Journal des arts et métiers: L’usam a pris le pouls des PME en menant une enquête auprès de nos associations cantonales des arts et métiers. Comment se portent les PME?
Urs Furrer: La majorité des PME jugent que la situation économique est restée «inchangée» au cours des douze derniers mois, et plus d’un quart d’entre elles la qualifient même de «bonne». Mais elles sont pessimistes pour l’avenir. À la question de savoir comment elles évaluent l’évolution économique pour les douze prochains mois par rapport à l’année dernière, plus de la moitié répondent «moins bonne». Il est particulièrement frappant de constater que personne n’estime que la situation va «s’améliorer», et encore moins «s’améliorer considérablement».
Quelles sont les raisons qui poussent le secteur à envisager l’avenir avec pessimisme?
Les défis sont actuellement très importants. La conjoncture s’assombrit, l’économie de l’UE vacille, la guerre fait toujours rage en Ukraine et les droits de douane massifs imposés par les États-Unis pèsent particulièrement sur l’industrie d’exportation. Et les défis à long terme jettent une ombre sur l’avenir: le budget fédéral est en difficulté, des augmentations des coûts salariaux menacent les institutions sociales, en particulier l’AVS.
«Nous ne pouvons pas soutenir le paquet tel qu’il a été envoyé en consultation.»
Et puis, il faudrait encore ajouter à tout cela des congés parentaux, des crèches gratuites, etc., comme si la situation mondiale nous permettait aujourd’hui de nous reposer tranquillement sur nos lauriers. C’est tout le contraire: nous devrions enfin nous réveiller. Il en va de même pour la politique énergétique: nous allons au-devant d’un énorme problème si nous devons un jour déconnecter les centrales nucléaires actuelles du réseau et que nous ne pouvons plus en construire de nouvelles.
Quels thèmes préoccupent concrètement les PME au quotidien?
Il y a la bureaucratie qui, comme une mauvaise herbe, ne cesse de proliférer. Citons aussi l’aménagement du territoire et, dans de nombreux secteurs, la pénurie persistante de main-d’œuvre qualifiée.
Selon l’usam, cette bureaucratie ne cesse d’augmenter à cause des coûts règlementaires. Quelle est l’ampleur réelle du problème?
Selon une estimation de l’usam, les règlementations imposées par les lois, les ordonnances, etc. génèrent des coûts annuels équivalents à environ 10% du PIB, soit quelque 80 milliards de francs par an! Les grands groupes peuvent faire face à des règlementations complexes grâce à des départements juridiques bien fournis. Pour les PME, cela n’est généralement pas possible, car l’effort requis représente une charge disproportionnée par rapport à la taille de l’entreprise. Il est donc important, dans la situation économique difficile actuelle, de renforcer les PME au lieu de les affaiblir.
Quelles sont les revendications de l’usam dans ce contexte?
Nous demandons au Conseil fédéral, par le biais d’une motion, d’introduire un frein aux coûts règlementaires afin de protéger les PME, à l’instar du frein à l’endettement. Les lois fédérales et les traités internationaux qui entraînent des coûts règlementaires supplémentaires considérables pour les PME doivent répondre à des exigences accrues dans le processus législatif. Ces exigences peuvent être satisfaites par une majorité qualifiée des deux Chambres ou par l’abrogation ou la modification d’actes législatifs existants dans une mesure au moins équivalente. Le frein à la charge règlementaire des PME doit s’appliquer lorsqu’un nombre à définir de PME suisses est concerné ou lorsque les coûts supplémentaires attendus pour les PME dépassent un seuil à définir.
Aujourd’hui, les offices fédéraux concernés évaluent eux-mêmes les coûts règlementaires de leurs propres décrets. L’usam demande désormais, dans une nouvelle motion, une estimation indépendante des coûts. Pourquoi?
Parce que de nombreux services administratifs et agences mandatées par eux n’ont aucun intérêt à estimer avec précision les coûts de la règlementation et les minimisent. Dans le domaine alimentaire, par exemple, l’office fédéral compétent a récemment chargé une agence d’évaluer les coûts règlementaires d’une restriction publicitaire prévue. Celle-ci a conclu à un prétendu bénéfice des restrictions publicitaires, en omettant de nombreux facteurs importants et en se trompant.
