Publié le: 15 janvier 2016

Ce qu’ils attendent de 2016

unions cantonales – Leurs représentants nous confient leurs espoirs et leurs doutes quant 
aux thèmes régionaux, au nouveau Parlement et à l’état d’esprit qui prévaut au sein des PME.

Pierre Daniel Senn, Neuchâtel

Blaise Matthey, Genève

Jacques Morand, Fribourg

Jean-Hugues Busslinger, Vaud

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Une nouvelle année, mais aussi un Parlement renouvelé, ainsi qu’un nouveau Conseil fédéral. Comment les représentants des unions cantonales perçoivent-ils la situation des PME? A eux la parole!

(1) Les interrogations pour 2016

A Genève, il s’agit de Blaise Matthey, Directeur général de la Fédération des entreprises romandes (FER): «Tout d’abord, j’attends une certaine stabilisation des conditions-cadres, pour que ce pays reste attractif et compétitif. Je souhaite un franc moins élevé. Et une très bonne conjoncture. Mais il faut rester modeste dans notre capacité de prédiction et d’influence sur des événements extérieurs.»

De stabilité, il est aussi question dans le canton de Vaud. Pour Jean-Hugues Busslinger, Directeur du département de la Politique générale du Centre Patronal: «Le monde économique a besoin d’une certaine stabilité politique, avec moins d’initiatives ou de scrutins qui suscitent plus d’inquiétudes qu’ils n’apportent de solutions. A cette stabilité politique devrait s’ajouter un regain de dynamisme économique.» La stabilité est encore un maître-mot à Neuchâtel, où Pierre Daniel Senn, représentant de l’Union neuchâteloise des arts et métiers, s’exprime (Jean Widmer ayant décliné pour des raisons de santé): «Nous souhaitons fondamentalement une stabilisation du taux de change du franc face à l’euro. L’abandon du taux -plancher a coûté très cher à notre économie neuchâteloise, orientée sur les exportationx et par contrecoup aux PME.»

En Valais, Jacques-Roland Coudray, de l’Union valaisanne des arts et métiers, souhaite «travailler avec des conditions-cadres favorables. La formation de base et la formation supérieure doivent être renforcées, notamment pour nous permettre de former plus de jeunes pour pallier à une ­absence de main d’œuvre. Car si les contingents sont réintroduits, cela deviendra très difficile. Autre point, la fiscalité: je suis heureux de constater que les signatures pour l’initiative «No Billag» ont été récoltées. Il faut dire stop à tout nouvel impôt et taxes!»

Dans le Jura, Patrick Riat, président de la Chambre patronale du canton du Jura aimerait «des concertations plus étendues entre les associations patronales, afin de regagner la confiance face à la population et la stabilité de nos institutions politiques. Nous avons une tendance à réinventer la roue à chaque votation, ce qui génère une insécurité politique. Nos politiques ont tendance à vouloir tout étatiser au niveau fédéral et cantonal».

A Fribourg, Jacques Morand, président de la Chambre patronale du canton de Fribourg et membre du CA de l’Union patronale fribourgeoise, met l’accent sur un autre thème: «Le phénomène de l’immigration m’inquiète, sachant que l’on ne saurait intégrer tout le monde et qu’il faudra aussi financer les logements et les infrastructures nécessaires.

(2) Le zoom dans les régions

C’est la question suivante: quel est à vos yeux le thème le plus important dans votre canton? Pour Jacques Morant, les bouchons prédominent à Fribourg: «Pour la région de Bulle, le problème de circulation est névralgique en raison de l’évolution démographique toujours aussi galopante que nous connaissons ici. Nous venons à peine d’inaugurer le contournement de Bulle et nous sommes ­déjà engorgés aux heures de pointe!»

La politique des transports hante également le Jura. Patrick Riat relève que «notre canton respire correctement, mais sans plus. L’autoroute A16 est ouverte, la liaison TGV nous place à 2h15 de Paris depuis Porrentruy (Meroux). Mais nous avons du mal à décoller, le développement économique et la croissance démographique font encore défaut.»

En Valais, un autre thème donnera le ton, selon Jacques-Roland Coudray: il s’agit de «l’aménagement du territoire et les résidences secondaires. Avant de proposer un deuxième train de mesures, il faudrait commencer par mettre en œuvre la nouvelle loi. Autre thème de préoccupation, les marchés publics. Il faut que le Valais dénonce l’accord intercantonal sur les marchés publics et qu’il puisse doubler ses valeurs seuils. Enfin, lutter contre le travail au noir avec un renforcement des contrôles. Les abus sont ahurissants sur le marché et surtout dans la construction».

Neuchâtel, pour sa part, devra travailler ses fondamentaux. Selon Pierre Daniel Senn, en effet, «le grand mouvement de restructuration des institutions du canton, amorcé, doit se poursuivre l’année prochaine: écoles, transports publics, hôpitaux, fusion de communes».

