En septembre 2024, le comité d’initiative «Pour l’égalité des personnes handicapées» a déposé un texte qui vise à inscrire de nouveaux droits fondamentaux dans la Constitution. Il prévoit que les personnes handicapées bénéficient d’un droit individuel à des mesures de soutien et d’adaptation dans tous les domaines de la vie, ainsi que du libre choix de leur mode et de leur lieu de logement. Même si le texte ne parle pas explicitement des rapports de travail, il donnerait à la Confédération et aux cantons un mandat constitutionnel élargi qui pourrait déboucher sur de nouvelles obligations pour les employeurs.
Le Conseil fédéral a jugé l’initiative excessive, mais il a tout de même choisi de lui opposer un contre-projet indirect. Celui-ci, actuellement en consultation jusqu’au 16 octobre 2025, prévoit une nouvelle loi-cadre fédérale sur l’inclusion, centrée sur le logement, et une révision partielle de la loi sur l’assurance-invalidité. À première vue, le contre-projet semble moins radical que l’initiative. Mais en réalité, il s’inscrit dans une dynamique qui accroît progressivement les exigences imposées aux entreprises.
Des coûts en plus pour les PME
Cette dynamique se manifeste aussi dans la révision partielle de la loi sur l’égalité pour les personnes handicapées (LHand). Le Conseil fédéral a adopté fin 2024 le message correspondant, et le projet est actuellement examiné en commission parlementaire. Il illustre déjà les conséquences possibles: extension du champ d’application de la loi aux employeurs privés, obligation de prendre des «aménagements raisonnables» dans les rapports de travail, risques accrus de litiges et d’indemnités. Si ces mesures étaient appliquées largement, elles imposeraient aux PME une charge administrative et financière disproportionnée et créeraient une insécurité juridique permanente.
une dynamique qui accroît progressivement les exigences imposées aux entreprises.
Pour les PME, chaque nouvelle règlementation se traduit par des charges supplémentaires, directes ou indirectes. Les adaptations techniques ou organisationnelles exigées peuvent rapidement peser lourd, d’autant que les petites structures ne disposent ni de service juridique ni de ressources RH pour en gérer la complexité.
Dans les rapports de travail, toutes les entreprises sont concernées, quelle que soit leur taille: même les plus petites devront, sur demande, motiver un refus d’embauche, envisager des aménagements et se préparer à d’éventuelles procédures. À cela s’ajoute le seuil de vingt-cinq postes de travail applicable aux bâtiments soumis à autorisation, qui constitue une contrainte supplémentaire. Il crée un risque de frein à la croissance: une PME qui souhaite s’agrandir ou déménager ses locaux sait qu’en franchissant cette limite, elle se verra imposer des obligations supplémentaires coûteuses. Ce n’est pas ainsi que l’on favorise le développement économique.
Le paradoxe est évident: sous prétexte de renforcer l’inclusion, on produit l’effet inverse. Plus les contraintes juridiques et les risques financiers augmentent, plus les entreprises hésitent à embaucher des personnes handicapées. Une telle évolution met en péril la liberté entrepreneuriale, qui est la condition même de la prospérité et de l’emploi. Les milieux politiques sont conscients de la complexité du dossier. La Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-N) a ainsi décidé de reporter la discussion de fond de la révision de la LHand au premier semestre 2026. Cette décision illustre bien la difficulté de concilier l’initiative, le contre-projet et les révisions légales déjà en cours. Mais elle souligne aussi l’urgence pour les milieux économiques de se manifester: c’est maintenant qu’il faut mettre en évidence les conséquences et les risques pour les PME, avant que le processus politique ne se fige et qu’il ne soit trop tard.
Le paradoxe est évident: sous prétexte de renforcer l’inclusion, on produit l’effet inverse et on met en péril la liberté entrepreneuriale.
Il faut le rappeler: les PME n’ont pas besoin de cette réforme. Dans les faits, elles montrent déjà la voie. Grâce à leur proximité avec leurs collaborateurs et à leur flexibilité, elles emploient proportionnellement plus de personnes en situation de handicap que les grandes entreprises. Leur engagement est réel et efficace. Le tissu économique suisse doit rester libre de se développer sans être paralysé par des régulations qui transforment chaque décision en risque juridique.
Simon Schnyder, usam