Publié le: 3 avril 2020

Cercles vertueux par temps houleux

RECONNAISSANCE – Les valeurs de proximité et de qualité finissent par payer. A Vevey, le travail de la sculptrice Alexia Weill a été choisi par Nestlé pour récompenser les meilleurs de ses collaborateurs dans le monde entier.

Comment devenir le fournisseur artistique d’un géant agroalimentaire? Telle est la question que nous avons posée à Alexia Weill – peu avant que la grande vague virale ne mette un coup de frein aux interviews dans le terrain. Les cafés étaient encore ouverts. Son attitude est une potion anti-crise.

Entrer dans le premier cercle

Tout commence par un contact. «J’avais rencontré René Ciocca, le directeur marketing de Nestlé – Head of Corporate Identity & Design Marketing and Consumer Communication, en charge de la Fondation d’Art Nestlé – pour lui parler de mes projets. Il m’a annoncé qu’il voulait présenter mon travail cette année pour les cercles vertueux», raconte-t-elle, en observant son espresso du coin de l’œil.

Le Café de Grancy à Lausanne est ce jour-là à moitié vide – quatre jours seulement avant la ferme­-ture complète des établissements publics. La veille devait se tenir la remise des Awards à Vevey.

«En fait l’event a bien eu lieu, mais avec moins de monde et seulement avec les directeur suisses et les directeurs des filiales étrangères ont reçu leur trophée par visioconférence», précise-t-elle.

«Depuis huit ans, leur idée est de confier chaque année à un artiste différent la réalisation d’une œuvre déclinée en quinze exemplaires. Le but est de récompenser les directeurs des filiales et leur équipe qui ont mis en place une dynamique de cercles vertueux et d’enchaînements positifs.»

Dans le premier cercle de la direction de Nestlé, la sculptrice a même eu l’occasion de rencontrer brièvement Marco Settembri. Un «Executive Vice President et Chief Executive Officer Zone Europe Middle East and North Africa (EMENA)» – dont l’agenda est minuté. «Ils ont été géniaux de A à Z: recherche du dialogue, respect du travail et de la vision, je n’ai rencontré que des gens adorables et à l’écoute, ce fut humain et chaleureux.»

Réalisées en marbre de Carrare, fixées sur un support en bois Wengé, les œuvres sont toutes différentes, gravées de symboles et de motifs géométriques. L’artiste a également conçu des caisses afin de les expédier – dès que possible – dans le monde entier.

Alexia a été présentée dans le microcosme de Nestlé via un film tourné par Eric Adelheim, qui a réalisé des clilps publicitaires, notamment pour Kate Moss, Louis Vuitton, Lagardère et Pepsico. Ce document est visible sur son site (www.alexiaweill.com).

Se concentrer avec sincérité

«Selon Nestlé, il était important de prendre en compte la vision de l’artiste sur ces enchaînements positifs, explique-t-elle. Je me suis donc aussi longuement interrogée sur ce qu’était une multinationale. L’image d’un corps, d’organes, oui, quelque chose d’assez organique s’est vite imposé. Et face à cette multiplicité de personnes, une unité, un état d’esprit qui s’imprime dans le réel. J’ai travaillé sur cette impression de caractères, de formes, de matières, de textures différentes – en m’aidant d’outils comme la gradine, le ciseau plat et la meuleuse.»

Alexia s’est impliquée à fond dans une réalisation de longue haleine: «Mon but a été de me concentrer avec sincérité en gravant ces formes et ces symboles dans le marbre. Me concentrer pour être dans le signe, non dans le geste machinal. Pour que telle forme de vague matérialise réellement la communication entre les personnes d’une grande organisation. Pour que les motifs transmettent la réalité des meetings et des échanges à travers le monde – et pas seulement un quadrillage. Et au centre de cette œuvre, il y a bien sûr un cercle. Je pense que dans l’histoire de l’humanité, la première démarche artistique fut probablement d’en tracer un.»

Cercles weilliens démultipliés par un réseau

Etre au bon moment au bon endroit – et avec la bonne démarche. C’est ce qui pourrait expliquer cette rencontre entre une artiste et une entreprise. Dans le cas d’Alexia Weill, cela fait déjà plusieurs années que sa quête était centrée sur le cercle.

C’est du reste en raison de ses ronds en marbre qu’elle s’est fait rapidement connaître en Suisse romande puis beaucoup plus loin, New-York, Dubai…

D’abord, on a vu des «cercles weilliens» pousser à Villeneuve au bord du lac. On se souvient de «La Vague», cette dame de marbre, en forme de cercle également, une divinité féminine émergeant des eaux du Léman à Montreux en hommage à Camille Claudel. On espère en voir un tutoyer les neiges presque éternelles de Glacier 3000 – un projet «en attente de financement».

Car un cercle, s’il est vertueux, en amène d’autres. La commune d’Aigle a acquis via un mécène une tête baptisée «Archétype» et installée sur la rive de la Grande Eau. Et bientôt, au centre d’un giratoire à St-Légier, au lieu-dit «La Bergerie», de petits moutons circulaires en marbre batifoleront près d’une rivière. Deux communes dans lesquelles l’artiste a résidé et réside.

Trouver son lieu

Les valeurs de proximité finissent par apporter leur lot de reconnaissance. «J’ai la chance de disposer d’un espace pour présenter mes œuvres à Vevey dans la Halle Inox des anciens Ateliers de constructions mécaniques de Vevey (ACMV). C’est là que la dame de ‹La Vague› a élu domicile.» Et Alexia jubile un brin: «C’est ma galerie!»

Au passage, coup de chapeau à Patrick Delarive, entrepreneur visionnaire, propriétaire de cette fameuse halle – bien controversée – et qui a rendu ce rêve possible. Tant il est vrai que l’art procure toujours une certaine forme d’apaisement.

François Othenin-Girard

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