Une estimation des coûts règlementaires faisait toutefois totalement défaut. C’est là que réside le problème fondamental: les offices chargés de la règlementation ont généralement intérêt à ce qu’une nouvelle règlementation soit mise en place, qu’ils proposent souvent eux-mêmes. Les sociétés de conseil qu’ils mandatent ont intérêt à obtenir d’autres mandats. Elles ont donc tendance à présenter des résultats qui vont dans le sens des offices mandants. Afin de remédier à cette situation, l’usam demande que la responsabilité de l’estimation des coûts règlementaires soit transférée au Seco. Celui-ci est déjà responsable des bases méthodologiques. Cela permettrait de résoudre le problème sans frais supplémentaires.
En ce qui concerne l’ensemble des accords Suisse-UE, l’usam pose aussi plusieurs conditions, dont l’une est le frein à la règlementation déjà évoqué. Quelles sont les autres exigences?
Tout d’abord, l’usam continue de soutenir les accords bilatéraux. Après avoir pesé le pour et le contre, nous ne pouvons toutefois pas approuver le paquet tel qu’il a été soumis à la consultation, y compris les propositions de mise en œuvre.
Nous laissons toutefois la porte ouverte à un éventuel accord, qui serait néanmoins soumis à des conditions claires. Il est important que les PME bénéficient d’un allègement sensible et que la participation démocratique soit garantie, en particulier dans le cas de la reprise dynamique du droit avec possibilité de référendum. Il convient de plus de procéder à une estimation des coûts règlementaires qui indique les coûts administratifs supplémentaires pour les PME résultant de la reprise dynamique du droit européen.
«Si l’initiative destructrice des Jeunes socialistes était acceptée, cela ferait gonfler l’État.»
Les paiements à l’UE doivent être compensés dans le budget fédéral et la masse salariale de l’administration fédérale doit être considérablement réduite. Il faut renoncer à renforcer la protection contre le licenciement dans le droit du travail. En outre, en ce qui concerne le règlement des frais, la primauté du droit suisse sur le droit international doit être garantie.
L’usam tient au vote à la majorité des cantons: pourquoi?
En raison de la portée considérable de ce paquet. Les nouveaux accords limitent notre souveraineté en matière de politique économique. Une telle restriction doit bénéficier d’un soutien démocratique aussi large que possible. Permettez-moi une réflexion personnelle: on entend actuellement souvent l’argument selon lequel, avec la majorité des cantons, un habitant du canton d’Uri aurait plus de poids qu’un habitant de Zurich. Ceux qui avancent cet argument devraient alors aussi militer pour la suppression du système bicaméral et donc du Conseil des États. Ce que personne ne peut sérieusement souhaiter.
Pourquoi l’initiative des Jeunes socialistes est-elle si dangereuse?
Avec son impôt successoral gigantesque, cette initiative détruirait des entreprises familiales bâties au fil des générations en les poussant à la ruine ou à la vente à des groupes étrangers. Des emplois seraient perdus et toutes les PME, jusqu’aux plus petits fournisseurs, en souffriraient.
Cette initiative destructrice de la Jeunesse socialiste ébranle les fondements de notre prospérité: les riches, qui sont très mobiles et paient beaucoup d’impôts, seraient chassés de Suisse. Il en résulterait d’importantes pertes fiscales, dont le coût serait supporté par les PME et la classe moyenne. Les Jeunes socialistes, dont les riches financent les études universitaires, veulent utiliser cet argent pour la transformation «éco-socialiste» de la société. Avec à la clé un gonflement énorme de l’État et un gaspillage massif des ressources.
L’initiative service citoyen sera soumise au vote le 30 novembre. Pourquoi l’usam la rejette-t-elle?
Parce que cela aggraverait la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, étant donné que beaucoup plus de personnes seraient absentes du marché du travail. Cela toucherait de manière disproportionnée les PME qui disposent d’un personnel réduit. Il faut instaurer un service obligatoire pour l’armée et la protection civile. C’est important. Mais je trouve qu’il est erroné d’introduire un service civil qui serait étendu à des domaines tels que la «protection de l’environnement». Au final, un stage au WWF, qui soutient régulièrement des initiatives hostiles à l’économie, serait également considéré comme un «service civil».
Et ce sont les entreprises qui paieraient tout cela, une fois de plus. Et si les personnes effectuant leur service prenaient en charge des travaux qui sont aujourd’hui réalisés sur le marché libre, les PME seraient concurrencées et évincées par l’État. Cette initiative est clairement préjudiciable aux PME et doit être rejetée.
Interview: Rolf Hug