Polymères à la pointe de la recherche
PROJETS COLLABORATIFS – La plasturgie fribourgeoise vise à améliorer les processus de production, en réduisant les taux de déchets, mais elle pilote aussi de nombreux projets avec des entreprises de la régionet des chercheurs, avec l’appui de la promotion économique. Et un gros accent sur la formation professionnelle.
La plasturgie fribourgeoise et son association professionnelle, le Swiss Polymers Cluster, souffleront l’année prochaine vingt bougies brillant à la lumière de l’innovation. Une célébration qui se déroulera à Lucerne, dans le cadre de la Swiss Plastics Expo avec de nombreux invités et des intervenants – en particulier sur les enjeux liés à l’intelligence artificielle. Dans la désormais longue histoire de ce jeune réseau figurent déjà d’innombrables projets disruptifs ou utiles, menés par et pour les acteurs du plastique dans la région fribourgeoise et au-delà . Dans le paysage de la plasturgie, Fribourg partage le podium avec deux autres réseaux situés en Suisse alémanique, Aarau et Rapperswil.
Matériaux pour passionnés
À la tête du Swiss Polymers Cluster, Raphaël Hatem nous explique comment ses activités dans le graphisme, puis le marketing et la communication l’ont amené à développer des atomes crochus avec ces matériaux. «Le plastique m’a très vite passionné, sourit ce spécialiste à large spectre. J’ai débuté il y a vingt ans chez Tag Heuer, puis au service d’autres marques horlogères et divers sous-traitants. Par la suite, je me suis lancé dans une activité de marketing et de communication en tant qu’indépendant. Et finalement, je suis devenu directeur du cluster fribourgeois en 2022.»
«Notre réseau est financé à moitié par nos membres qui s’acquittent de cotisations mensuelles et le valorisent pour ses perspectives d’affaires et de rencontres, le réseau qu’il offre et les rencontres que nous organisons régulièrement», précise-t-il.
L’autre partie du financement est assurée via des projets collaboratifs soutenus par la promotion économique fribourgeoise dans le cadre de la nouvelle politique régionale. «Pour de tels projets, il faut en général compter six mois de travail, deux participations d’entreprises fribourgeoises et un porteur de projet académique.»
Le «pape» de la plasturgie
En 2009, le soussigné décrivait dans les colonnes de l’Agefi un nouvel essor de la plasturgie fribourgeoise. «Une invention fribourgeoise ouverte à toute la Suisse a démontré le succès de la méthode cluster. Démarré en 2005 avec sept membres, ce réseau a doublé le nombre de ses membres l’an dernier, (+27 à 59).» Jacques Bersier, coordinateur et cocréateur du réseau, nous résumait alors la démarche fribourgeoise. «Cette réussite s’explique en partie par un effet de bouche-à -oreille dans le secteur et par une visibilité accrue, notamment au sein des publications spécialisées.»
Aujourd’hui, le réseau compte 109 membres qui s’activent autour d’une dizaine de projets. Raphaël Hatem n’est pas rebuté par la dimension technique et les noms compliqués des familles de polymères en question – dont nous vous faisons grâce pour la clarté de cette présentation.
Pour que le réseau parvienne à développer des projets collaboratifs, il faut impliquer toutes les parties intéressées, acteurs industriels ou liés à la production dans diverses branches, entreprises petites et moyennes, voire grandes multinationales, responsables de politiques publiques liées à l’innovation, représentant de la promotion économique et enfin, personnes chargées de projets de recherches dans les hautes écoles et les universités.
Dégazage sous vide
«L’un de nos projets emblématiques concerne un système de dégazage sous vide intégré aux moules de production», explique Raphaël Hatem. «Le défi est d’améliorer la production en optimisant ses défauts, de réduire le taux de déchets en recherchant une meilleure stabilité du processus d’injection sur des parois très fines. En particulier sur les moules multi-empreintes pour de grandes séries. Le système de valves situées dans la cavité du moule permet d’éjecter les matériaux résiduels en utilisant la technique du vacuum. Cela permet d’améliorer le remplissage des moules et de limiter l’encrassement.»
Perception du plastique
Depuis les premières interviews menées dans la plasturgie fribourgeoise, le réseau a été rebaptisé. On parle désormais de polymères et ce n’est pas qu’une question de mot. Cela n’étonnera personne: le contexte sociétal ne simplifie pas la donne. La perception des matériaux plastiques dans les médias de masse et les réseaux sociaux a gentiment conduit à un «plastic bashing». On pourrait dire que le plastique est devenu le souffre-douleur des produits industriels.
«Très clairement, l’utilisation des polymères dans les domaines de l’alimentation et de la santé restent pour l’heure incontournable. Nous redoublons nos efforts pour trouver des solutions afin d’améliorer le tri, les processus de recyclage, d’analyser le cycle de vie. Et en amont, en prolongeant la durée de vie des matériaux polymères grâce à l’additivation.»
Les industriels actifs dans les polymères ont dû faire face à des «Himalayas» règlementaires et une pression en augmentation constante de la part des médias et du public.
«En vingt ans, poursuit notre interlocuteur, la prise de conscience de la durabilité a beaucoup progressé et les entreprises ont déployé beaucoup d’efforts pour se tenir au courant: il y a une énorme quantité de lois au niveau européen.»
Former, former, former
Face aux critiques, le meilleur remède reste l’information. Il faut aussi former la relève, attirer des vocations dans cette branche qui se veut hyper innovante. Et créer des apprentissages: le cluster développe actuellement la formation duale en Suisse romande, en collaboration avec l’association suisse des matières plastiques (Kunststoff.swiss). Récemment, un appel a été lancé aux entreprises afin d’accueillir des apprentis dans la branche, ce qui est déjà possible en Suisse alémanique et au Tessin.
«Soutenez les jeunes et faites avancer la filière plasturgie! La plasturgie offre une formation de technologue en matières plastiques CFC. Ce métier d’avenir ne peut exister sans entreprises formatrices engagées. En accueillant des apprenties et des apprentis, vous transmettez votre savoir-faire, vous contribuez à qualifier les futurs professionnels et vous renforcez l’innovation et la compétitivité de la branche.»
François Othenin-Girard
