Publié le: 9 mars 2018

Bottiers, l’avenir à grandes foulées

PIED & CHAUSSURE – L’association défend un modèle de formation duale et la formation professionnelle. Dans le domaine de la numérisation, elle poursuit son combat pour que certaines étapes de production ne soient pas délocalisées à l’étranger.

Brigitte, 6 ans, a mal aux pieds. Monsieur Meier a subi de nombreuses opérations et les cicatrices ont déformé ses pieds. Une grand-mère souffre de jambes enflées. Michael quant à lui s’est étiré les ligaments de la cheville. Un accident du travail, des malformations congénitales, des maladies, des restrictions liées à l’âge et des troubles de l’appareil locomoteur sont des raisons qui rendent parfois inévitable une visite chez le cordonnier orthopédiste.

Le travail quotidien du cordonnier orthopédiste est aussi varié que les organes locomoteurs de ses clients. Un conseil compétent et la fabrication de chaussures «orthopédiques» sur-mesure exigent un savoir-faire éprouvé. Et une bonne dose d’empathie pour le problème et les besoins du client. Parmi les prestations, on trouve des semelles orthopédiques, des pansements pour chaussures, des chaussures spéciales, des chaussures sur mesure.

Des jeunes se lancent

Le pays compte environ 350 cordonniers orthopédistes, tous positionnés dans un marché de niche. «Leur particularité tient également à la collaboration interdisciplinaire avec les médecins, les thérapeutes et les podologues», souligne Marc-André Villiger, vice-président de Pied & Chaussure, l’association professionnelle de la chaussure orthopédique et de la cordonnerie suisse. Autre constat: ces dernières années, un nombre plus important de jeunes cordonniers orthopédistes indépendants ont ouvert une boutique. Le signe, pour ce bottier orthopédiste, qu’un important changement structurel est en marche.

«A long terme, les différents services orthopédiques seront concentrés. Ils répondront également aux besoins d’un client en matière de podologie, de vente de chaussures, de bandages, de bas de contention et de conseils d’experts – le tout sous un même toit», explique-t-il.

Du Valais en Argovie

Les bottiers orthopédistes que nous avons interrogés sont installés à Sion. Il s’agit de la famille Nigro. Pour les fabricants de chaussures orthopédiques, le travail ne manque pas: «Les traitements orthopédiques sont en augmentation. Cela est lié à la proportion croissante de personnes âgées, mais aussi au développement des sports populaires et à l’augmentation générale de la population. De plus en plus de gens prennent conscience que nos services existent.»

Une poignée d’apprentis

La formation et la formation continue constitue l’une des préoccupations majeures de l’association, qui s’engage beaucoup dans ce sens. Les bottiers orthopédistes (CFC) et les cordonniers (CFC) sont peu nombreux. Chaque année, de 10 à 15 bottiers orthopédistes et de 2 à 4 cordonniers terminent leur apprentissage. La faible demande de places d’apprentissage peut être satisfaite.

Les deux professions offrent chacune des possibilités de carrière. Par exemple, les cordonniers CFC peuvent poursuivre et effectuer un apprentissage supplémentaire de 
bottier orthopédiste CFC. S’ils le 
souhaitent, il leur est possible de se former pour devenir maître bottier orthopédiste (agréé OSM).

Formation en deux Ă©tapes

L’association étudie actuellement l’introduction d’un modèle de formation en deux étapes. «En tant que chef d’atelier, nous souhaitons organiser un examen professionnel entre la fin de l’apprentissage et l’examen de maître-artisan, explique Marc-André Villiger, côté association. Mais il y a des retards en ce moment. En raison de nos faibles chiffres de formation, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri) discute de la nécessité de cet examen supplémentaire», ajoute-t-il. Chaque année, l’association Pied & Chaussure organise également un programme de formation proposé aux membres de l’association.

Au niveau politique, la stratégie de formation est un enjeu central pour l’association. «Nous voulons une éducation de base et une formation professionnelle supérieure tournées vers l’avenir, lance le bottier. C’est pourquoi nous avons lancé le projet de révision pour l’enseignement et la formation professionnels supérieurs.»

Les professionnels se distinguent aujourd’hui du reste du monde par leur savoir-faire technique. «Il faut continuer sur cette lancée: la Suisse et l’Allemagne comptent parmi les pays leaders mondiaux dans le domaine de la chaussure orthopédique», rappelle ce professionnel.

L’équivalence entre les parcours professionnels et les hautes écoles constitue une préoccupation particulière de l’association en matière d’enseignement et de formation professionnels: «Il n’est pas possible que les examens de nos maîtres artisans se fassent au détriment de nos candidats. Et que l’État avantage les hautes écoles par rapport à la formation professionnelle», lance-t-il.

Un autre objectif principal, c’est de parvenir à un tarif d’assurance équitable et durable. «Ceux qui sont autorisés à délivrer des prestations conformément au tarif de l’association des maîtres bottiers orthopédistes OSM devraient recevoir une compensation équitable à cet égard. Un dialogue permanent avec les compagnies d’assurance est nécessaire à cet égard», explique Marc-André 
Villiger.

Numériser sans délocalisation

L’industrie 4.0 est un défi majeur: «Malgré la numérisation, certaines étapes de production ne devraient pas délocalisées à l’étranger. Sinon, le savoir-faire accumulé pendant des décennies en Suisse serait perdu.» De plus, la formation serait directement concernée. «Nous sommes convaincus qu’une combinaison de technologie et d’artisanat est nécessaire dans le secteur de la chaussure. Toute­fois, certaines opérations ne peuvent pas être automatisées.»

Au final, seul compte le bien-être du patient. Ce dernier constitue le dernier maillon de la chaîne, le plus important. Et de conclure: «Nos services sont de plus en plus demandés, en particulier dans le cadre de services connexes comme ceux qui sont proposés par des podologues. C’est ce qui leur permet au final d’améliorer leur mobilité et leur qualité de vie.»

Corinne Remund /

François Othenin-Girard

l’association

Pied & Chaussure

L’association (fondée en 1874) préserve et défend les intérêts économiques et professionnels de ses membres. Elle promeut la capacité de performance de ses membres grâce au perfectionnement professionnel, à l’échange d’expériences et à l’organisation de manifestations et de cours. Elle s’engage en faveur des formations professionnelles initiales de réparateurs de chaussures AFP (sera abrogé au 1er janvier 2018. Les contrats d’apprentissage actuels seront achevés selon les règles), de cordonniers CFC et de bottiers-orthopédistes CFC et encourage la relève professionnelle. Elle favorise le développement de la technique orthopédique de chaussures et de la cordonnerie. En tant que partenaire contractuel des assureurs sociaux, elle tend à un tarif d’assurance juste et durable et promeut ainsi un système de calcul et de devis uniforme. Elle favorise la collaboration avec les médecins, avec les assureurs étatiques et privés ainsi qu’avec d’autres organisations et associations dans des domaines affiliés en Suisse comme à l’étranger.

Éducation et formation

La formation et le perfectionnement sont une tâche essentielle. Ici, l’association s’engage pour la formation de base des cordonniers EFZ et orthopédistes EFZ et promeut les jeunes professionnels. La formation professionnelle continue comprend l’échange d’expériences et d’événements issus de conférences et de cours spécialisés. L’association compte environ 200 membres, principalement des cordonniers ou des magasins de chaussures orthopédiques, toutes des PME. L’industrie emploie environ 1000 personnes.

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