Publié le: 8 septembre 2017

Attaque frontale sur l’interdit

ANTI-TABAC – Un nouveau vapoteur venu du Japon relance le débat autour de la loi suisse sur les produits du tabac. De l’avis d’un expert, il pourrait même lever partiellement l’interdiction de fumer.

Un produit pourrait relancer le débat en Suisse, c’est le Ploom Tech, vapoteur de tabac créé par la Japan Tobacco International AG (JTI – voir encadré). Après ses premiers succès au Japon, ce vapoteur dit «hybride» et issu des techniques de numérisation, part à la conquête du monde depuis la Suisse où, paradoxalement, le commerce des e-cigarettes contenant de la nicotine est interdit. L’inédit du Ploom Tech, c’est que le tabac n’est pas brûlé, mais simplement chauffé. C’est donc légal. «Qu’un produit à haut contenu technologique démarre sa carrière internationale en Suisse est judicieux, car il est synonyme de qualité, de précision et d’innovation», dit John Aurlund, directeur général de JTI pour la Suisse. Sur le plan légal, les vapoteurs ont encore du potentiel en s’appuyant sur l’avis d’experts pour attaquer de front l’interdiction de fumer.

Droit de vapoter à l’intérieur

Dans le vapoteur de la JTI, contraire­ment aux cigarettes conventionnelles, le tabac est chauffé indirectement et ne produit aucune combustion. La température de vaporisation maximale atteint 30 degrés, soit moins que la température corporelle. Par conséquent, il ne se forme ni cendres, ni fumée et donc aucune odeur. Si cet aspect n’est certes pas nouveau parmi les vapoteurs, ce qui est nouveau, c’est le lancement public par un professeur de droit, Urs Saxer. Car c’est sur le terrain juridique que se placent les enjeux. Rappelons que depuis le 1er mai 2010, le tabagisme a été interdit en Suisse dans les restaurants, bars et bâtiments publics (à de rares exceptions près)! Dans son rapport, le professeur constate que «dès le départ, la consommation de cigarettes électroniques n’était pas comparable aux produits de tabacs traditionnels et, par conséquent, ne devrait pas être soumise à la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif». Donc, d’un point de vue légal, on a le droit de vapoter à l’intérieur, en public. Seule exception, le canton de Zurich où la vague de réglementations a carrément interdit toute consommation de tabac – donc même le porteur d’un patch de nicotine se trouvant dans un bâtiment public serait punissable…

Loi contradictoire

Le lancement du produit en Suisse revêt un caractère symbolique, car, contrairement à la plupart des pays du monde, le commerce de cigarettes électroniques contenant de la nicotine y est interdit. Comment l’expliquer? Lorsque la cigarette électronique est arrivée sur le marché, aucune loi n’encadrait sa consommation… Un produit sans réglementation en Suisse? Impensable! Le législateur a donc soumis la e-cigarette à la loi sur les denrées alimentaires, considérée comme un produit de consommation récréative. Or, dans cette loi, l’ajout de nicotine est proscrit… «C’est pourtant comparable à l’ajout de caféine qui, elle, est autorisée», explique Stefan Meile, directeur général de InSmoke AG et président de la Swiss Vape Trade Association qui promeut le vapotage. Pour Meile, la situation actuelle est des plus contradictoires: «Les produits qui bousculent les codes ont toujours leurs partisans. La e-cigarette est soutenue par ceux qui cherchent un produit ne subventionnant pas l’AVS, améliorant drastiquement la santé publique et diminuant la vente de cigarettes à consommation mortelle.» Finalement, c’est un pavé dans la mare, jeté à l’adresse des industries pharmaceutiques et du tabac, mais aussi des autorités qui ont pourtant sévi à l’encontre de la cigarette électronique. Aujourd’hui, Stefan Meile espère une réglementation dissociée pour la e-cigarette dans la nouvelle loi sur les produits du tabac, loi qui devrait être publiée et mise en consultation en décembre 2017. Espoir partagé par John Aurlund: «Nous soutenons la décision de décembre 2016 prise par le Parlement pour réglementer ces nouveaux produits de manière différente des cigarettes classiques.» Lors de la nouvelle loi sur les produits du tabac, les bureaucrates devront tenir compte de ces nouveaux produits.

Bientôt, on saura si le vapotage a une chance d’être réhabilité dans les bâtiments publics ou si les discussions resteront… fumeuses.

Adrian Uhlmann,

Schweizerische Gewerbezeitung,

traduction Jean-Luc Adam

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