Publié le: 12 décembre 2025

Heureux qui comme Karim...

CONFÉRENCIER – Karim Erard est un voyageur au long cours qui a vu du pays et qui sait en parler. Ce conférencier hors pair raconte des pays étranges et mystérieux, comme le Bhoutan et la Corée du Nord. Il prépare actuellement une série de podcasts qui seront diffusés début 2026 sur les grandes plateformes.

Heureux qui comme Karim, a fait un beau voyage! Animé, empathique, drôle et un brin provocateur, mais surtout bien renseigné, Karim Erard a vu et voyagé. Il parle de ce qu’il a découvert et ressenti. Et vérifié. Ce passionné de voyages a arpenté 58 pays autour du monde. Et ce qu’il a découvert, il aime le transmettre à un public plus large. Régulièrement, il donne des conférences sur des pays qui souvent font parler d’eux, entourés d’une légende ou nimbés d’une aura mystérieuse. Il explique d’où proviennent les légendes que l’on entretient à leur propos. Pourquoi dit-on que le Bhoutan est le pays du bonheur. Et l’est-il vraiment? Karim Erard creuse profond dans les fondamentaux des cultures qu’il examine. Il montre des films qu’il a tournés, des photos prises sur place…

Les présentations qu’il propose à diverses associations et clubs service dans toute la Suisse romande incluent la Corée du Nord depuis 2020. Sur le Bhoutan, il était en février au Lyceum Club de La Chaux-de-Fonds. Nous l’avons écouté sur ce thème en novembre au Lyceum Club de Bienne. Une conférence qui sera encore donnée en février prochain (*).

Le reste du temps, Karim Erard enseigne la philosophie et le français à la Divssa et à la Divart du Centre jurassien d’enseignement et de formation (CEJEF) à Delémont depuis 2005. À 50 ans, il habite dans le Seeland. Parmi ses projets figurent aussi une série de podcasts en collaboration avec des personnalités exceptionnelles qui ont habité elles aussi dans des pays peu communs. Mais chut! C’est encore une surprise…

Sur votre site, vous annoncez avoir déjà visité 58 pays. Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir des sentiers battus avec la Corée du Nord?

Depuis tout petit, j’ai développé ma curiosité pour les pays exotiques. En visitant la Corée du Nord et la Corée du Sud, on visualise une fracture réelle dans un pays divisé par l’histoire et les circonstances politiques. Sur place, on expérimente deux réalités totalement différentes: architecture, système social, mœurs, ce sont deux faces d’une même planète. Entre les deux Corées, il existe encore un dénominateur commun. La tradition philosophique confucianiste détermine une construction sociale définissant le rôle de chacun dans la société, des relations à l’autre empreintes de bienveillance, une application dans le travail. Et surtout, un respect de la hiérarchie dans l’entreprise et au sein de sa propre famille, qui s’exprime par un fort respect des aînés. Les langues ont évolué en parallèle et j’ai pu constater que les Coréens du Nord et du Sud se comprennent encore à 80%. Au Sud, les anglicismes se sont imposés. Au Nord, la langue a été influencée par le Russe.

Quid du Bhoutan, un petit pays montagneux auquel vous consacrez actuellement une série de conférences?

Ce royaume niché dans l’Himalaya est pratiquement inconnu. Un pays resté en quelque sorte intact, coincé entre deux géants, la Chine et l’Inde, une position géostratégique complexe qui ne l’a pas empêché de conserver sa propre culture, malgré la mondialisation galopante. Le Bhoutan tire son épingle du jeu – contrairement à d’autres pays de la région comme le Tibet, annexé par la Chine et ayant subi durant des décennies un terrible génocide culturel.

Vous dites avoir suivi diverses formations pour donner vos conférences. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

Oui, j’ai suivi un cours d’improvisation à l’Université populaire de Bienne, avec Claudia Nuara. Cela m’a permis de m’entraîner à l’expression du corps. Puis, j’ai eu la chance de travailler avec Gabriel Cordellier, un mentor global qui a analysé la structure de mes conférences, mes tics de langage. Il m’a proposé des corrections, par exemple d’être plus spontané, moins mécanique, d’accueillir la spontanéité du public, de mieux répondre à ses questions et à ses réactions. J’ai aussi travaillé avec Céline Clénin, une coach de voix qui développe l’expression corporelle comme un instrument vocal.

Comment naît une conférence?