Dans le canton de Vaud, la fiscalité est de mise. Jean-Hugues Busslinger indique la réforme de l’imposition des entreprises RIE III, sur le plan cantonal, puisqu’un référendum contre le dispositif légal a abouti et que les Vaudois se prononceront au début de l’année. Cet élément est absolument primordial du fait de la contribution essentielle des entreprises multinationales au tissu économique et à l’emploi sur l’Arc lémanique. La deuxième thématique, c’est que le fonds routier FORTA –PRODES soit accepté par les Chambres, car il permettra de redémarrer les travaux préparatoires au grand contournement de Morges, infrastructure essentielle à l’économie de ce canton.

L’imposition des entreprises est aussi très attendue à Genève. Pour Blaise Matthey, «la suite donnée à l’initiative du 9 février et la Réforme de l’imposition des entreprises RIE III sont les deux thèmes cruciaux. La réalité transfrontalière est à la fois économique et sociale. Nous avons besoin de 60 000 personnes pour occuper les places de travail existantes. Le sort du reste de la Suisse est aussi lié à la ­situation qui prévaut à Genève.»

3) Parlement neuf: les attentes

Les Vaudois tirent les premiers: «Tout d’abord, il me paraît important que ce Parlement respecte le fédéralisme et les compétences cantonales. Ensuite, il est tout aussi essentiel qu’il n’aggrave en aucun cas le coût du travail, déjà fort élevé dans notre pays. Enfin, on attend de lui qu’il veille à une gestion rigoureuse des deniers publics.»

Les Genevois reparlent de fiscalité: «Que le Parlement démontre sa capacité à réformer la fiscalité des entreprises et à maintenir des relations ouvertes avec l’Union européenne. Et qu’il sache se concentrer sur ces deux grands thèmes principaux, sans oublier la réforme de la sécurité sociale!»

Les Jurassiens tirent groupés: «Il ­devra traiter des sujets chauds en 2016. La diminution des coûts de 
35 millions est un projet que nous soutenons à la FER et à l’usam.»

Les Fribourgeois soulignent «que la Suisse est attaquée au plan économique depuis de nombreuse années. Cela a commencé avec les fonds en déshérence, Swissair, UBS, etc. Il 
serait temps que les parlementaires 
réalisent que tout le monde, il n’est pas beau, tout le monde, il n’est pas gentil!»

Les Valaisans pensent PME: «Nous autres, les entrepreneurs, pourrions être bénéficiaires de ce léger glissement à droite. Quant au Conseil fédéral, nous verrons si la concordance retrouvée se traduira dans les faits!»

Les Neuchâtelois recherchent la cohérence: «Ne plus obtenir des majorités de hasard. Je suis confiant sur le fait qu’avec ce nouveau Parlement, nous pourrons obtenir une ligne plus claire.»

4) Les dossiers épineux en 2016

Quel sujet leur donne le plus de soucis? Pour plusieurs intervenants, les conditions macro-économiques prédominent. Pierre Daniel Senn: «Les conditions économiques sont mauvaises et toute l’économie doit s’adapter. Or nous n’avons pas fini de surmonter l’adaptation au taux de change franc/euro, la tendance aux achats à l’extérieur, les salaires trop élevés en Suisse en comparaison européenne. Bref, nous devons faire face à des problèmes d’adaptation structurelle qui auront des conséquences sur les recettes fiscales des collectivités publiques. L’exposition de notre économie neuchâteloise au dollar atténue toutefois légèrement cette donne.» Patrick Riat craint pour sa part «un ralentissement économique encore plus prononcé pour l’horlogerie par le biais de la sous-traitance, importante pour notre région. On voit déjà les chiffres du chômage augmenter cette année».

Pour Blaise Matthey, «la situation conjoncturelle. La cherté du franc. Et l’impact que cela peut avoir sur l’emploi». Jean-Hugues Busslinger identifie «en premier lieu la question de la mise en œuvre de l’initiative sur L’immigration de masse». Elle ­devra être respectueuse des institutions, la moins bureaucratique possible et être acceptée par nos voisins européens». Jacques Morand, lui aussi, fait porter ses craintes sur «la stabilité économique, les emplois et le niveau des prix des différents marchés. Par ailleurs, les conséquences des actes terroristes planent toujours. S’il ne faut pas peindre le diable sur la muraille, cette situation pourrait bien ralentir l’économie.»

De l’avis de Jacques-Roland Coudray, enfin, «après une douzaine de bonnes années, nous restons positifs. Nos soucis vont se focaliser sur la problématique de l’aménagement du territoire et de la Lex Weber dont les effets commenceront à se faire sentir en 2016. Par conséquent, nous devrons aussi trouver de nouveaux marchés.»

