Publié le: 7 novembre 2025

Une mauvaise réponse à un vrai problème

L’augmentation de la population en Suisse suscite de fortes craintes dans notre pays. Le manque de logements, les bouchons permanents sur les routes, les hôpitaux débordés, les écoles sous tension, les profiteurs de l’asile, le deal de rue sont souvent attribués à l’immigration. Ces inquiétudes doivent être prises très au sérieux. Non pas en fermant nos frontières, mais en apportant des réponses concrètes à ces effets indésirables de la migration.

Nous devons gérer la croissance démographique par des mesures efficaces et ciblées. Mieux utiliser le potentiel de main-d’œuvre locale en favorisant l’intégration des femmes et des séniors. Appliquer de manière très rigoureuse notre politique d’asile. Bâtir plus d’habitations. Investir davantage dans la formation et les infrastructures. Mais plafonner le nombre d’habitants en mettant fin aux accords bilatéraux comme le veut l’initiative de l’UDC est une voie périlleuse qui se retournera contre nous. La prospérité de la Suisse, qui gagne un franc sur trois par ses échanges avec l’UE, dépend en grande partie de la poursuite de la voie bilatérale.

Quelle entreprise, quelle PME peut aujourd’hui se passer de main-d’œuvre étrangère? Elles sont de moins en moins nombreuses. Notre économie est marquée par une période d’instabilité où les tensions géopolitiques se multiplient et où les crises se succèdent et se superposent.

Après le rejet de son initiative sur une immigration modérée en 2020, l’UDC revient à la charge. Elle demande cette fois que la population résidante permanente de notre pays ne dépasse pas dix millions de personnes avant 2050. Si ce seuil est franchi avant, l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne doit être résilié. Ce qui entraînerait la disparition de l’ensemble du paquet d’accords bilatéraux I, la clause guillotine étant activée. En clair, la fin de la voie bilatérale, qui a contribué à notre succès et permis la création de nombreux emplois.

L’initiative de l’UDC crée en réalité plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle ignore par exemple les bouleversements provoqués par le changement démographique.

Notre population vieillit et n’arrive pas à se renouveler. Le nombre de travailleurs qui partent à la retraite (les baby-boomers) est déjà supérieur à celui des jeunes qui entrent dans la vie active. Ceux-ci souhaitent de plus en plus travailler à temps partiel pour préserver leur «work-life balance».

Conséquence: nos entreprises éprouvent de grandes difficultés à recruter des ingénieurs, des informaticiens, mais aussi du personnel non qualifié. Les secteurs de la santé, de la gastronomie et de l’agriculture ont déjà tiré la sonnette d’alarme.

Cette tendance va encore se renforcer ces prochaines années. Sans l’apport des travailleurs en provenance de l’Union européenne qui complètent le personnel indigène, la Suisse s’expose à des départs d’entreprises et une diminution des recettes fiscales ainsi qu’à un recul de l’innovation et une baisse de la prospérité et de notre qualité de vie. L’AVS serait confrontée à de graves difficultés.

Que nous le voulions ou non, nous sommes tributaires de l’immigration et le resterons. La libre circulation des personnes fait partie de la solution. Nous devons par contre mieux adapter celle-ci aux besoins de notre pays. Dire oui à l’initiative de l’UDC fragiliserait encore davantage notre partenariat avec l’Union européenne. Ce serait un mauvais signal au moment où le Conseil fédéral vient de terminer ses négociations sur les bilatérales III avec les Vingt-Sept.

Voulons-nous vraiment prendre le risque de tendre encore plus les relations avec nos voisins alors qu’il faut serrer les rangs? Les attaques des pays autocrates contre les démocraties s’amplifient. S’isoler est un danger majeur pour notre économie comme pour notre population. Faisons plutôt preuve de pragmatisme et ajustons notre immigration aux besoins de nos entreprises, de notre économie. Nos entreprises et nos PME doivent pouvoir compter sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne.

* Conseillère nationale (PLR/VD)

jacqueline.dequattro@parl.ch

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