Il faut trouver un fil rouge pour raconter une histoire. Je passe d’abord bien du temps à me renseigner, à accumuler des informations, des témoignages. Je visionne des documentaires. Et bien sûr, je voyage. Sur place, je tiens chaque jour mon journal de bord, où je note tout ce que je trouve sur le pays, une anecdote, une rencontre, une visite, une découverte. En plus, je prends des photos, je filme et récolte des témoignages. Au retour, un plan en trois parties émerge peu à peu.

Préparer une conférence comme celle sur le Bhoutan m’aura pris 14 mois en travaillant surtout le week-end. Peu à peu, cela prend la forme d’un script que j’apprends par cœur. La suite passe par une autocritique. Je travaille les transitions, j’adapte aussi les éléments en fonction d’une actualité. Il faut beaucoup s’entraîner avant d’atteindre un niveau où le naturel et la spontanéité redeviennent présents.

Combien de conférences avez-vous déjà présentées?

Depuis 2019, j’en ai donné 83, dont 70 sur la Corée du Nord et 10 sur le Bhoutan. Et 22 conférences depuis le début de l’année.

Qu’est-ce qu’une bonne conférence de votre point de vue?

Un bon conférencier doit susciter l’émotion, être passionné et habité par son sujet. Les gens qui l’écoutent cherchent à acquérir des clés de compréhension. Le conférencier apporte dans ses bagages des éléments d’ethnologie, d’histoire, il propose des contrastes avec d’autres pays, il rapporte des épisodes précis. Il parle de situations vécues, de gens qu’il a rencontrés.

Une conférence publique au 21e siècle, on pourrait penser que c’est un peu anachronique?

Oui, ce n’est pas faux. La conférence n’a pas disparu au 21e siècle, elle reste un évènement de loisir prisé, en particulier pour les personnes d’un certain âge. Clairement, les vingt à quarante ans ne sont pas là. Ceux qui viennent ont peut-être eu des enfants, mais ils ont grandi.

Pour revenir à votre question précédente, la force de la conférence réside en partie dans le contact humain qui ne se remplace pas. Pour créer ce contact, un conférencier dispose de trois portes d’entrée pour toucher son public. Il lui faut un certain éthos, c’est-à-dire qu’il doit être connu ou avoir une certaine réputation. À défaut, il peut se distinguer par son logos, sa rhétorique. Ou par son pathos, les émotions qu’il parvient à transmettre. Les propositions me viennent souvent suite à du bouche-à-oreille. Les gens qui m’ont vu en parlent à d’autres. Dans de nombreuses associations, les comités recherchent des activités et des conférences pour leurs membres. J’écris aussi beaucoup pour proposer mes conférences. Les gens qui s’y intéressent peuvent me contacter via mon site (ci-dessous).

Vous êtes en train de préparer une série de podcasts. C’est encore un secret, mais au fond, qu’est-ce qui vous attire avec ce type de format et quel public visez-vous?

C’est un complément enrichissant, une fenêtre sur des pays peu connus, à travers des rencontres avec des gens exceptionnels, de les interviewer, de reconstruire une histoire qui reflète leur trajectoire. À la base de cette démarche, j’ai rencontré une personne nord-coréenne dont le récit m’a beaucoup touché. Je me suis dit qu’il serait dommage de perdre ce témoignage extraordinaire.

Actuellement, je planifie des épisodes avec des interviews en lien avec l’Afghanistan, la Bolivie, Haïti et plus tard, l’Angola et les Fidji, la Biélorussie, le Mexique et l’Erythrée. Le format sera de trente minutes, chaque épisode sera diffusé sur Spotify, Apple et Youtube, pour un public curieux. Je lancerai ce podcast début 2026. Je m’en réjouis, même si cela me donne pas mal de travail!

Interview: François Othenin-Girard

Trajectoire

«Né à Bienne, diplômé de l’Université de Neuchâtel (philosophie, français, journalisme) et titulaire d’un master en pédagogie à la HEP-BEJUNE, voilà une vingtaine d’années que j’enseigne la littérature et la philosophie. Passionné de voyage (58 pays visités, 110 voyages), j’ai eu la chance de découvrir des cultures fascinantes.»

www.conference-horizon.com/

(*) Bhoutan, le dernier royaume de l’Himalaya. Vendredi 23 janvier 2026 à la Haus pour Bienne, rue du Contrôle 22 à Bienne (19 h 30), Entrée libre, apéritif offert.

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