5) L’état d’esprit dans les PME

Comment sentent-ils les entrepreneurs en ce début d’année? Pour Jacques-Roland Coudray (VS), «le sentiment est mitigé suivant les corps de métier, mais plutôt positif dans l’artisanat, qui dispose de savoir-faire et de gens bien formés. Les soucis viennent de la politique des prix et de la sous-enchère permanente à laquelle nous assistons.»

Jean-Hugues Busslinger (VD) souligne pour sa part ce «mélange de préoccupations, qui touchent surtout certaines branches, mais aussi de l’optimisme. Au final, les perceptions sont contrastées, certains entrepreneurs sont préoccupés par des nuages qui s’accumulent, mais on trouve aussi chez eux une volonté d’aller de l’avant, ce qui est encourageant.» Blaise Matthey (GE) a quant à lui «le sentiment que les entreprises vont bien dans leur ensemble. Je les trouve également perplexes face à l’avenir et aux enjeux politique que nous avons mentionnés pour 2016. Le climat n’est pas particulièrement négatif. Je trouve les entrepreneurs lucides par rapport à ce qui pourrait advenir».

Pierre Daniel Senn (NE) le dit en deux mot: «La prudence!» A Fribourg, Jacques Morand souligne à quel point «les entreprises peinent pour un bon nombre et beaucoup souffrent en silence. Il faudra être prudent sur la diminution des recettes fiscales sur les personnes morales».

Et dans le Jura? Patrick Riat conclut: «Nous suivons le rythme, face à des réglementations qui n’en finissent plus d’augmenter, la bureaucratie, les charges qui s’accumulent, qu’il s’agisse d’environnement, de matériaux. Dans le second œuvre, la pression des syndicats est élevée et les petits patrons ont trop à faire pour monter aux barricades.»

6) Question spéciale: votre position sur le 2e tube au Gothard?

Impossible de ne pas leur poser la question du deuxième tube au Gothard.

Le plus ému? Patrick Riat: «J’ai vécu un accident mortel dans le tunnel de la Vue-des-Alpes en direction de la Chaux-de-Fonds. Une voiture trop près de la ligne blanche en a touché une autre et le choc l’a renvoyée en choc frontal contre un troisième ­véhicule. Il y a eu deux morts et des blessés graves. C’était épouvantable! Nous devons absolument construire ce 2e tube. Un tunnel avec un double flux, c’est une ignominie!»

Le soutien dans l’Arc lémanique est également acquis, à commencer par le canton de Vaud: «Un oui au Gothard est une affaire de solidarité confédérale, de logique économique et de sécurité routière, confirme Jean-Hugues Busslinger. Nous y sommes donc favorables tout en 
notant que cette solidarité confédérale devra aussi s’exercer lorsqu’il s’agira d’adopter le fonds routier FORTA–PRODES.» Idem à Genève: «Nous y sommes très favorables, à condition de ne pas oublier les investissements à consentir dans d’autres régions en parallèle, en particulier dans l’Arc lémanique», précise Blaise Matthey.

Et à Neuchâtel, c’est également un grand OUI pour Pierre Daniel Senn. «Nous soutenons à fond le deuxième tube en espérant que la population et les régions en feront de même.» En Valais, Jacques-Roland Coudray rappelle que «le tunnel routier du Gothard fait partie des conditions-cadres de l’économie. Nous sommes 100% en faveur du 2e tube, qui favorise les exportations et les importations et le Valais en bénéficie. S’il ne se réalise pas, les reports de trafic seraient très élevés dans notre canton et perturberaient fortement la circulation dans toute la plaine du Rhône».

7) Quid du tourisme d’achat?

Les zones frontalières sont les plus touchées. Comme à Genève, Blaise Matthey: «Le tourisme d’achat est quelque chose de terrible dans les régions frontalières. Les baisses dans le commerce de détail sont considérables cette année, on atteint par endroit un recul de 25% de chiffre d’affaires. Mais je ne vois pas très bien comment le contenir, sauf à interdire aux gens de circuler. Il faut aussi ­assouplir les règles d’exercice de l’activité commerciale pour ne pas être doublement pénalisé. Reste que le vrai problème, c’est le franc.»

Autre canton touché, le Jura. «Il est inévitable, selon Patrick Riat. Je note que les gens n’y vont pas tous les jours, mais plutôt le week-end. Il faut expliquer que si nos prix sont élevés, c’est parce que nous offrons des salaires bien plus élevés de ce côté de la frontière.»

Pour Jean-Hugues Busslinger, «le tourisme d’achat demeure important dans les zones frontalières. Malheureusement, ce n’est pas la seule difficulté que doit affronter le commerce de détail. En effet, les nouvelles habitudes de consommation, les achats électroniques ­notamment, constituent autant de mutationsstructurelles qui ne sont pas simples à maîtriser.»

Propos recueillis par

François Othenin-Girard

Patrick Riat, Jura

Jacques-Roland Coudray, Valais

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