons. Plus le pain est fade et les boissons insipides, plus l’administration est satisfaite. Récemment, l’Osav a élargi la «Déclaration de Milan» à de nombreuses entreprises, ce qui a eu un grand retentissement médiatique. Dans cette déclaration, les entreprises s’engagent «volontairement» à réduire la teneur en sucre de produits comme le fromage blanc, les céréales pour le petit déjeuner ou les boissons lactées. La menace sous-jacente: si les objectifs ne sont pas atteints, des mesures règlementaires seront prises. Depuis longtemps, l’Osav menace aussi d’interdire légalement la publicité pour les aliments destinés aux enfants et aux adolescents. Pour contrer la large alliance qui s’est formée contre une telle interdiction, l’office incite désormais les entreprises à s’autoréguler en leur imposant des «attentes» si élevées que la branche se demande s’il ne vaudrait pas mieux tenter le tout pour le tout au Parlement.
La Confédération fait aussi pression sur les entreprises par l’intermédiaire de la Comco. Dans le cadre de la révision en cours de la loi sur les cartels, la Comco défend avec force sa pratique dite de «pertinence per se» des accords entre entreprises. Cela permet à l’autorité d’éviter de prouver les effets néfastes des accords en déclarant d’emblée («per se») que certains accords restreignent considérablement la concurrence. C’est plus facile pour infliger des amendes de plusieurs millions et mettre à genoux les entreprises ayant conclu des accords à l’amiable. Parmi les instruments utilisés, les perquisitions, qui ont aussi un impact médiatique important. Leurs conséquences sur la réputation des entreprises mettent également sous pression les innocents.
«Et si tu ne le veux pas, j’utiliserai la force», lance le «Roi des Aulnes» dans le poème de Goethe («Der Erlkönig». Le roi enlève de force l’enfant, n.d.t.). De telles créatures font penser à l’administration fédérale. Ceux qui répondent aux attentes des fonctionnaires peuvent compter sur leur bienveillance. Ceux qui ne se plient pas à leurs exigences sont menacés de nouvelles lois, interdictions et amendes.
Être entrepreneur, c’est avoir le courage de prendre des risques. Or, les cas décrits encouragent les comportements visant à minimiser les risques. Cela alimente la bureaucratie liée à la conformité et sape finalement l’un des piliers de l’entrepreneuriat. C’est pourquoi l’usam lutte systématiquement contre les obligations de déclarer inutiles, les stratégies de réduction du sucre, les interdictions de publicité et les pratiques excessives de la Comco dans le cadre de la révision en cours de la loi sur les cartels.