L’assouplissement du télétravail arrive à point nommé
Championne du monde ès chapeaux
ELIANE SCHNEIDER – La petite dame aux chapeaux de Montmollin a obtenu un résultat magistral en 2014. Un prix de créativité reçu à Chazelles-sur-Lyon. Comment façonner un objet classique à la croisée de l’art et du métier – pour une clientèle éternelle.
La longue attente avait commencé pour Eliane Schneider. Sortie un jour de mars de son atelier de La Prise, sur les hauteurs de Montmollin (NE), son nouveau chapeau bien emballé, elle avait démarré sa voiture, traversé les bois de conifères du Mont-Racine, dévalé légèrement la vallée des Ponts franchie, franchi sans encombre la frontière naturelle du Doubs – si proche. Puis, elle le confia à la postière de Morteau. «Aux dernières nouvelles, le précieux colis est bien arrivé à destination», ajouta-t-elle, le jour de notre rencontre. Sur les chapeaux de roue, Eliane? Comme beaucoup d’hyper créative, elle fignole. Mais dame! Il ne s’agissait pas de n’importe quel galurin. Un exemplaire bien unique représente cette modiste du Val-de-Ruz au «Mondial du chapeau» dont le microcosme se réunit à Chazelles-sur-Lyon – une heure en voiture au plus depuis Lyon. Le premier couronnement d’Eliane date de 2014. Elle avait emporté son premier prix de créativité dans une ancienne salle de l’usine de feutre Fléchet. Devant des Japonais si forts, les Français, les Italiens, le monde entier. Un trophée décerné par Stephen Jones «himself», le pape du calot qui fait baver des ronds de chapeau à tous les candidats et qui a construit un empire chapelier à l’international.
Escalier sur chapeau
«Le musĂ©e venait d’ouvrir et les organisateurs du concours avaient choisi le thème Archifeutre. Histoire de rendre hommage au feutre, longtemps une mono-industrie dans cette ville, rappelle-t-elle. Cela m’a immĂ©diatement fait penser Ă l’architecture, j’ai eu l’idĂ©e de construire des escaliers sur un chapeau. Il m’a fallu plusieurs tentaÂtives avant de parvenir Ă mettre au point une armature de mĂ©tal recouverte de laine cardĂ©e et ensuite feutrĂ©e.»
Educatrice de la petite enfance reconvertie dans l’artisanat avec son mari François – lui aussi éducateur artisan sculpteur céramiste et ancien éducateur – le couple est à la tête d’un B & B qui avait conquis le cœur des Romands. En décembre 2012, dans la série de la RTS intitulée «Un hôtel à la maison», les Schneider avaient démontré leur capacité innovative en transposant une chambre de leur maison d’hôte dans une bulle en plastique gonflée à l’extérieur.
Avec une vue imprenable face au plateau suisse et sous une voûte étoilée – et des toilettes amusantes à base d’écorces. La bulle existe toujours et, par coup de trois semaines, se fraie courageusement son chemin dans le labyrinthe législatif étatique neuchâtelois. De leurs fenêtres surplombant un joli jardin, la vue est à couper le souffle. Eliane se surpasse pour les petits déjeuners. À La Prise, du reste, tout est fait maison. C’est la marque de maison. Coup de chapeau!
Couvre-chef en chambre-Ă -air
Alors, pourquoi la championne du monde des chapeaux ne récidiverait pas? Le thème imposé cette année – la nature – semblait l’inspirer tout particulièrement. «J’ai exposé l’an 
dernier avec une femme qui confectionnait des tableaux en papier. Ce papier, je l’ai travaillé avec de la toile collante, comme si cela avait été un tissu, avec de l’enduit.» Le résultat est surprenant – avec un grand 
pompon en feutre. «On pourrait se promener sous la pluie tant il est imperméable.»
CĂ´tĂ© matĂ©riaux subversifs, elle est Ă l’avant-garde en tâtant toutes les matières. Vous avez dit plexiglas? Bien sĂ»r, mais aussi le plastazote, une mousse lĂ©gère utilisĂ©e dans les 
accessoires de théâtre et pour les shows d’Holiday-on-Ice. SubliÂmant le sisal, elle remet la voilette au goĂ»t du jour, boutique la paille, le cuir et leur fait subir toutes sortes de traitement.
Pour les ornements, elle dĂ©clare une vive passion pour les brico-dĂ©co et quinÂcailleries – des mines Ă idĂ©es. Elle travaille aussi un peu du chapeau, il faut le dire. N’hĂ©site pas Ă solliciter un mĂ©canicien agricole pour qu’il lui garde d’immenses chambres Ă air de tracteurs dans lesquelles elle taille en toute libertĂ© des chapeaux pour femmes. Et des casquettes pour homme dotĂ©es d’une vie intĂ©rieure mouchetĂ©e de croix suisses. «C’est plutĂ´t adaptĂ© Ă un public de grandes villes…», lance-t-elle in petto.
La mode en reprend et s’éloigne…
Sa clientèle n’a pas – ou jamais eu – d’âge. Une dame vient d’Autriche, une autre d’ici. Internet, bien sĂ»r, mais pas tant que ça. Elle a tenu boutique Ă Neuchâtel, il y a quelques annĂ©es, une pĂ©riode, et puis on passe Ă autre chose. C’est comme les rapports, inconstants, entre l’esprit du temps et les chapeaux. La mode en reprend un peu, l’oublie, se laisser retenter, s’en lasse. Un vrai classique, donc. Pour parler du mĂ©tier, elle explique le traitement du feutre, des poils de lapin ou de lièvre (rĂ©coltĂ©s autrefois selon une mĂ©thode secrète qui ne l’est plus aujourd’hui qu’à moitiĂ©). Des poils soufflĂ©s dans un cĂ´ne, «feutrĂ©s» par l’action conjuguĂ©e du frotteÂment de la chaleur. Suivent des bains de vapeur, des roulades, de la matière qui rĂ©trĂ©cit, avant d’être teintĂ©e, finie, relevĂ©e, mĂ©lusinĂ©e – lorsque l’on souhaite un effet «à poils longs». Le tout est livrĂ© sous forme de cĂ´nes ou de capelines.
Eliane en son atelier
Lorsque le feutre arrive Ă la maison, l’artisane-artiste le retravaille Ă l’aide d’un apprĂŞt. Et hop! Passage Ă la casserole, oĂą la vapeur l’assouplit avant de l’étirer sur un moule. On le sèche, on le coupe, on le coud. A l’intĂ©rieur, une garniture – on dit une «entrĂ©e de tĂŞte». Cela ne s’invente pas. La confection de chapeau est un sport cĂ©rĂ©bral. Une balise pour dater le dĂ©but de cette passion? «Un jour avant NoĂ«l, ce devait ĂŞtre en 1994, ma fille m’a tendu une couverture de magazine sur laquelle figurait un modèle portant une robe noire et un chapeau rouge. C’était le cadeau qu’elle s’était choisi.»La chapelière neuchâteloise (comme Pascal Liebetrau, JAM 01, 2018) dispose elle aussi d’une excellente mĂ©moire visuelle. C’est certainement l’une des composantes dĂ©Âterminantes dans son talent. «Toute petite, j’avais Ă©patĂ© ma mère en reÂfaisant de mĂ©moire une tresse toute seule.» Par la suite, elle a pris de nombreux cours Ă Chazelles-sur-Lyon sur des thèmes spĂ©cifiques: chapeaux de spectacles, coupĂ©s-cousus, en paille, en sisal, bardĂ© (avec des moules 
fabriquĂ©s par le modiste) ou dotĂ© d’une structure lĂ©gère. Ă€ La Prise, l’attente se poursuivait. «On verra, je devais bientĂ´t recevoir un e-mail», sourit Eliane, toute modeste en attenÂdant l’issue du concours. «Le thème de la nature est difficile, tellement variĂ© aussi.» Epilogue: peu avant le bouclage de cette Ă©dition, le message est arrivĂ©. Le chapeau participera quand mĂŞme au dĂ©filĂ©. Pour le prix, ce sera une autre fois. On ne peut pas ĂŞtre championne du monde Ă tous les coups de chapeau!
François Othenin-Girard
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